L'origine génétique des habitants actuels de la Grande-Bretagne a été bien étudiée et leur profil génétique peut être modélisé comme issu d'un mélange entre une composante Mésolithique, une composante Néolithique et une composante Campaniforme. La compréhension des changements démographiques plus récents s'est également améliorée graĉe aux études de paléo-génétique qui ont montré l'arrivée d'un flux de gènes venu du continent Européen durant l'Âge du Bronze Moyen qui a conduit à la différentiation génétique entre les différents groupes de l'Âge du Fer en Grande Bretagne. Les îles Britanniques ont ensuite subi des changements culturels complexes entre l'Âge du Fer et le Moyen-Âge liés d'abord à l'empire Romain, ensuite aux migrations Anglo-saxonnes, et enfin aux incursions Viking. De plus, il y a quelques groupes locaux comme les Bretons et les Pictes qui émergent entre la fin de l'empire Romain et l'arrivée des Anglo-saxons. La diversité génétique entre ces groupes est mal connue.

Les Pictes qui ont vécu en Grande-Bretagne entre l'an 300 et l'an 900 forment un peuple très énigmatique. Leurs caractéristiques culturelles uniques et le peu d'écrits que l'on a à leur sujet ont mené à plusieurs hypothèses concernant leur origine, leur culture et leur mode de vie. De plus les vestiges archéologiques sur des sites Pictes sont rares et consistent en quelques habitats et sépultures de cette époque. Le consensus actuel est qu'ils parlaient une langue celte proche de celle de leurs voisins: les Cornouaillais, les Gallois et les Bretons. A l'époque médiévale, on considérait les Pictes comme issus d'une migration venue de Thrace, de Scythie (Europe de l'est) ou des îles situées au nord de la Grande-Bretagne. Cependant des comptes Irlandais et le savant Bède de Northumbrie ont suggéré qu'avant d'arriver en Grande-Bretagne les Pictes ont pris des femmes en Irlande à la condition que la succession Picte se ferait dorénavant par les femmes. Ceci est à l'origine de la théorie qui indique que les Pictes avaient une vie sociale matrilocale pour laquelle l'héritage d'un homme allait aux enfants de sa sœur.

Adeline Morez et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Imputed genomes and haplotype-based analyses of the Picts of early medieval Scotland reveal fine-scale relatedness between Iron Age, early medieval and the modern people of the UK. Ils ont analysé le génome complet de deux anciens Pictes d'Écosse issus des cimetières de Lundin Links et de Balintore. Ils ont également étudié le génome mitochondrial de sept anciens Pictes du cimetière de Lundin Links pour étudier l'hypothèse matrilocale des Pictes:

2023_Morez_Figure1.jpg, mai 2023

Les mesures de datation radiocarbone de ces individus a donné des dates comprises entre le 5ème et le 7ème siècle de notre ère. Les haplogroupes mitochondriaux obtenus pour ces individus: H1, H2, , T2, K1 et J1c sont communs en Europe du Nord. Cette forte diversité mitochondriale parmi les individus du cimetière de Lundin Links est incompatible avec une structure sociale matrilocale. Un des deux hommes appartient à l'haplogroupe du chromosome Y R1b-DF49 qui est très fréquent aujourd'hui en Grande-Bretagne. Celui-ci a été introduit dans les îles Britanniques par les Campaniformes au troisième millénaire av. JC.:

2023_Morez_Table1.jpg, mai 2023

Les auteurs ont ensuite réalisé une Analyse en Composantes Principales pour pouvoir comparer ces génomes avec d'autres anciens génomes et les populations contemporaines d'Europe. Dans la figure ci-dessous les deux Pictes dénommés BAL003 et LUN004 sont représentés par des symboles triangulaires vert et jaune situés en bas:

2023_Morez_Figure2A.jpg, mai 2023

Ils sont localisés avec les Gallois actuels, bien que BAL003 soit plus proche des populations Écossaise, des Orcades, Anglaise et nord Irlandaise, suggérant un certain niveau de différentiation parmi l'ancienne population Picte. Les anciens individus de l'Âge du Fer et de la période Romaine de Grande Bretagne se superposent avec les populations actuelles d'Angleterre, du nord de l'Irlande, d'Écosse et du pays de Galles. Quatre anciens individus des Orcades de l'Âge du Fer et deux Vikings sont également localisés avec les populations actuelles du pays de Galles, du nord de l'Irlande et d'Écosse. Cependant deux Viking des Orcades se trouvent en position intermédiaire entre les Britanniques et les Scandinaves suggérant des mélanges génétiques entre ces deux populations à l'époque Viking. Les populations du début du Moyen-Âge de Grande-Bretagne se trouvent en position intermédiaire entre les populations d'Angleterre et celles du nord ou du centre de l'Europe confirmant les mélanges génétique qui ont eu lieu à l'époque Anglo-saxonne.

Les auteurs ont ensuite fait une analyse avec le logiciel FineSTRUCTURE et une étude par identité par descendance (IBD). Les résultats montrent que les génomes des Pictes se regroupent avec les génomes d'Angleterre de l'Âge du Fer et de la période Romaine et ceux des Orcades datés entre la fin de l'Âge du Fer et l’époque Viking. De manière intéressante, les deux Pictes partagent également des segments IBD (>4 cM) avec des individus du début du Moyen-Âge d'Angleterre suggérant des ancêtres communs et peut-être un flux de gènes d'Angleterre vers la population Picte. En conclusion la population Picte n'est pas homogène génétiquement mais présente un mélange complexe de différentes ascendances.

Les auteurs ont ensuite réalisé une analyse avec le logiciel ADMIXTURE. De manière intéressante, les individus des Orcades de la fin de l'Âge du Fer et ceux de l'époque Viking ont pas ou très peu d'ascendance verte et grise d'origine Viking. Ces anciens individus des Orcades partagent également beaucoup d'allèles avec la population actuelle des Orcades:

2023_Morez_Figure2B.jpg, mai 2023

Le partage de segments IBD entre les anciens individus des Orcades et le Picte LUN004 suggèrent également des flux de gènes entre les Orcades et l'Écosse. Les anciens individus des Orcades possèdent une forte proportion d'ascendance rouge. Ce résultat est probablement du à une forte dérive génétique dans les Orcades durant l'Âge du Bronze.