Les études de paléogénétique précédentes ont montré que 80% de l'ascendance des premiers fermiers du Néolithique de Grande-Bretagne est issu des premiers fermiers d'Europe (EEF) et 20% d'ascendance issue des chasseurs-cueilleurs d'Europe Centrale. Ce profil génétique est resté stable en Grande-Bretagne pendant un millénaire et demi jusqu'à l'arrivée des Campaniformes vers 2450 av. JC. A cette période 90% de l'ascendance génétique est issue des Campaniformes d'Europe continentale et 10% des fermiers de Grande-Bretagne. Cependant aujourd'hui l'ascendance génétique de la population actuelle du sud de la Grande-Bretagne comprend plus d'ascendance issue des fermiers d'Europe que les populations actuelles du nord de la Grande-Bretagne ou que les populations de l'Âge du Bronze. La question est de savoir quand cette proportion a augmenté dans le sud de la Grande-Bretagne.

Nick Patterson et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Large-scale migration into Britain during the Middle to Late Bronze Age. Ils ont séquencé le génome de 416 individus anciens de Grande-Bretagne, mais aussi 161 individus d'Europe continentale datés pour la plupart entre la fin de l'Âge du Bronze et l'Âge du Fer. Dans la figure ci-dessous les échantillons analysés dans cette étude sont en noir et ceux préalablement publiés sont en jaune:

2021_Patterson_Figure1.jpg, déc. 2021

La statistique f4 a montré qu'il y a une augmentation du partage d'allèles avec les premiers fermiers d'Europe dans la population d'Angleterre et du Pays de Galle entre l'Âge du Bronze Moyen et la fin de l'Âge du Bronze ou l'Âge du Fer. Ces résultats sont confirmés par l'utilisation du logiciel qpAdm:

2021_Patterson_Figure2.jpg, déc. 2021

En Angleterre et au Pays de Galle, la proportion d'ascendance EEF passe de 31% au Chalcolithique et au début de l'Âge du Bronze à 34,7% à l'Âge du Bonze Moyen, 36,1% à la fin de l'Âge du Bronze et 37,9% à l'Âge du Fer. En Écosse il n'y a pas d'évolution significative de cette proportion. La modélisation des populations de l'Âge du fer d'Angleterre comme issue d'un mélange entre une population de l'Âge du Bronze et une population Néolithique échoue suggérant que cette hausse de proportion EEF n'est pas due à un mélange local avec une population isolée de fermiers du Néolithique. L'hypothèse la plus plausible est qu'il s'agit d'un mélange génétique entre les populations locales et une population venue du continent. L'analyse pour chacun des échantillons a donné les résultats ci-dessous:

2021_Patterson_Figure3.jpg, déc. 2021

  • Un groupe de fermiers du Néolithique d’Écosse possède une forte proportion d'ascendance chasseurs-cueilleurs suggérant des unions entre des fermiers récemment arrivés du continent et un groupe Mésolithique local.
  • Il y a une forte variabilité de la proportion d'ascendance EEF dans la population du Chalcolithique avant qu'elle devienne plus homogène vers 2000 av. JC. reflétant l'arrivée de la population Campaniforme venue du continent. Le fait que l'archer d'Amesbury possède relativement peu d'ascendance des steppes indique que la population Campaniforme venue du continent était génétiquement hétérogène.
  • A l'Âge du Bronze Moyen et Final il y a quatre outliers possédant une forte proportion d'ascendance EEF suggérant qu'il s'agit de quatre migrants de première génération. Ce résultat suggére qu'il ne s'agit pas d'une migration de masse à l'Âge du Bronze Moyen mais plutôt d'un flux continu d'arrivée de migrants sur plusieurs centaines d'années.
  • La proportion d'outliers est d'environ 17% au Chalcolithique, 4% à la fin de l'Âge du Bronze Ancien, 17% à l'Âge du Bronze Moyen et Final et seulement 3% à l'Âge du Fer. Ce résultat suggère deux période de migration importante au Chalcolithique et à l'Âge du Bronze Moyen et Final.


Les auteurs ont également analysé la tolérance au lactose dans les populations d'Europe de l'Âge du Fer. Elle est très faible en Europe continentale: 9% dans la péninsule Ibérique et 7% en Europe Centrale. En Grande-Bretagne elle est beaucoup plus élevée, autour de 50% suggérant une intense sélection naturelle dans cette région à l'Âge du Fer. Comme les résultats précédents ont montré qu'il y a eu peu de migration à cette période, cette augmentation est probablement due à une consommation de produits laitiers différente en Grande-Bretagne par rapport au continent.

Les auteurs ont ensuite recherché la source de la migration de l'Âge du Bronze Moyen et Final en Grande-Bretagne à l'aide du logiciel qpAdm. Le résultat indique que les meilleurs candidats sont des individus localisés en France: quatre d'Occitanie et deux de la région Grand-Est, ainsi qu'un individu de la péninsule Ibérique.

Enfin les auteurs suggèrent que l'arrivée de cette nouvelle population venue de France entre l'Âge du Bronze Moyen et l'Âge du Bronze Final a pu apporter les langues celtiques en Grande-Bretagne en accord avec certaines hypothèses linguistiques.