L'étude de Patterson de 2021 intitulée: Large-scale migration into Britain during the Middle to Late Bronze Age avait mis en évidence une migration importante en Grande-Bretagne entre le milieu et la fin de l'Âge du Bronze. Cette étude avait séquencé le génome de 416 individus anciens de Grande-Bretagne, mais aussi 161 individus d'Europe continentale datés pour la plupart entre la fin de l'Âge du Bronze et l'Âge du Fer. Parmi ces derniers il y a un certain nombre d'échantillons français que j'ai voulu décrire dans cet article. Ils sont au nombre de 55 qui s'échelonnent entre le Néolithique et le Moyen-Âge. Trois d'entre eux correspondent à une réanalyse d'échantillons issus du papier d'Olalde: The Beaker phenomenon and the genomic transformation of northwest Europe. Il s'agit des sépultures campaniformes individuelles de Sierentz (Haut-Rhin), de La Fare à Forcalquier (Alpes de Haute Provence) et de Rouffach (Haut-Rhin).

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Port Blanc, Quiberon, Morbihan

Le site de Port Blanc est un complexe mégalithique situé en Bretagne, dans le nord-ouest de la France. Le site a été fouillé en 1883 par F. Gaillard et a livré trois espaces architecturaux : deux tombes à couloir (dolmen A et B) composées de blocs mégalithiques, et une annexe composée de rochers. Les deux dolmens sont distants de 5 m et parallèles l'un à l'autre. Dans la chambre du dolmen A, deux couches de restes humains ont été découvertes, séparées par des pierres plates. La couche supérieure a livré deux individus avec quelques mobiliers funéraires, ainsi que cinq crânes pouvant correspondre à une réorganisation funéraire. La couche inférieure comprenait onze crânes, dont un avec des preuves de trépanation, ainsi que quelques os longs. Dans le dolmen B, cinq squelettes ont été découverts dans le couloir et cinq autres crânes dans la chambre. L'annexe a également livré des restes humains, principalement des crânes. Des datations au radiocarbone avaient été obtenues précédemment sur trois os: le crâne trépané a donné une datation de 3930–3660 cal BCE; l'os R82.31.1 a donné une date de 3950–3710 cal BCE; et l'os R82.31.25 a donné une date de 2870–2590 cal BCE. Huit os pétreux ont été analysés avec succès pour l'ADN ancien et ont fourni deux nouvelles datations radiocarbone: le squelette RL 90.30.1.1 (P2429) a donné l'échantillon I15028 datant de 2437–2147 cal BCE et le squelette RL 90.30.1.6 (P2434) a donné l'échantillon I15033 datant de 1891–1743 cal BCE. Ce site est ainsi été utilisé entre le Néolithique et le Bronze Ancien. Les individus I15028 et I15034 sont apparentés au deuxième ou au troisième degré.

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Moussey PLA 2018, Aube

Le site de Moussey PLA 2018 fait partie du « Parc Logistique de l'Aube » qui est un projet de gestion du patrimoine porté par le département de l'Aube. Des fouilles sont menées dans le cadre de ce projet depuis 2004, ce qui a conduit aux investigations à Moussey en 2018. Le site de 7ha a livré plusieurs fosses, qui contenaient les restes de cinq individus : quatre adultes (individus 1 à 4) et un enfant âgé de 4 ans±12mois (individu 5). L'ADN ancien a été analysé avec succès à partir de trois os pétreux. Deux datations radiocarbone ont été obtenues à partir des ossements des individus 1 et 2 et ont fourni les deux dates respectives: 3513–3343 cal BCE et 3516–3365 cal BCE situées au Néolithique récent.

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Martincourt, Meurthe-et-Moselle

Sur la rive gauche de l'Esch, à 1200 m à l'est du village de Martincourt (Grand-Est, Meurthe-et-Moselle), une fissure de 2,4 m de haut dans un système de failles donne accès à une grotte de 6m de long, 2m de large et 3m de haut. En 1955, la grotte a été explorée par les spéléologues M. et Mme Klag, qui ont trouvé une sépulture qu'ils ont datée de l'âge du bronze tardif. L'échantillon I16247 provient de l'os pétreux de cet individu. Cependant la datation radiocarbone de ses restes osseux a fourni une date située dans le Néolithique Final entre 2840 et 2473 av. JC. Les ossements humains et le mobilier funéraire, actuellement conservés par le musée de Metz, ont été publiés par A. Bellard et H. Ulrich en 1961. Le squelette, celui d'un individu de 35 à 40 ans, était orienté est-ouest, comme la fissure, et a été déposé près du chenal d'accès, à côté de la dépouille d'un enfant. L'individu a été enterré dans une position accroupie sur le côté droit. La plupart des 16 vases en céramique de la tombe (principalement des urnes et des gobelets biconiques) ont été brisés et semblaient alignés sur deux rangées devant le squelette. Une fusaïole d'argile, ainsi que des restes de chien et de mouton ont également été découverts.

