La région Rhin-Meuse s'étend au Pays-Bas, en Belgique et dans le nord-ouest de l'Allemagne. Elle est caractérisée par un environnement riche en eau. Vers 5500 av. JC. le sud de cette région voit l'arrivée de fermiers colons appartenant à la culture rubanée qui se sont installés dans des zones fertiles. Au nord de ces communautés, de larges rivières comme la Scheldt, la Meuse et le Rhin ont façonné des paysages dynamiques qui incluaient des sols fertiles favorisés par les fermiers le long de la côte et des plages, et des zones humides dans les deltas de ces rivières, qui ont hébergé des sociétés de chasseurs-cueilleurs après 4200 av. JC. Dans la région Rhin-Meuse, les communautés des zones humides des cultures de Swifterbant (5e millénaire av. JC.) et de Hazendonk (4000-3500 av. JC.) se sont installées sur des zones élevées (dunes fluviales et côtières, crevasses et levées fluviales) dans une région dominée par des cours d'eau et des tourbières. Ils vivaient principalement de la chasse, de la cueillette et de la pêche, mais pratiquaient également l’agriculture. Vers 3500 av. JC., la culture de Vlaardingen succède à la tradition Swifterbant/Hazendonk, tout en restant installée à peu près dans la même région. Simultanément, des agriculteurs associés à la culture des vases à entonnoir (TRB) se sont installés sur le plateau frison-drenthien au nord-est et ses hautes terres sablonneuses environnantes, dans des régions où aucune trace d'habitation antérieure, ni sépultures ni établissements, n'a été trouvée. Les cultures Swifterbant, Hazendonk et Vlaardingen étaient toutes situées à proximité de cours d'eau, tandis que les agriculteurs TRB s'installaient principalement sur des plateaux sablonneux boisés et leurs franges, tout comme les communautés de Michelsberg au sud.
Une stratégie de subsistance mixte de chasse, de cueillette et d'agriculture a persisté dans les Pays-Bas occidentaux et centraux jusqu'au 3e millénaire av. JC., lorsqu'une économie agricole plus intense a émergé en association avec le complexe de Vlaardingen tardif et l'introduction de la charrue vers 3000 av. JC. La propagation de l’influence de la culture Cordée dans la région Rhin-Meuse au sens large a été plus complexe que dans de nombreuses régions d’Europe centrale et orientale. Dans les hautes terres, où le matériel squelettique a tendance à être mal préservé et où aucune donnée d'ADN ancien n'est disponible, le package cordé a émergé ; marqué par la construction de tumulus funéraires, l'absence générale d'habitats, et de rares découvertes de poterie. En revanche, dans les zones humides le long de la côte, du delta Rhin-Meuse et d'autres régions basses, la poterie cordée a été incorporée dans les contextes d'habitat de la culture Vlaardingen, mais les sépultures cordées ne l'ont pas été. Au sud des fleuves Rhin-Meuse, les groupes Seine-Oise-Marne (SOM), principalement connus par des sépultures et des mégalithes, ne possédaient que peu ou pas de matériel associé aux cordés.
L'arrivée du complexe campaniforme vers 2500 av. JC. a marqué une autre transition culturelle majeure, alors que les habitats se sont répandus dans les zones humides et les zones côtières, remplaçant les habitats de Vlaardingen/Cordé, bien qu'elles n'utilisent généralement pas les mêmes sites. L'économie campaniforme était similaire à celle cordée précédente et consistait principalement en une agriculture mêlée à une chasse et une cueillette de faible intensité. Dans les hautes terres sablonneuses, le rituel du tumulus a continué, mais avec des caractéristiques campaniformes distinctes et une culture matérielle remplaçant le répertoire cordé. Les groupes campaniformes étaient également bien attestés au sud du Rhin, comme en témoignent les tumulus campaniformes sur les sols sableux du sud des Pays-Bas et de la Belgique. Les sites d’implantation campaniforme restent tout aussi insaisissables dans cette zone que les implantations cordées. Cependant, la présence de terres labourées datées du Néolithique tardif suggère que le manque de preuves d'habitat n'est pas le résultat du nomadisme mais plutôt d'habitats dans des couches archéologiques plus basses où il y a peu de chances de détection par les archéologues.
Iñigo Olalde et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Long-term hunter-gatherer continuity in the Rhine-Meuse region was disrupted by local formation of expansive Bell Beaker groups. Ils ont analysé le génome de 41 anciens individus datés entre 8500 et 1700 av. JC. et situés dans la région Rhin-Meuse. Ces génomes ont été ajoutés à 68 génomes d'anciens individus de cette région préalablement publiés, pour arriver à un total de 109 génomes:
Les auteurs ont réalisé une Analyse en Composantes Principales. Dans la figure ci-dessous les fermiers de la région Rhin-Meuse se situent sur le gradient des fermiers d'Europe qui s'étire entre les fermiers d'Anatolie en bas à droite et les chasseurs-cueilleurs de l'ouest (WHG) en bas à gauche, mais cependant plus proches des chasseurs-cueilleurs que la plupart des autres fermiers d'Europe. Cela suggère une forte proportion d'ascendance des chasseur-cueilleurs chez les fermiers de la région Rhin-Meuse:
Ainsi les fermiers de la culture Swifterbant (disques bleus foncés ci-dessus) sont génétiquement très hétérogènes avec une mère et sa fille issues du site de Nieuwegein ayant 100% d'ascendance WHG, trois individus issus des sites de Nieuwegein et Zoelen de Beldert avec 60 à 70% d'ascendance WHG, et quatre individus issus des sites de Swifterbant et Zoelen de Beldert avec 35 à 45% d'ascendance WHG. Ces résultats diffèrent de la plupart des sites de fermiers d'Europe qui possèdent en général moins de 30% d'ascendance WHG. Toutefois, les résultats sont peut-être plus logiques à la lumière d’une transformation économique tout aussi limitée, qui a combiné l’agriculture avec une dépendance continue aux riches ressources sauvages des zones humides et des vallées fluviales de la région Rhin-Meuse. Le mélange génétique des groupes locaux avec une ascendance WHG élevée s'est poursuivi pendant les 1 500 années suivantes, avec des proportions stables d'environ 40 à 50 % d'ascendance WHG. Comparée à d'autres régions d'Europe centrale, méridionale et occidentale où l'agriculture était pratiquée, cette région se distingue par sa longue survie de proportions élevées d'ascendance WHG à l'échelle de la population jusqu'à la transition campaniforme.
