Asmahan Bekada a publié un papier intitulé: Introducing the Algerian Mitochondrial DNA and Y-Chromosome Profiles into the North African Landscape.

Le nord-ouest de l'Afrique (Maroc, Algérie et Tunisie associés à la Mauritanie et la Lybie) est considéré comme une entité géographique, archéologique et historique distincte du reste de l'Afrique. Au paléolithique moyen, pendant que Néanderthal occupait l'Europe et l'ouest de l'Asie, les hommes modernes créaient l'industrie atérienne dans le Maghreb. Après un hiatus, l'industrie ibéromaurusienne a remplacé les Atériens dans cette région, toujours au paléolithique. Une période humide commencée il y a 9000 ans a apporté une influence néolithique Saharienne et Méditerranéenne à la culture Capsienne épi-paléolithique. Depuis cette époque la langue berbère a donné une unité culturelle au Maghreb. Aux périodes historiques, le nord de l'Afrique a subi les expansions de plusieurs civilisations méditerranéennes, particulièrement les phéniciens et les romains qui ont laissé une empreinte davantage culturelle que génétique. Néanmoins, la langue berbère n'a été réellement menacée que par l'expansion islamique à partir de la fin du 7ème siècle de notre ère. Aujourd'hui, la langue berbère est confinée aux régions montagneuses et désertiques.

Des études génétiques des populations de cette région ont apporté une vision non seulement dans la structure et les relations des Nord-Africains avec ses voisins, mais aussi l'origine probable et une estimation de la date d'arrivée des principaux lignages. Depuis le début une composante principale Eurasienne a été observée dans la région suivie d'influences subsahariennes. La comparaison entre l'Afrique du Nord et l'Europe Méditerranéenne indique une forte discontinuité génétique entre ces deux régions. Enfin les berbères constituent un groupe très hétérogène montrant de fortes différences d'une région à l'autre. Cependant peu de différences génétiques ont été trouvées entre les communautés berbères et arabes de la région, indiquant une influence plus culturelle que migratoire de l'expansion arabe. Cependant la présence du lignage spécifiquement arabe J-M267 plus importante dans les villes que dans les campagnes pointe vers un influx génétique dans cette région en provenance du Moyen-Orient. Les lignages mitochondriaux U6, M1et X1ont leur origine au Moyen-Orient et se sont diffusés en Afrique du Nord au paléolithique. D'autres comme U5b1b, H1, H3 et V sont originaires d'Europe et ont atteint l'Afrique du Nord via la péninsule ibérique après le Maximum Glaciaire. Une étude d'ADN ancien à Taforalt au Maroc sur des restes de la culture ibéromaurusienne a détecté la présence des haplogroupes U6, V, T et H pointant vers une continuité génétique dans cette région depuis le paléolithique. La contrepartie masculine analysée à partir des tests du chromosome Y supporte également une diffusion de l'Asie vers l'Afrique du lignage R1b-V88 probablement durant l'holocène. D'autres lignages comme E-M81 et E-M78 sont probablement originaires de la région avec des expansions au paléolithique et au néolithique.

Cette information génétique concernant l'Afrique du Nord est cependant altérée par un vide au niveau de l'Algérie qui est cependant le plus grand pays du continent africain. Seules quelques échantillons ont été testés dans le passé. Pour combler cette lacune, les auteurs de cette étude ont testé des échantillons de la région d'Oran: 240 ont été testés sur la région HVR-I de l'ADN mitochondrial et 16 SNPs de la région codante. Enfin 102 échantillons masculins ont été testés sur des marqueurs STR et des SNPs du chromosome Y, notamment choisis pour affinés les haplogroupes importants R et E. A titre de comparaison, des populations de la péninsule ibérique, du Maroc, de Mauritanie et de Tunisie ont également été testés. Enfin, pour une analyse statistique, les auteurs ont considéré 18050 séquences mitochondriales testées sur la région HVR1, issues du bassin méditerranéen, du Moyen-Orient et du Caucase, ainsi que 19343 échantillons de ces mêmes régions, testés sur le chromosome Y.