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Villard, Lauzet-Ubaye, Alpes-de-Haute-Provence

Ce dolmen fouillé par Gérard Sauzade est situé à 1267m d'altitude. Il comprend une chambre funéraire rectangulaire de 6 dalles et une dalle de couverture, un couloir d'entrée et un tumulus d'environ 12 m de diamètre. La chambre funéraire a livré 2575 ossements humains en une seule couche. Au moins 25 individus (16 adultes et 9 juvéniles) ont été enterrés dans la tombe. Les corps partiellement articulés ne représentent que 5 % des restes, la plupart des os étant désarticulés. Le mobilier funéraire était rare par rapport au nombre d'individus : deux vases campaniformes incomplets, un poignard en cuivre, un brassard d'archer, ainsi que quelques outils et ornements lithiques.

Un grand nombre de datations radiocarbones ont été obtenues récemment et ont été présentées par Aurore Schmitt aux journées de la société d'anthropologie de Paris le 28 janvier 2022. Elles s'échelonnent entre le Campaniforme et l'Âge du Bronze Final:

Capture d’écran 2022-01-28 095742.jpg, janv. 2022

Des os pétreux de six crânes désarticulés de la couche funéraire ont été échantillonnés et analysés avec succès pour l'ADN ancien. Deux échantillons (I3874 et I3875) avaient été précédemment analysés dans le papier d'Olalde de 2018. Aucune relation familiale a été mise en évidence entre ces individus.

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En fait, tous les individus dont l'ADN a été testé ont fourni très récemment une date radiocarbone comme l'indique la figure suivante. L'individu VL940 correspond à l'échantillon I10344, VLR2 à I10347, VLR3 à I10348, VL63 à I10342, VL498 à I10343, VL1316 à I3875, VL1435 à I3874 et VL1009 à I10345:

Capture d’écran 2022-01-28 095957.jpg, janv. 2022

De manière intéressante l'individu le plus ancien (VL1009 = I10345) est une femme qui n'a pas d'ascendance steppique (3,5%). Sa date correspond au début du campaniforme dans la région. On peut penser qu'il s'agit d'une femme locale qui a été prise pour compagne par un campaniforme dont les ancêtres venaient des steppes.

Beg-er-Vil, Quiberon, Morbihan

Le site de Beg-er-Vil a été découvert par hasard par des ouvriers aplatissant une dune de sable en 1886. Le site a été étudié par Gustave de Closmadeuc qui a dessiné les cistes de pierre et les nombreux fragments de céramique retrouvés autour d'eux. Les céramiques ont ensuite été étudiées par Quentin Favrel et semblent toutes dater du Bronze ancien.

L'échantillon I16791 a été daté au radiocarbone et a fourni une date comprise entre 1881 et 1691 av. JC. Les individus dont dérivent les échantillons I16791 et I16792 sont des parents au premier degré.

2021_Patterson_BegErVil.jpg, janv. 2022

Burthecourt, Salonnes, Meurthe-et-Moselle

Le site de Burthecourt est caractérisé par une industrie du briquetage, qui débuta à l'âge du fer (Hallstatt C), et dura jusqu'à la fin de l'indépendance des Gaules. Cette vaste zone de la vallée de la Seille (Saulnois) se prête particulièrement bien à l'extraction du sel, lui-même fondamental pour la conservation des denrées alimentaires. Les vestiges de cette activité intensive couvrent une superficie d'environ 120ha entre les villages de Marsal, Moyenvic, Vic-sur -Seille, Salonnes, la butte de Châtry entre Vic et Moyenvic et le château de Burthecourt sur la commune de Salonnes. L'assemblage de briquetage (vases et bâtons d'argile) et de restes humains, conservé par le musée Cour d'Or-Metz Métropole, a été récupéré lors de fouilles en 1901. Depuis le début des années 2000, de nouvelles recherches ont lieu sur le site sous la direction de Laurent Olivier. Des analyses fines de plusieurs experts ont fourni des données essentielles sur la vie quotidienne des paludiers dans ce milieu, ainsi que sur les interrelations entre l'homme et le milieu salin. A la fin de la campagne de terrain 2005, une zone résidentielle à proximité immédiate des sites de production de sel de Burthecourt a été découverte (Hallstatt C–D2–3). Il a été révélé que les ouvriers exerçaient également des activités agricoles ainsi que l'élevage probable d'animaux domestiques. À Marsal, un groupe de sépultures (avec des individus datant du Ve siècle avant notre ère) a fourni des informations importantes sur la corrélation entre les résidences, les zones agricoles, les ateliers et les nécropoles. Malgré leur ancienneté (2000-800 av. J.-C.), les ossements humains conservés par le musée de la Cour d'Or-Metz Métropole pourraient donc être associés aux premières installations des sauniers de Burthecourt. Un os pétreux du squelette 2547 a donné l'échantillon I16184 (homme).

