L'Âge du Fer en Europe au nord des Alpes est caractérisé par deux cultures celtiques qui se sont succédées: la culture de Hallstatt entre 800 et 450 av. JC. et la culture de la Tène entre 450 et 50 av. JC. Un des cœurs géographiques de la culture de Hallstatt se situe à cheval entre l'est de la France, la Suisse et le sud-ouest de l'Allemagne. Entre 600 et 400 av. JC. cette région est d'une importance archéologique primordiale comme le montrent les nombreuses tombes princières. Ces dernières sont caractérisées par un tumulus monumental et un riche mobilier comme des chars, des meubles, des objets en or, de la vaisselle d'origine grecque ou étrusque et des services à boire sophistiqués. Ces tombes sont des signes évidents de très haut statut social caractérisant un guerrier et/ou un prêtre. Ces sépultures princières monumentales représenteraient la manifestation de systèmes de pouvoir dynastiques, dans lesquels l’hégémonie politique reposait au moins en partie sur des privilèges biologiquement hérités, une caractéristique des premières sociétés complexes.
Joscha Gretzinger et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Evidence for dynastic succession among early Celtic elites in Central Europe. Ils ont analysé le génome de 31 anciens individus de haut statut social issus de sept sites archéologiques d'Allemagne du sud-ouest: Magdalenenberg (n=17), Berdingen-Hochdorf (n = 4), Asperg-Grafenbühl (n = 3), Ludwigsburg-Römerhügel (n = 3), Ditzingen-Schöckingen (n = 1), Heuneburg (n = 2) et Alte Burg (n = 1):
Sur l'ensemble de ces individus il y a vingt hommes et onze femmes. Les trois tombes centrales des sites de Magdalenenberg (MB017), Eberdingen-Hochdorf (HOC001) et Asperg-Grafenbühl (APG001) appartiennent à trois hommes. La tombe centrale du site de Ditzingen-Schöckingen appartient à une femme. Les auteurs ont mis en évidence plusieurs relations familiales entre ces individus. Notamment les deux individus des tombes centrales de Eberdingen-Hochdorf et Asperg-Grafenbühl sont reliés au second degré. Ces deux hommes appartiennent au même haplogroupe miochondrial J1b1a1 qui suggère une relation sur leur lignée maternelle. De plus les valeurs isotopiques de ces deux individus sont similaires et pointent pour une origine locale pour ces deux individus. L'analyse des datations suggère que la relation la plus probable entre ces deux individus est que la mère de l'individu d'Asperg-Grafenbühl était la sœur de l'individu d'Eberdingen-Hochdorf:
Leur proche parenté peut expliquer également la haute taille de ces deux individus. En effet ces deux individus sont les deux plus grands individus de l'Âge du Fer en Allemagne du sud. Cela suggère que cette spécificité n'est pas seulement liée à leur nourriture mais peut également être d'origine génétique.
Une seconde relation familiale relie au troisième degré, une femme du site de Magdalenenberg richement dotée (MBG009) avec un homme d'une tombe secondaire du site d'Eberdingen-Hochdorf (HOC003) situés à plus de 100 km l'un de l'autre et séparés d'une centaine d'années. L'homme d'Eberdingen-Hochdorf n'est pas relié aux autres individus du même site. Leur relation la plus probable est que l'homme du site d'Eberdingen-Hochdorf est l'arrière petit fils de la femme du site de Magdalenenberg. De manière intéressante les valeurs isotopiques de l'individu d'Eberdingen-Hochdorf sont compatibles avec une origine dans la région de Magdalenenberg. Sur le site de Magdalenenberg il y a également une relation au troisième degré entre la femme richement dotée MBG009 et un jeune homme (MBG003). Ces deux individus ont le même haplogroupe mitochondrial suggérant là aussi une relation du côté maternel. Sur ce même site trois individus sont reliés: une femme adulte (MBG004) est reliée au second degré avec un homme adulte (MBG016) et moins étroitement avec l'individu de la sépulture centrale (MBG017). De plus ce dernier est relié à un degré éloigné (entre degré six et degré huit) avec un individu d'une sépulture secondaire d'Eberdingen-Hochdorf (HOC004). Ainsi ces quatre individus possèdent un ancêtre commun récent. Les deux individus MBG004 et MBG016 sont enterrés tous les deux à proximité d'un troisième individu MBG005, qui est un jeune adulte sans relation familiale avec eux mais dont les valeurs isotopiques sont typiques de la région Neckar où se situent les sites d'Eberdingen-Hochdorf, Asperg-Grafenbühl et Ditzingen-Schöckingen. De manière intéressante, ce dernier groupe familial possède une composante ancestrale plus proche du sud de l'Europe, que les autres individus et donc plus de composante issue des premiers fermiers du Néolithique. Ce résultat suggère une origine possible de l'élite du site de Magdalenenberg dans le sud de l'Europe. L'utilisation du logiciel MOBEST montre que la plus grande affinité génétique avec ces quatre individus durant l'Âge du Fer, se trouve au nord de l'Italie, alors que tous les autres individus de cette étude ont leur origine au nord des Alpes.
De plus, la comparaison des autosomes avec le chromosome X montre que cette ascendance Italienne se trouve plus du côté des femmes que des hommes. L'étude des segments d'homozygotie montre que deux individus des sites de Magdalenenberg (MBG004) et Asperg-Grafenbühl (APG003) présentent de longs segments suggérant une consanguinité récente chez certains de leurs ancêtres.
Les auteurs ont réalisé une Analyse en Composantes Principales pour comparer le génome des anciens celtes de cette étude avec un ensemble d'anciennes et de populations actuelles Européennes. Le résultat indique que les anciens celtes sont plus proche des Français que des Allemands actuels:
Ils se regroupent entre des individus de l'Âge du Fer de France et de République Tchèque. Cette affinité génétique des anciens individus de l'Âge du Fer fait partie d'un continuum génétique entre la péninsule Ibérique et les Balkans:
En résumé, les résultats de cette étude suggère une société avunculaire chez les premiers Celtes du cinquième ou quatrième siècle avant notre ère, en accord avec les écrits historiques des Romains.
Anciens génomes des premières élites celtes d'Europe Centrale
jeudi 6 juin 2024. Lien permanent ADN ancien