Le processus de population de l'Europe a été marqué par des expansions et des contractions associées aux événements climatiques majeurs. Ainsi, durant le dernier maximum glaciaire, entre 26.600 et 19.000 ans, la population Européenne s'est drastiquement contractée. Dans le sud ouest, dans la péninsule Ibérique et le sud de la France, cette époque est associée à l'émergence du techno-complexe Solutréen caractérisé par de nouvelles technologies lithique. En Europe occidentale, le plus vieux génome jusqu'ici publié est celui de Goyet Q116-1 daté de 35.000 ans, et associé à la culture Aurignacienne. Dans cette région il n'y a encore aucun génome publié, associé à la culture Gravettienne. Les seuls génomes publiés de la culture Gravettienne sont localisés en Europe centrale et orientale. Ces génomes diffèrent fortement des génomes de la période Magdalénienne qui suit le dernier maximum glaciaire. Cette discontinuité a été expliquée par la contraction de la population dans les refuges glaciaires. A partir de 14.000 ans, la population associée au cluster de Villabruna remplace en Europe Centrale la population Magdalénienne. Cette population est associée à la culture épi-paléolithique, mais est aussi à la source de la population des chasseurs-cueilleurs de l'ouest (WHG) du Mésolithique. Cependant la population de la péninsule Ibérique de cette période retient plus qu'ailleurs la composante ancestrale Magdalénienne.

Vanessa Villalba-Mouco et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: A 23,000-year-old southern Iberian individual links human groups that lived in Western Europe before and after the Last Glacial Maximum. Ils ont séquencé le génome de plusieurs individus issus d'abris sous roche d'Andalousie dont un Solutréen daté de 23.000 ans de la grotte del Malalmuerzo, deux Néolithiques anciens de la grotte de Ardales et de Las Aguilillas, et deux Chalcolithiques de la grotte de Ardales et de Los Caserones.

Deux dents issus de la grotte del Malalmuerzo ont été datées entre 23.000 et 22.600 ans. Elles appartiennent au même individu. Celui-ci appartient à l'haplogroupe mitochondrial U2'3'4'7'8’9 que l'on retrouve également chez Paglicci108 daté de 27.800 ans en Italie, Rigney daté de 15.500 ans en France, Oriente-C daté de 14.000 ans en Sicile, Grotta dell’Uzzo daté de 10.000 ans aussi en Sicile et Balma Guilanyà daté de 13.000 ans en Espagne. Cet individu de la grotte del Malalmuerzo est un homme dont l'haplogroupe du chromosome Y est C1. Cet haplogroupe a été retrouvé également chez un individu de Bacho Kiro en Bulgarie, daté de 45.000 ans, mais également chez Paglicci133 en Italie daté de 33.000 ans, Cioclovina 1 en Roumanie daté de 32.000 ans, Kostenki 12 en Russie occidentale daté de 32.000 ans, Goyet Q116-1 en Belgique daté de 35.000 ans et Sunghir en Russie occidentale daté de 34.000 ans.

Pour caractériser le profil génomique de cet individu du Solutréen (MLZ), les auteurs ont comparé son génome à celui d'autres chasseurs-cueilleurs d'Europe:

2023_VillaMouco_Figure1.jpg, mar. 2023

La statistique f3 montre que MLZ se regroupe avec les anciens Magdaléniens du cluster Goyet Q2 et les chasseurs-cueilleurs épi-paléolithiques et Mésolithiques de la péninsule Ibérique. Les auteurs ont ensuite réalisé une analyse multi-dimensionnelle. La figure ci-dessous montre que MLZ se situe en dehors de la variation des individus du Gravettien d'Europe centrale et orientale (cluster de Vestonice). De manière intéressante, MLZ tombe entre l'individu Aurignacien Goyet Q116-1 et le cluster Magdalénien, alors que l'individu d'El Miron se situe à l'écart entre le groupe WHG et le cluster Goyet Q2:

2023_VillaMouco_Figure2a.jpg, mar. 2023

La statistique f4 montre que MLZ possède plus d'affinité génétique avec le groupe Magdalénien qu'avec l'Aurignacien Goyet Q116-1, cependant MLZ est plus proche génétiquement de Goyet Q116-1 par rapport au cluster Magdalénien. Ces résultats suggèrent que MLZ est intermédiaire entre l'Aurignacien et les Magdaléniens. Ils confirment ainsi l'archéologie qui suppose que le Magdalénien prend ses sources dans la péninsule Ibérique et dans le sud de la France. Cela suggère également que le Solutréen prend ses racines dans le Gravettien d'Europe occidental.

La statistique f4 montre également que l'ascendance commune aux anciens individus de Bacho kiro et Tianyuan en Chine, est également présente chez MLZ il y a 23.000 ans. De plus MLZ possède moins d'affinité génétique avec les anciens individus du cluster de Villabruna que les Magdaléniens ou les épi-gravettiens et Mésolithiques de la péninsule Ibérique, notamment l'ancien individu d'El Miron. Ces résultats suggèrent que l'arrivée de la population qui a donné naissance au cluster de Villbabruna dans la péninsule Ibérique date entre 23.000 et 19.000 ans.

De manière intéressante MLZ comme les individus du cluster de Villabruna qui suivront, possède une certaine affinité génétique avec les Natoufiens du Proche-Orient. Ces résultats suggèrent que MLZ est issu d'un mélange génétique entre une population issue de Goyet Q116-1 et une population ancestrale au cluster de Villabruna. L'individu El Miron de la péninsule Ibérique semble lui issu d'un mélange génétique entre une population proche de MLZ et le cluster de Villabruna.

Les auteurs ont également séquencé le génome de deux Néolithique Anciens de la grotte d'Ardales et de la nécropole de las Aguilillas, de deux Chalcolithiques de la nécropole de los Caserones et de la grotte d'Ardales, et d'un individu plus récent que le Chalcolithique de la grotte d'Ardales. Les deux Néolithiques Anciens se regroupent sur la PCA avec les autres Néolithiques de France et de la péninsule Ibérique. Cependant tous les Néolithiques anciens du sud de l’Espagne se situent légèrement à part avec un léger décalage vers les populations de chasseurs-cueilleurs. Les deux individus du Chalcolithique se regroupent avec les autres Chalcolithiques de la péninsule Ibérique. Le dernier individu plus récent montre une certaine quantité d'ascendance des steppes.