Les études précédentes de paléo-génétique ont mis en évidence une forte différentiation des populations du Néolithique en Asie de l'ouest. Iosif Lazaridis et ses collègues viennent de publier un papier intitulé Ancient DNA from Mesopotamia suggests distinct Pre-Pottery and Pottery Neolithic migrations into Anatolia. Ils ont analysé le génome de plusieurs individus du nord de la Mésopotamie à Boncuklu Tarla dans le sud-est de la Turquie et à Nemrik dans le nord de l'Irak, mais aussi à Kissonerga-Mylouthkia dans le Néolithique pré-céramique de Chypre. Ils ont également analysé le génome d'anciens individus du Néolithique d'Arménie à Masis Blur et Aknashen, et du Néolithique pré-céramique du nord des monts Zagros sur les sites de Bestansur et Shanidar en Irak. Les auteurs ont également amélioré la qualité de génomes de la région d'études antérieures: des chasseurs-cueilleurs du Natoufien, des fermiers de Jordanie et de la région de Marmara dans le nord-ouest de l'Anatolie. Ces données ont été ajoutées à celles de la région préalablement publiées:

2022_Lazaridis2_Figure1.jpg, août 2022

Les auteurs ont réalisé une Analyse en Composantes Principales. La figure ci-dessous montre que les échantillons se regroupent en deux clusters distincts: un groupe Méditerranéen regroupant les anciens individus du Levant et d'Anatolie et un groupe terrestre regroupant les anciens individus des monts Zagros, du Caucase, de Mésopotamie, d'Arménie et d'Azerbaïdjan:

2022_Lazaridis2_Figure2A.jpg, août 2022

Ces clusters montrent néanmoins tous les deux une structure interne. En effet le cluster Méditerranéen sépare les anciens individus du Levant et ceux d’Anatolie et de Chypre, et le cluster terrestre sépare également les échantillons en fonction de leur origine géographique. L'ensemble des génomes du Néolithique d'Asie de l'ouest est inclus dans un quadrangle formé par les chasseurs-cueilleurs du Caucase et les fermiers du site de Ganj Dareh en Iran, les Natoufiens d'Israël et le chasseur-cueilleur de Pınarbaşı en Anatolie.

Les auteurs ont ensuite modélisé ces génomes en fonction des cinq sources définies dans une autre étude liée à celle-ci: les chasseurs-cueilleurs du Caucase, les chasseurs-cueilleurs d'Europe de l'est, les chasseurs-cueilleurs des Balkans, les fermiers d'Anatolie et les fermiers du Levant:

2022_Lazaridis2_Figure2B.jpg, août 2022

Les plus fortes proportions d'ascendance des fermiers d'Anatolie se retrouvent sans surprise dans les populations Néolithiques d'Anatolie et de Chypre. La population Natoufienne d'Israël possède sans surprise 100% d'ascendance des fermiers du Levant. De la même façon les fermiers du site de Ganj Dareh en Iran possèdent 100% d'ascendance des chasseurs-cueilleurs du Caucase. Cette ascendance est également importante chez les fermiers des monts Zagros, d'Arménie, d'Azerbaïdjan et du nord de la Mésopotamie.

Les deux anciens individus d'Arménie diffèrent de manière importante dans leurs proportions d'ascendance du Caucase et d'Anatolie, malgré leur proximité géographique et temporelle. Les deux individus d'Azerbaïdjan se placent dans une position intermédiaire entre ceux d'Arménie. Tous ces individus ont néanmoins plus d'ascendance d'Anatolie que ceux du nord de la Mésopotamie. D'autre part certains individus d'Anatolie Centrale ont plus d'ascendance du Caucase que ceux du nord-ouest de l'Anatolie ou que le chasseur-cueilleur du site de Pınarbaşı. Toutes ces considérations montrent qu'il y a un continuum consistant caractérisé par un gradient Anatolie/Levant d'un côté et une influence terrestre liée aux populations du Caucase (CHG) et des monts Zagros (Ganj Dareh) de l'autre. Les deux sources du Caucase et des monts Zagros ne sont pas indépendantes, mais à première approximation représentent la même source ancestrale:

2022_Lazaridis2_Figure3A.jpg, août 2022

La figure ci-dessus montre qu'aucun fermier d'Asie de l'ouest est un simple descendant des chasseurs-cueilleurs de sa région, mais le résultat de mélanges génétiques, puisque tous les échantillons sont inscrits à l'intérieur du triangle formé par les trois sources ancestrales. Cependant il faut noter que les auteurs n'ont pas de génome de chasseur-cueilleur pour chacune des régions étudiées ici. C'est notamment le cas pour le nord de la Mésopotamie. Les résultats de cette étude permettent néanmoins d'affirmer que la population du Néolithique pré-céramique d'Anatolie Centrale peut être modélisée comme issue d'un mélange génétique entre la population chasseur-cueilleur locale et une population du nord de la Mésopotamie avec des proportions diverses entre 30 et 70%. De plus la population Anatolienne du Néolithique céramique demande l'ajout d'une troisième composante Levantine (6 à 23%):

2022_Lazaridis2_Figure3D.jpg, août 2022

Ces résultats indiquent au moins deux flux de gènes en Anatolie. Le premier se situe au début du Néolithique pré-céramique en provenance de Mésopotamie et le second se situe à la transition des Néolithiques pré-céramique et céramique en provenance du Levant.

De manière similaire la composante Levantine diminue progressivement au cours du temps dans les populations du Levant au détriment des ascendances Anatoliennes et Caucasiennes suggérant des déplacements de population en provenance de ces régions:

2022_Lazaridis2_Figure4.jpg, août 2022