Les auteurs ont constaté que les proportions d'ascendance fermier chez les populations néolithiques de la région Rhin-Meuse étaient significativement plus élevées sur le chromosome X que sur les autosomes, indiquant une contribution ancestrale plus élevée des femmes ayant une ascendance fermier. Ces résultats sont confirmés par l'analyse des marqueurs uni-parentaux puisque la totalité des hommes du Néolithique ont un haplogroupe du chromosome Y issus des populations Mésolithiques d'Europe: I2a, R1b-V88 et C1a. A l'inverse les haplogroupes mitochondriaux viennent majoritairement des populations des fermiers d'Europe. Un scénario plausible est que les communautés de chasseurs-cueilleurs aient incorporé des femmes agricultrices, qui ont vraisemblablement agi comme vecteurs d’échange d’idées et de technologies liées à l’agriculture.
Dans beaucoup de régions d'Europe, l'émergence de la culture cordée est associée à un changement démographique majeur du à l'arrivée d'une population avec une forte ascendance des steppes. Ce changement chez trois individus de la culture Cordée de la région de Vlaardingen est beaucoup plus faible. Ces trois individus sont enterrés dans un habitat qui utilise du mobilier cordé, mais ne le sont pas selon le rituel typique du cordé qui est absent dans la région de Vlaardingen. Une femme issue du site de Molenaarsgraaf, n'a aucune ascendance des steppes, mais a un profil génétique typique des fermiers de la région. Les deux autres individus peuvent être modélisés comme issus d'un mélange génétique avec 11% d'ascendance cordée et 89% d'ascendance des fermiers de la région Rhin-Meuse. Malgré cette faible proportion d'ascendance des steppes, un homme appartient à l'haplogroupe du chromosome Y: R1b-U106 déjà trouvé chez des anciens individus du début de la culture cordée en Bohème. Ces deux individus avec une faible proportion d'ascendance des steppes dans la région de Vlaardingen sont des cousins au troisième degré. De plus ils sont également reliés bien que plus anciennement à un individu de la culture Yamnaya de la région de Samara en Russie et à des cordés de Pologne. Ils sont également reliés à des fermiers locaux de la région Rhin-Meuse.
L'émergence du complexe campaniforme dans le delta Rhin-Meuse après 2500 av. JC. est associée à un changement démographique important. Les 13 anciens individus campaniformes de la région Rhin-Meuse se regroupent sur la PCA avec les anciens cordés européens, mais pas ceux de la région de Vlaardingen étudiés ci-dessus. Ils peuvent ainsi être modélisés comme issus d'un mélange génétique entre une population cordée (83%) et une population de fermiers du site de Wartberg (17%) représentant les néolithiques de la région Rhin-Meuse possédant le moins d'ascendance chasseurs-cueilleurs. Tous les hommes campaniformes de la région Rhin-Meuse appartiennent à l'haplogroupe du chromosome Y: R1b-L151 absent chez les fermiers d'Europe, mais présents chez les cordés anciens de république Tchèque. De plus neuf hommes des sites d'Oostwoud et d'Ottoland-Kromme Elleboog appartiennent à la branche dérivée R1b-P312. Enfin deux hommes appartiennent à la sous-branche de P312: R1b-DF19 fréquente aujourd’hui en Europe du nord et centrale. Sur le site de Molenaarsgraaf, un homme appartient à la branche dérivée de L151: R1b-U106 identique à l'haplogroupe de l'homme cordé de Vlaardingen.
L'analyse des segments IBD montre des relations de parenté entre les campaniformes de la région Rhin-Meuse et les cordés et les campaniformes de Bohème, ainsi qu'avec la population du Bronze ancien d’Angleterre et d’Écosse:
Au début de l'Âge du Bronze les anciens individus de la région Rhin-Meuse ont un profil génétique équivalent aux campaniformes de la même région, avec cependant 6% d'ascendance supplémentaire des fermiers d'Europe. Ces résultats sont confirmés jusqu'au Bronze moyen par l'analyse des segments IBD.
Cette étude confirme également que cette région a été à l'origine de la migration campaniforme vers les îles Britanniques. Ainsi l'ascendance fermier que l'on retrouve chez les campaniformes de Grande-Bretagne vient probablement de la région Rhin-Meuse à cause notamment de sa forte teneur en
ascendance des chasseurs-cueilleurs, et non pas localement de Grande-Bretagne.
Histoire génétique de la région Rhin-Meuse
dimanche 30 mars 2025. Lien permanent ADN ancien