Les dénisoviens sont un groupe humain éteint qui a été identifié pour la première fois en 2010 à partir du génome d'une petite phalange d'un doigt découverte dans la grotte Denisova dans les montagnes de l'Altaï situées à l'ouest de la Sibérie. Cette première analyse a montré que les dénisoviens était un groupe frère des néandertaliens, qui eux vivaient à l'ouest de l'Eurasie. Les précédentes études ont montré que les dénisoviens étaient présents dans l'Altaï entre 200.000 et 50.000 ans, bien que par moment ils ont été remplacés par les néandertaliens. Ainsi un enfant était le fils d'un père dénisovien et d'une mère néandertalienne. Bien que ces deux espèces se soient occasionnellement hybridées dans leurs zones de contacts, elles sont toujours restées distinctes, car géographiquement séparées. La comparaison du génome des dénisoviens et des hommes modernes a montré que ces deux espèces se sont également hybridées en Asie.
En 2020 une molaire supérieure gauche a été découverte dans la couche 17 de la grotte de Denisova. Cette couche est datée entre 200.000 et 170.000 ans par luminescence optiquement stimulée. Désignée sous le nom de Denisova 25, cette molaire est similaire en taille aux spécimens Denisova 4 et Denisova 8 et plus grosses que les molaires des néandertaliens, suggérant qu'elle a appartenu à un dénisovien.
Stéphane Peyrégne et ses collègues viennent de publier en preprint un article intitulé: A high-coverage genome from a 200,000-year-old Denisovan. Ils ont séquencé le génome de la molaire Denisova 25. Les premiers résultats ont montré que l'individu était de sexe masculin. De plus les haplogroupes mitochondrial et du chromosome Y appartiennent à la population dénisovienne:

Les auteurs ont estimé l'âge génétique de Denisova 25 à partir des séquences mitochondriales et du chromosome Y. Ils ont obtenu des valeurs respectives de 219.000 et 232.000 ans. Ainsi Denisova 25 est plus vieux d'environ 140.000 ans que l'individu Denisova 3 qui avait produit un génome de très bonne qualité en 2010.
Les auteurs ont ensuite comparé les génomes de Dénisova 25, Denisova 3 et trois néandertaliens dont le génome de haute qualité a été préalablement publié (Denisova 5 issu de la grotte Denisova dans les montagnes de l'Altaï, Chagyrskaya 8 issu de la grotte Chagyrskaya située également dans les montagnes de l'Altaï et Vindija 33.19 situé en Croatie), ainsi que quatre génomes de dénisoviens de moindre qualité. Les résultats ont montré que Denisova 25 est plus proche de Denisova 3 que des trois néandertaliens, indiquant ainsi qu'il appartenait à une ancienne population dénisovienne. De plus Denisova 25 possède plus d'affinité génétique avec les néandertalien que Denisova 3, suggérant qu'il a reçu plus de flux de gènes issu de Néandertal. Dans la figure ci-dessous les lignées dénisoviennes sont représentées en rouge, celles des néandertaliens en bleu et celles des hommes modernes en gris:

Les auteurs ont estimé que Denisova 25 possède entre 3,6 et 5,2% d'ADN de Néandertal alors que Denisova 3 en possède entre 1,8 et 2,5%. L'ADN de Néandertal contenu dans Denisova 3 est plus proche de l'ADN du néandertalien: Denisova 5 alors que l'ADN contenu dans Denisova 25 est situé à égale distance des trois néandertaliens: Denisova 5, Chagyrskaya 8 et Vindija 33.19. Ce dernier résultat suggère que l'ADN néandertalien contenu dans Denisova 25 est issu d'une population ancestrale néandertalienne qui a divergé il y a plus de 200.000 ans de la population néandertalienne. La distribution d'ADN de Néandertal contenu dans Denisova 25 et Denisova 3 suggère que leurs ancêtres ont reçu de multiples flux de gènes néandertaliens à différentes époques. Cela indique des contacts répétés entre les néandertaliens et les dénisoviens tout au long de leur histoire.
D'autre part les auteurs ont estimé la divergence entre hommes modernes, néandertaliens et dénisoviens entre 825.000 et 694.000 ans et la divergence entre néandertaliens et dénisoviens entre 585.000 et 504.000 ans. Les auteurs ont également estimé le temps de divergence entre Denisova 3 et Denisova 25 à environ 15.000 ans avant l'époque où vivait Denisova 25.
En analysant les segment d'homozygotie, les auteurs ont estimé que Denisova 25 vivait dans un groupe comprenant entre 50 et 60 individus avec l'arrivée d'environ un migrant par génération. Par comparaison Denisova 3 vivait dans un groupe environ deux fois plus important avec plus de cent individus.
Comme les néandertaliens partagent plus d'affinité génétique avec les populations actuelles d'Afrique sub-saharienne que les dénisoviens, les auteurs en ont conclu que les dénisoviens avaient reçu un flux de gènes venant d'une population archaïque, contrairement aux néandertaliens. Ce résultat est confirmé avec le nouveau génome de Denisova 25.
Les auteurs ont ensuite étudié les flux de gènes de dénisoviens dans les populations actuelles d'hommes modernes. En ajoutant le génome de Denisova 25, les auteurs ont ainsi permit de dire que ce niveau d'introgression génétique était environ 1,8 fois plus important qu'auparavant estimé. S'il est très faible chez les européens il est beaucoup plus important chez les océaniens:

Les segments d'ADN hérités des dénisoviens chez les hommes modernes actuels viennent plus souvent de Denisova 3 que de Denisova 25. Les auteurs ont de plus détecté au moins trois composantes différentes de dénisoviens chez les hommes modernes. Ces trois composantes sont distribuées différemment selon la population étudiée. Ils ont constaté que les segments identifiés chez les Océaniens ne partagent quasiment jamais de points de rupture issus d'événements de recombinaison passés, avec ceux d'autres populations, y compris les Sud-Asiatiques, tandis que les segments identifiés dans d'autres populations partagent globalement des points de rupture chez tous les non-Africains. Cela suggère que les ancêtres des Océaniens ont hérité de leur ascendance dénisovienne indépendamment des autres humains modernes. Cela implique également que, bien que la composante dénisovienne profondément divergente soit observée à la fois chez les Sud-Asiatiques et les Océaniens, ces derniers ont dû l'hériter d'un événement distinct de celui des Océaniens. Ces observations étayent l'hypothèse selon laquelle les Océaniens descendent d'une première vague d'humains modernes ayant atteint l'Océanie par une route passant par l'Asie du Sud. L'observation selon laquelle les Asiatiques de l'Est ne portent pas la composante dénisovienne profondément divergente, mais possèdent une composante très proche de Denisova 3, suggère que leurs ancêtres ont migré vers l'Asie de l'Est par une route plus septentrionale. La figure ci-dessous représente la distribution géographique des trois composantes dénisoviennes (Denisova 3, Denisova 25 et composante profondément divergente) dans les populations actuelles d'hommes modernes:

Notamment, des segments d'ADN de type néandertalien sont partagés par toutes les populations, y compris les Océaniens, ce qui concorde avec une migration d'hommes modernes unique hors d'Afrique. Cependant, des flux génétiques dénisoviens indépendants suggèrent de multiples migrations vers l'Asie:

Les auteurs ont estimé les dates de flux de gènes dénisoviens chez les hommes modernes entre 50.000 et 39.000 ans en Asie du sud et entre 44.000 et 35.000 ans en Asie de l'est.
Génome d'un dénisovien de l'Altaï vieux de 200.000 ans
dimanche 26 octobre 2025. Lien permanent ADN ancien
