L'émergence de l'agriculture durant le Néolithique a été accompagnée par un changement de mode de vie important. La densité de la population a augmenté drastiquement avec l'établissement d'habitats permanents de grande taille. Cependant cette croissance démographique s'est arrêtée subitement dans certaines régions du nord de l'Europe entre 3300 et 2900 av. JC. Ce déclin coïncide avec l'arrêt des constructions mégalithiques, et a favorisé l'expansion de la culture Cordée entre 2800 et 2400 av. JC. Bien que plusieurs scénarios expliquant ce déclin démographique aient été avancés, aucune explication tangible n'a permis de révéler les causes de cette baisse de la démographie. Cependant des découvertes récentes ont montré que la bactérie de la peste était présente en Suède à cette époque et pourrait expliquer ce déclin.
Frederik Valeur Seersholm et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Repeated plague infections across six generations of Neolithic Farmers. Ils ont analysé le génome de 108 anciens individus issus de neuf sépultures multiples dont huit mégalithes de Suède et une ciste de pierre du Danemark:
Les résultats ont montré que cet ensemble est composé de 58% d'hommes et 42% de femmes. Les auteurs ont ensuite comparé ces génomes avec celui d'autres anciens individus d'Europe en effectuant une Analyse en Composantes Principales. Le résultat montre que la très grosse majorité de ces individus (en rose foncé ci-dessous) se regroupent avec les autres anciens fermiers d'Europe:
Cependant quelques individus possède de l'ascendance issue des steppes (en marron clair ou foncé). Ces individus sont plus récents d'après les résultats de datation radiocarbone. Un premier groupe composé de deux individus est daté d'environ 2400 av. JC. et un second groupe composé de huit individus est daté entre 2100 et 1000 av. JC:
La distinction entre ces différents groupes est corroborée par les haplogroupes du chromosome Y puisque tous les anciens fermiers du Néolithique sont tous de l'haplogroupe I2 alors que les individus possédant une ascendance des steppes sont tous des haplogroupes R1 et I1. De manière intéressante, toutes les structures abritent des individus dont l'ascendance est identique: soit fermier soit des steppes à l'exception du site le plus important: Frälsegården qui montre une continuité de son utilisation entre les fermiers du Néolithique et les individus possédant de l’ascendance issue des steppes. Enfin deux anciens individus montrent un mélange génétique entre une composante des fermiers et une composante des chasseurs-cueilleurs. Un de ces individus est situé sur le site de Frälsegården et le second sur le site de Rössberga. Il s'agit de deux femmes dont l'une possède 50% d'ascendance fermier et la seconde possède 66% d'ascendance fermier.
L'analyse des segments IBD montre que les individus possédant de l'ascendance des steppes peuvent être séparés en deux groupes distincts. Le premier est le plus ancien daté vers 2400 av. JC et est associé à l'haplogroupe du chromosome Y: R1a. Le second est le plus récent daté entre 2100 et 1000 av. JC et est associé principalement à l’haplogroupe du chromosome Y: I1. L'utilisation du logiciel DATES montre que le mélange génétique entre composante fermier et composante des steppes est daté vers 2750 av. JC.
Les auteurs ont ensuite recherché les liens familiaux entre ces anciens individus. Ils ont ainsi pu reconstituer un grand arbre généalogique qui s'étend sur six générations, sur les sites de Frälsegården et de Hjelmars Rör. Il est composé de deux sous-familles. Il est de nature patrilinéaire. Toutes les femmes viennent de l'extérieur. Dans un cas une femme (FRA028,) a été identifiée comme étant la sœur de deux frères (HJE003 et HJE012 en mauve foncé ci-dessous à droite) issus du site de Hjelmars Rör:
Ils ont également reconstitué trois petits arbres généalogiques sur les sites de Landbogården et Rössberga:
La recherche de consanguinité a montré que deux frères du site de Frälsegården sont issus d'une union de deux individus reliés au troisième degré. Sur le site de Frälsegården, seulement huit individus dont six femmes n'ont pu être reliés à d'autres individus.
Ensuite les auteurs ont recherché l'existence de pathogènes parmi tous ces anciens individus. Ainsi 18 individus parmi les 108 de cette étude possèdent la trace de la bactérie de la peste: Yersinia pestis. Ils ont également trouvé la présence de Yersinia enterocolitica responsable d'une entérite aiguë et Borrelia recurrentis responsable de fièvres récurrentes. La peste était plus fréquente sur le site de Frälsegården avec treize cas sur 48 individus soit un taux important de 28%, en excluant les individus plus récents qui avaient une proportion d'ascendance des steppes. Ces résultats montrent que la peste était largement diffusée dans le sud de la Scandinavie vers 3000 av. JC. L'analyse phylogénétique de l'ADN de ces cas de peste dans le Néolithique de Scandinavie montre qu'ils sont tous à la base du cluster LNBA préalablement découvert à l'exception de l'échantillon de Rinnukalns en Lettonie (RV2039) préalablement publié. En tout trois souches différentes (A, B et C) ont été découvertes à Frälsegården et à Gökhem un autre site de Suède préalablement publié:
Dans la figure représentant l'arbre généalogique issu du site de Frälsegården, les individus atteints par la peste sont identifiés par un disque noir situé dans le coin supérieur droit. On voit ainsi que la peste était présente à toutes les générations sauf la deuxième et la sixième. On ne connait pas le taux de mortalité de ces anciennes bactéries de la peste, mais toujours est il que la sous-famille de droite du site de Frälsegården a survécu à celle-ci. Il semble cependant que la peste soit à l'origine du déclin de cette population, comme on peut le voir notamment dans la sous-famille de gauche du site de Frälsegården dont les deux dernières générations sont fortement affectées par la souche C. Il est également possible que les trois souches de peste détectées correspondent à trois événements distincts d'infection par cette maladie à différentes périodes de la fin du Néolihique.
Infection par la peste sur six générations dans une communauté Néolithique de Scandinavie
dimanche 11 août 2024. Lien permanent ADN ancien