2021_Patterson_Burthecourt.jpg, janv. 2022

Roquepertuse, Velaux, Bouches-du-Rhône

Le site de Roquepertuse est constitué d'un complexe rituel intégré dans un amphithéâtre naturel surplombant la vallée de l'Arc, à l'ouest d'Aix-en-Provence. Il semble avoir fonctionné comme un sanctuaire, constitué d'un ensemble dense de bâtiments associés implantés à l'intérieur d'un rempart d'enceinte, dans lequel étaient exposées une série de statues guerrières et autres pierres taillées. Il date en gros du Ve au IIIe siècle avant notre ère. Les restes humains proviennent de deux sources principales : un groupe de crânes exposés sur le site en tant que trophées de tête, et des sépultures néonatales déposées sous les bâtiments associés au sanctuaire.

2021_Patterson_Roquepertuse.jpg, janv. 2022

Faux-Vesigneul, Chemin de Coupetz, Marne

Faux-Vesigneul est un site situé dans le nord-est de la France, dans le département de la Marne. Une fouille archéologique du site a été réalisée au cours de l'été 2018 sur une superficie de 17 000 m2 comprenant un ensemble funéraire du dernier âge du fer, allant de la période La Tène B2 / C1 (vers 300-200 avant notre ère; pour les inhumations) à La Tène D (pour les crémations). Ils sont répartis sur deux enceintes quadrangulaires, deux enceintes circulaires, une zone d'inhumation et une zone de crémation. Parmi ceux-ci, 36 fosses funéraires et 9 urnes ont été récupérées. Cela représente un total de 30 individus dont 25 adultes (ou de taille adulte), 3 immatures et 2 d'âge et de sexe indéterminés. Nous rapportons ici les données de 22 individus qui ont été analysés avec succès pour l'ADN ancien.

Les individus fournissant les échantillons I19358, I19362, I19360 et I19363 représentent des parents au premier degré : les échantillons I19358 et I19362 sont les parents des deux frères I19363 et I19360. Les échantillons I20812 et I20813 sont apparentés au premier ou au second degré. Les échantillons I21399 et I21403 sont père et fils. L'échantillon I21399 est un parent au deuxième degré de I21400 et un parent au troisième degré de I20815. L'échantillon I21400 est un parent au second degré de I20815 et I21403. Les échantillons I21403 et I20815 sont des parents au troisième degré ou plus.

2021_Patterson_FauxVesigneul.jpg, janv. 2022

Port Bara, Saint-Pierre Quiberon, Morbihan

En 1979, les restes squelettiques d'un adulte (Squelette 2428 ; environ 35 ans) ont été retrouvés sous des pierres plates sur la plage de Port Bara. L'absence de mobilier funéraire n'a pas permis de contextualiser la sépulture, mais le territoire de Quiberon a produit des témoignages d'une activité de l'Age du Fer, comme en témoignent les inhumations de Kerne, et un habitat, tandis qu'en 1884, une série de sépultures gauloises ont été retrouvées sur un petit îlot au large à quelques mètres à l'ouest. Un os pétreux de cet individu a fourni l'échantillon I15027, et une date radiocarbone comprise entre 1228 et 1285, au Moyen-Âge.

2021_Patterson_PortBara.jpg, janv. 2022

Réanalyse d'échantillons du papier d'Olalde

Trois individus issus de trois sépultures campaniformes individuelles qui avaient été analysés génétiquement dans le papier d'Olalde de 2018, ont été réanalysés dans l'étude de Patterson de 2021. Il s'agit des sépultures de Sierentz situé dans le Haut-Rhin, de La Fare à Forcalquier situé dans les Alpes de Haute Provence et de Rouffach également dans le Haut-Rhin.

