A ce jour, seulement cinq sites archéologiques ont produit un génome d'homme moderne plus ancien que 40.000 ans: Tianyuan en Asie de l'est daté d'environ 40.000 ans, Ust'Ishim en Sibérie daté d'environ 44.000 ans, Bacho Kiro en Bulgarie daté d'environ 44.000 ans, Oase en Roumanie daté d'environ 40.000 ans et Zlatý kůň en République Tchèque daté d'environ 46.000 ans. Ces anciens individus ont été contemporains de Néandertal et montrent des signes de métissage avec lui. Ils portent notamment tous les traces d'une unique introgression originelle, mais trois d'entre eux montrent des traces d'introgressions supplémentaires plus récentes. Ainsi l'ancien individu d'Ust'Ishim possèdent les traces d'une introgression datant d'environ 40 générations (environ 1000 ans) avant lui. De plus l'individu d'Oase et les individus de Bacho Kiro montrent des traces d'une introgression datant d'environ 15 génération (375 ans) avant eux. A l'exception de l'ancien individu de Tianyuan qui est un ancêtre des populations actuelles d'Asie de l'est, tous les autres individus n'ont pas laissé de contribution génétique (ou très peu) dans les populations actuelles.

Arev Sümer et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Earliest modern human genomes constrain timing of Neanderthal admixture. Ils ont séquencé le génome de plusieurs restes osseux issus d'hommes modernes de la grotte d'Ilsenhöhle à Ranis en Allemagne datés entre 42.200 et 49.540 ans. Ils ont de plus reséquencé le génome de l'ancien individu de Zlatý kůň en République Tchèque:

2024_Sumer_Figure1.png, déc. 2024

Tous les échantillons issus de la grotte de Ranis partagent le même haplotype mitochondrial. Cinq d'entre eux appartiennent à cinq individus différents: Ranis4, Ranis6, Ranis10, Ranis87 et Ranis13. Tous les autres échantillons appartiennent à un sixième individu: Ranis12. Ranis12 est une femme, Ranis4 et Ranis6 sont deux femmes dont l'une est la mère de la seconde. Ranis6 est une enfant de moins de cinq ans, donc Ranis4 est la mère de Ranis6. De plus Ranis4 et Ranis12 sont reliées au second ou au troisième degré. Ranis10, Ranis13 et Ranis87 sont trois hommes qui n'ont aucune apparenté familiale. Pour pouvoir déterminer d'éventuelles relations familiales plus lointaines, les auteurs ont utilisé une méthode basée sur les segments IBD. Cette nouvelle méthode confirme que Ranis4 et Ranis12 sont reliées au troisième ou quatrième degré. De plus cette méthode indique que l'ancien individu de Zlatý kůň est relié à Ranis4 et Ranis12 au cinquième ou sixième degré. Ainsi les anciens individus de Zlatý kůň et de Ranis appartiennent à la même population, bien que distants d'environ 230 kilomètres:

2024_Sumer_FigureE2.png, déc. 2024

L'utilisation du logiciel qpGraph montre que les anciens individus de Zlatý kůň et Ranis appartiennent à la même branche ancestrale qui a divergé avant tout autre ancien Européen, notamment ceux du site de Bacho Kiro:

2024_Sumer_FigureE5.png, déc. 2024

Ensuite, les auteurs ont montré que la population commune Zlatý kůň/Ranis n'a pas contribué génétiquement aux autres populations de chasseurs-cueilleurs d'Eurasie, bien qu'une étude précédente des chasseurs-cueilleurs du site de Buran Kaya III en Crimée laissait entendre que ces derniers avaient hérité en partie du génome de l'ancien individu de Zlatý kůň.

L'ancienneté de la population Zlatý kůň/Ranis, l'absence de continuité avec les populations successives de chasseurs-cueilleurs et les relations familiales entre ces individus suggèrent que cette population était peu nombreuse. La mesure de la densité de sites hétérozygotes montre que cette population était plus nombreuse que la population Néandertale. Cependant la mesure du nombre des segments d'homozygotie montre que celui-ci était du même ordre de grandeur que la population Néandertale de Vindija en Croatie, et plus élevé que la population de l'ancien individu d'Ust'Ishim en Sibérie. Cette consanguinité est typique des populations de faible taille. La méthode hapROH permet d'estimer la taille de cette population a environ 300 individus sur les 50 dernières générations. Une autre méthode basée sur la mesure des segments IBD estime une taille de population voisine de 160 individus sur les 15 dernières générations.

Une mesure directe radiocarbone indique que Ranis13 est daté d'environ 45.000 ans. Une telle mesure n'a pas été possible sur le crâne de Zlatý kůň à cause de l'utilisation d'adhésifs d'origine animale pour sa restauration. Cependant la proche parenté de Zlatý kůň et des individus de Ranis, suggère que l'âge de Zlatý kůň doit être proche également de 45.000 ans. L'utilisation d'une horloge moléculaire basée sur les génomes de ces individus suggère une date située entre 47.000 et 48.000 ans compatible avec la valeur radiocarbone.

Les auteurs ont mesuré une proportion de 2,9% d'ascendance Néandertalienne chez les anciens individus Zlatý kůň et Ranis13. Cette valeur est supérieure à celle chez les autres chasseurs-cueilleurs d'Eurasie. Les anciens individus de Ranis et Zlatý kůň cohabitaient en Europe avec Néandertal. Ainsi il est plausible que ces individus aient des ancêtres Néandertal assez récents. Les méthodes utilisées montrent que ces individus ont subi un seul événement d'introgression Néandertale. De plus les auteurs ont estimé la date de cette introgression entre 56 et 98 générations. Une autre méthode a donné une valeur de 80 générations pour la plus grande probabilité de cet événement. De plus la comparaison des segments d'ascendance Néandertale chez les anciens individus de Zlatý kůň et Ranis et les populations actuelles montre que ces segments sont issus d'un même événement commun d'introgression Néandertale. Connaissant la date radiocarbone de Ranis13 et le nombre de générations entre l'introgression Néandertale et Ranis13, il est possible de dater cet événement entre 49.400 et 45.400 ans:

2024_Sumer_Figure4.png, déc. 2024