L'arrivée de l'homme moderne en Europe date entre 50.000 et 40.000 ans. Avant la transition Néolithique datée d'environ 8500 ans, l'Europe est habitée par des chasseurs-cueilleurs dont les premières études de paléo-génétique ont identifié deux groupes distincts: les chasseurs-cueilleurs de l'ouest (WHG) et les chasseurs-cueilleurs de l'est (EHG). Entre ces deux régions, les populations des deux groupes se sont rencontrées et se sont mélangées. Par exemple en Scandinavie, les groupes WHG sont arrivés par le sud alors que les groupes EHG sont arrivés par le nord-est en suivant la côte Norvégienne du nord vers le sud. En dehors de cette région, notre connaissance de l'histoire et de la dynamique des populations du Mésolithique en Europe reste limitée.

La structure de la population Européenne change significativement avec l'arrivée des premiers fermiers en provenance d'Anatolie du nord-ouest. Ce changement se traduit par des mélanges génétiques plus ou moins importants entre la population de fermiers et celle de chasseurs-cueilleurs. Dans certaines régions comme la Scandinavie, la région Baltique ou l'Europe de l'est, le mode de vie chasseur-cueilleur prédomine plus longtemps que dans le sud et l'ouest de l'Europe. Ainsi en Ukraine, la région Pontique est habitée par des communautés dont l’alimentation est basée principalement sur des ressources marines même pendant le Néolithique. En Europe du nord-est et de l'est, le Néolithique apporte la céramique dans certaines régions où le mode de subsistance chasseur-cueilleur persiste. Dans ces régions la composition génétique des populations est quasi identique à la population Mésolithique précédente.

Tiina Mattila et ses collègues viennent de publié un papier en preprint intitulé: Genetic continuity, isolation, and gene flow in Stone Age Central and Eastern Europe. Ils ont séquencé le génome de 56 individus qui vivaient avant et après la transition Néolithique en Pologne, Roumanie et Ukraine (basse vallée du Dniepr) datés entre 10.500 et 5500 ans avant le présent:

2022_Mattila_Figure1.jpg, sept. 2022

Les auteurs ont réalisé une Analyse en Composantes Principales. La figure ci-dessous montre que les individus du Mésolithique sont localisés sur un gradient situé à gauche et qui s'étire entre les chasseurs cueilleurs de l'ouest (losanges noirs) en bas et l'individu du Paléolithique supérieur de Afontova Gora 3 (croix noire) en haut. Les Mésolithiques de l'ouest de la Russie (EHG et WRuHG) , de la région Baltique (BHG) et de Scandinavie (SHG) se situent sur ce gradient:

2022_Mattila_Figure2A.jpg, sept. 2022

L'analyse avec le logiciel ADMIXTURE permet d'identifier les différentes composantes ancestrales de ces individus. La figure ci-dessous montre le résultat obtenu pour 7 composantes ancestrales:

2022_Mattila_Figure2B.jpg, sept. 2022

De manière intéressante tous les individus du Néolithique d'Ukraine (disques marrons) sont localisés sur le gradient Mésolithique à proximité des individus du Mésolithique d'Ukraine suggérant une continuité génétique dans cette région entre le Mésolithique et le Néolithique. Par contre tous les Néolithiques de Pologne et de Roumanie sont situés avec les autres fermiers d'Europe et d'Anatolie suggérant un remplacement de population dans ces régions. Tous ces résultats sont confirmés par les motifs de partage d'allèles, les marqueurs uniparentaux et la statistique f3.

De plus l'analyse de la diversité génétique montre que la taille de la population reste stable en Ukraine entre le Mésolithique et le Néolithique. A l'inverse la taille de la population augmente au Néolithique en Pologne et en Roumanie.

Le gradient Mésolithique qui relie les chasseurs-cueilleurs de l'ouest aux Paléo-Sibériens représentés par l'ancien individu de Afontova Gora suggère un modèle d'isolation par distance des populations de chasseurs-cueilleurs d'Eurasie occidentale. Ces résultats sont confirmés par la statistique f4. Un modèle de mélange génétique à deux sources identifie une proportion de 50,9% de composante WHG chez un individu de Sidelkino (EHG) situé dans l'ouest de la Russie et de 83,7% chez un individu de Zvejnieki situé en Lettonie. Les auteurs ont également construit un graphe avec le logiciel qpGraph qui permet d'appréhender la formation des populations EHG, SHG et UHG:

2022_Mattila_Figure4A.jpg, sept. 2022

De manière intéressante, si la population d'Ukraine du Mésolithique et du Néolithique est composée essentiellement par les composantes WHG et Paléo-Sibérienne, un modèle à trois sources est aussi adéquat en rajoutant une troisième source issue des chasseurs-cueilleurs du Caucase (CHG). Ainsi cette population possède en moyenne 7,4% d'ascendance CHG suggérant ainsi une connexion génétique entre la région Pontique et le Caucase. De plus l'unique individu d'Ukraine daté de l'Énéolithique (ukr104) issu du cimetière de Deriivka II et associé à la culture Sredny Stog, possède davantage de composante CHG suggérant un flux de gènes supplémentaire entre la fin du Néolithique et le début de l'Énéolithique en Ukraine. Le logiciel qpAdm permet d'estimer le mélange génétique chez cet individu entre une population Néolithique d'Ukraine (33,2%) et une population similaire à la population Yamnaya (66,8%).

En Pologne et en Roumanie, les auteurs ont identifié une augmentation de la composante Mésolithique dans la population Néolithique au cours du temps. Cette résurgence de l'ascendance chasseur-cueilleur à la fin du Néolithique a été identifiée dans d'autres régions d'Europe.

Les auteurs ont ensuite recherché d'éventuelles relations familiales entre les individus de cette étude. Ils ont ainsi détecté deux trios reliés au premier et au second degré. Sur le site archéologique de Curătești en Roumanie deux femmes et un homme sont reliés de la façon suivante: buk019 et buk023 sont reliés au premier degré et sont de plus reliés tous les deux au second degré à buk022. Ils ont tous les trois le même haplogroupe mitochondrial K1a ce qui suggère qu'ils sont reliés maternellement. Il y a plusieurs modèles qui expliquent ce résultat:

2022_Mattila_Figure5A.jpg, sept. 2022

Sur le site archéologique de Yasinovatka en Ukraine il y trois hommes dont deux étaient enterrés dans la même fosse: ukr160 et ukr161 sont reliés au second degré entre eux et au premier degré à ukr159. ukr159 et ukr160 ont le même haplogroupe mitochondrial: U4b1a alors que ukr161 est de l'haplogroupe T2a1b. Ils sont tous du même haplogroupe du chromosome Y: I suggérant une relation paternelle. Ces résultats suggèrent que ukr159 et uk160 étaient deux frères, et que ukr161 était le fils de ukr159:

2022_Mattila_Figure5D.jpg, sept. 2022

De plus un autre individu de cette étude d'Ukraine montre une relation au premier degré avec un autre ancien individu (I5876) préalablement publié du même site archéologique: Deriivka I. Ces deux individus sont deux hommes qui ont le même haplogroupe du chromosome Y et le même haplogroupe mitochondrial. Il s'agit probablement de deux frères.

Mise à jour

Ce papier a été définitivement publié en août 2023: Genetic continuity, isolation, and gene flow in Stone Age Central and Eastern Europe