Sierentz, Haut-Rhin

Le site des Villas d'Aurèle est situé au sommet de la terrasse supérieure du Rhin, sur sa rive gauche. Il a fait l'objet d'une fouille d'urgence en 2010, lorsque les vestiges de nombreuses structures du néolithique au début de l'âge du fer ont été mis au jour. Quatre sépultures campaniformes, comprenant une petite zone funéraire de 55 m de longueur dans un axe nord-ouest-sud-est ont été fouillées. La Sépulture 69 (I1389) est bien conservée, semblable à la sépulture 68. La forme de la sépulture est quadrangulaire aux angles arrondis, et mesure 2,25 m de long sur 1,70 m de large. Les restes indiquent une structure en bois aujourd'hui disparue autour du corps. L'individu est un homme âgé d'environ 17 à 19 ans. Il a été laissé allongé au centre de la fosse, dans une position fléchie sur le côté gauche du corps, le long d'un axe nord-ouest-sud-est (la tête faisant face au nord-ouest). Les données génétiques indiquent que cet individu est un parent au premier degré de l'individu I1390. Ils partagent à la fois les haplogroupes mitochondriaux et du chromosome Y, ce qui indique une relation fraternelle (frères). Le mobilier funéraire se compose de deux vases décorés, de treize éléments en silex (dont huit pointes de flèches), d'un grès rainuré, d'un fragment de marcassite et d'un pendentif en os.

2021_Patterson_Sierentz.jpg, janv. 2022

La Fare, Forcalquier, Alpes-de-Haute-Provence

Le site de La Fare (Forcalquier, Alpes-de-Haute-Provence) est situé dans le sud-est de la France, dans les Préalpes du sud à environ 80 km au nord de Marseille. Il occupe le sommet d'un vaste promontoire dominant les vallées voisines. Il a été fouillé de 1991 à 1999 sous la direction d'André Müller, Olivier Lemercier et Robin Furestier. La sépulture se situe en marge d'une petite occupation du Néolithique tardif régional attribuable à l'ensemble Rhône-Ouvèze. Il se présente comme une vaste fosse ovale de 2,50m sur 2,30m, orientée sud-est/nord-ouest et prolongée dans sa partie sud par un bassin de 0,50m de long sur 0,70m de large, formant une marche d'accès à la fosse principale. La fosse accessible par une marche sous un monolithe était probablement recouverte d'un sol, de blocs et d'un tertre. Le corps est placé au fond de la fosse dans la moitié ouest. Il est strictement orienté nord-sud, tête au nord. Il est positionné sur le côté gauche, les membres supérieurs et inférieurs fléchis. Le mobilier archéologique se compose de six objets. Une lame de poignard en cuivre était placée à côté de la tête derrière le crâne. Un petit objet en forme de bobine d'os a été trouvé au fond de la fosse devant la tête. Dans la partie sud de la fosse, sous la « marche d'accès », se trouvaient trois vases en céramique. L'un est un gobelet campaniforme ancien à décor mixte (peigne et cordon), les deux autres sont des vases caractéristiques du groupe Rhône-Ouvèze. Le criblage de l'ensemble du sédiment de la structure n'a donné qu'une seule petite perle osseuse segmentée. Le squelette est celui d'un homme âgé entre 30 et 40 ans, de type brachycrânien, d'environ 1,72 m et blessé par inclusion dans l'olécrâne d'un fragment de silex provoquant une ankylose du coude gauche.

2021_Patterson_LaFare.jpg, janv. 2022
De manière intéressante, l'haplogroupe du chromosome Y n'avait pas été déterminé dans l'étude d'Olalde. Cette nouvelle analyse a permis de l'identifier: R1b-Y101296. Il s'agit d'une sous-branche de l'haplogroupe R1b-Z2103 qui est très rare chez les Campaniformes mais par contre très fréquent chez les Yamnayas des steppes pontiques.

Rouffach, Haut-Rhin

La sépulture de Rouffach « Rue de Pfaffenheim » (I1391) a été découverte en 2014 lors de prospections archéologiques. Il s'agit d'une tombe d'une femme de plus de 30 ans, orientée sud-nord. Elle a été déposée sur le dos avec les genoux fléchis à droite et les mains tournées vers le visage. La fosse ne montre aucune différenciation claire avec les sédiments environnants. Le mobilier funéraire comprend un petit vase au profil sinueux muni d'une anse, placé en position fonctionnelle derrière le corps, à environ 10 cm de l'épaule gauche. Dix-sept boutons osseux perforés en V, tous placés autour de l'hémithorax droit, ont également été retrouvés. Ce type de mobilier funéraire, en particulier le récipient non décoré, suggère que cette sépulture correspond à une phase tardive et évoluée du campaniforme.

2021_Patterson_Rouffach.jpg, janv. 2022