L'histoire du peuplement de l'île de Bahreïn commence avec des vestiges de silex et de poterie datés d'environ 5000 av. JC. Ensuite, à partir de 2200 av. JC., des références dans les archives cunéiformes mésopotamiennes au pays de Dilmun suggèrent que cette île était un centre commercial qui a joué un rôle important dans la mythologie sumérienne, y compris dans la création des mythes et dans l'épopée de Gilgamesh. Cette période voit également le début d'une tradition funéraire qui aboutira à la plus forte densité de tumulus funéraires du monde antique. La fin de la phase Dilmun tardive (~ 600 av. JC.) a coïncidé avec la conquête perse achéménide de la Mésopotamie, dont l'influence à Bahreïn (600-300 av. JC.) est attestée par la présence de bols et d'autres objets typiques de cette culture. Vers 325 av. JC., une expédition sur la côte arabe envoyée par Alexandre le Grand atteint les côtes de Bahreïn, qui sera désormais connue sous le nom de Tylos. La période Tylos (entre 325 av. JC. et 600 ap. JC.) a été caractérisée par une prospérité exceptionnelle et marquée par l'influence hellénistique et perse. La mort d'Alexandre et la désintégration ultérieure de l'Empire macédonien ont conduit à l'établissement de l'Empire séleucide (entre 312 et 63 av. JC.), qui dominait une vaste zone comprenant l'Anatolie, le Levant, la Mésopotamie et l'Iran, contrôlant également les îles arabes orientales de Failaka et Bahreïn. Les Séleucides perdirent finalement leur autorité en Mésopotamie, conduisant à la formation du royaume semi-indépendant de Characène (entre 141 av. JC. et 222 ap. JC.) dans le sud de l'Irak, vassal de l'empire parthe qui gouverna Bahreïn jusqu'à la conquête sassanide.
Rui Martiniano et ses collègues viennent de publier en pre-print un papier intitulé: Ancient genomes illuminate Eastern Arabian population history and adaptation against malaria. Ils ont séquencé le génome de quatre anciens individus de l'île de Bahreïn datés de la période Tylos, dont un issu du site archéologique d'Abu Saiba et les trois autres issus du site de Madinat Hamad. Deux de ces individus du site de Madinat Hamad, ont fourni une datation radiocarbone. Les résultats obtenus sont entre 432 et 561 ap. JC. pour le premier et entre 577 et 647 ap. JC. pour le second. Ces deux individus sont donc de la fin de la période Tylos, juste avant l'expansion de l'Islam. Cependant le cimetière d'Abu Saiba est daté entre 200 av. JC et 300 ap. JC. Cet individu est donc plus ancien que les individus de Madinat Hamad:
Les auteurs ont réalisé une Analyse en Composantes Principales, afin de comparer ces anciens génomes à d'autres anciens génomes préalablement publiés et à des génomes contemporains. Les quatre anciens individus de Bahreïn sont localisés ci-dessous sur le gradient qui relie les anciennes populations occidentales (Anatolie et Levant) situées en bas aux anciennes populations orientales (Caucase, Iran et Pakistan) situées en haut. Ils se trouvent proches des anciens Néolithiques de la haute Mésopotamie au sud-est de la Turquie et au nord de l'Irak, des fermiers du Néolithique d'Arménie et d'Azerbaïdjan. Ils sont également proche d’individus plus récents comme des Iraniens du Chalcolithique et de l'Âge du Fer, et des Irakiens et Syriens de la fin de l'Âge du Bronze, ainsi que des groupes Levantins de la période Grecque ou Romaine. Tous ces individus sont issus de mélanges génétiques entre les trois sources Anatolienne, Levantine et Caucasienne/Iranienne:
Les quatre anciens individus de Bahreïn sont légèrement différenciés génétiquement puisque les individus de Madinat Hamad MH1_LT et MH2_LT sont décalés vers les populations orientales par rapport à l’individu plus ancien d'Abu Saiba, alors que le troisième individu de Madinat Hamad MH3_LT, est lui décalé vers les populations levantines.
Afin d'étudier leurs composantes ancestrales, les auteurs ont fait une analyse avec le logiciel DyStruct. Dans la figure ci-dessous la composante bleue est celle des fermiers du Néolithique d'Anatolie, la composante orange est celle des chasseurs-cueilleurs Natoufiens du Levant et la composant rose est celle des fermiers du Néolithique d'Iran. Les quatre individus de Bahreïn ont un profil génétique proche de ceux du Levant ou d'Iran datés entre le chalcolithique et l'âge du fer quoique qu'avec plus de composante Iranienne que les individus du Levant et plus de composante Natoufienne que les individus d'Iran. D'autre part, MH1_LT et MH2_LT possèdent un peu d'ascendance chasseurs-cueilleurs d'Europe (WHG/EHG):
Ces résultats sont confirmés par la statistique f4.
Les auteurs ont ensuite utiliser le logiciel qpAdm pour modéliser le profil génétique des quatre anciens individus de Bahreïn. Ils ont ainsi modélisé ces individus comme issus d'un mélange génétique entre trois sources: chasseurs-cueilleurs du Caucase (CHG), fermiers d'Anatolie et chasseurs-cueilleurs Natoufiens du Levant. Ils ont également estimé les dates de mélange génétique à l'aide du logiciel DATES. Les résultats donnent des dates différentes entre ces individus. Ainsi l’individu d'Abu Saiba montre un mélange entre 357 et 455 av. JC. durant la période Achéménide, alors que les individus de Madinat Hamad montrent un mélange génétique durant le royaume de Characène:
Le graphe ci-dessus à droite résume les différents résultats obtenus. Ainsi le génome d'Abu Saiba est issue d'un mélange génétique entre une composante Levantine et une composante Iranienne. Les trois génomes plus tardifs de Madinat Hamad sont issus d'un mélange génétique entre la population précédente d'Abu Saiba et un flux de gènes Iranien pour MH1_LT et MH2_LT et un flux de gènes Levantin pour MH3_LT.
Les résultats précédents ont montré que les anciens individus de Bahreïn sont plus proches génétiquement des habitant actuels du Levant que de ceux d'Arabie. Les auteurs ont utilisé les logiciels ChromoPainter et FineSTRUCTURE pour investiguer un peu plus ce résultat. Ainsi avec le logiciel FineSTRUCTURE, trois anciens individus de Bahreïn se regroupent avec des individus actuels de Syrie et d'Irak, et deux juifs de Géorgie et d'Iran, et le quatrième se regroupe avec 22 anciens Libanais datés entre l'Âge du Bronze et la période Romaine:
Ces résultats sont confirmés par une Analyse en Composantes Principales basée sur les résultats du logiciel ChromoPainter:
Sachant que la malaria est une maladie endémique de Bahreïn depuis les temps historiques, les auteurs ont recherché dans le génome des quatre anciens individus de Bahreïn les mutations associées à la protection contre cette maladie. Ainsi trois des quatre individus possèdent la mutation G6PD qui protège contre la malaria.
Mise à jour
Ce papier a été définitivement publié en février 2024: Ancient genomes illuminate Eastern Arabian population history and adaptation against malaria