Les résultats mitochondriaux obtenus dans cette étude ont été comparés aux résultats de 2 autres études concernant une population diverse d'Algérie et des Mozabites:
2013 Bekada Table 1

Les Mozabites présentent un excès de U3 et U6a, alors que la précédente étude sur une population diverse avait un manque de HV0 et un excès de J/J1c/J2, L3e5 et L2a1. La présente étude correspond davantage à ce que l'on pouvait attendre de la région avec seulement un déficit de K* et un excès de M1. Ces 3 études ont été mélangées dans l'Analyse à Composantes Principales montrée ci-dessous:
2013 Bekada Figure 2A

Ainsi la population d'Algérie se regroupe avec les autres populations du Maghreb. La fréquence de H1 en Algérie est intermédiaire entre le Maroc (51,6%) et la Tunisie (29,4%) indiquant ainsi une décroissance progressive de cet haplogroupe en Afrique du Nord, de l'ouest vers l'est. En Algérie les lignages eurasiens sont les plus fréquents (80%) loin devant les lignages africains (20%). Au moins 2 lignages eurasiens: M1 et U6 sont d'origine paléolithique en Afrique du Nord. U6 se répartit davantage au nord-ouest et M1 davantage au nord-est du continent Africain. Les autres lignages eurasiens sont probablement d'origine Proche ou Moyen Orientale, bien que certains comme H1, H3, HV0 et U5b1b viennent probablement de la péninsule ibérique. L'Algérie a environ le même taux de lignages subsahariens que le Maroc (20,4%) et l’Égypte (22,9%), mais un peu plus faible que la Tunisie (30,1%) et la Libye (27,1%).

Les résultats pour le chromosome Y concernant les haplogroupes E-M78 et R-M343 sont donnés pour la péninsule ibérique et les pays d'Afrique du Nord dans la figure ci-dessous:
2013 Bekada Figure 1

Les résultats obtenus pour E-M78 sont en accord avec les précédentes études. E-V13 est le sous-haplogroupe le plus fréquent dans la péninsule ibérique. L'absence de E-M78 en Mauritanie est notable. On remarque également le même nombre de E-M78* et de E-V65 en Afrique du Nord. Les résultats obtenus pour R-M343 dans la péninsule ibérique reflètent une origine européenne sauf pour un échantillon R1b-V88. Au contraire tous les échantillons R de Mauritanie sont R1b-V88, atteignant une fréquence de 7% pour cet haplogroupe en accord avec les autres pays du Sahel. Pour les autres pays du Maghreb, R1b-V88 descend à environ 1% de la population. D'un autre côté la présence de R-M412, R-S116, RU152 et R-M529 en Afrique du Nord pointe vers un influx européen à travers la Méditerranée. La comparaison de ces résultats avec les autres pays indique une origine nord-africaine pour les haplogroupes E-V65, E-M81 et J1-M267. Les haplogroupes G-M201, L-M20, R2-M124, T-M70, J2-M172 et autres sous-clades de J2 indiquent une influence de l'ouest de l'Asie sur l'Europe avec seulement une très faible influence sur l'Afrique du Nord. Inversement, certaines sous-clades de I montrent une influence de l'Europe vers l'Asie de l'ouest sans influence vers l'Afrique du Nord. Ces influences apparaissent graphiquement sur l'Analyse en Composantes Principales:
2013 Bekada Figure 2B

Ainsi les pays européens sont alignés sur une diagonale qui relie la péninsule ibérique à la Turquie et au Caucase. Ils sont biens séparés des pays d'Afrique du Nord. L'Egypte se retrouve en position intermédiaire entre les pays du Maghreb et les pays du Levant et de la péninsule arabique.

Discussion

Quoique l'Algérie et la Mauritanie montrent les plus hautes fréquences pour l'haplogroupe U6, la majorité des séquences mauritanienne sont U6a*, alors que la majorité des séquences algériennes sont de la sous-clade U6a1'2'3 caractérisée par la mutation 16189. De la même façon, l'Algérie et l’Égypte sont les pays avec les plus hautes fréquences pour l'haplogroupe M1, la majorité des séquences égyptiennes sont de la sous-clade M1a1, alors que les séquences algériennes sont M1*. Concernant les haplogroupes E-V65 et E-M81, l'Algérie possède les plus basses fréquences des pays du Maghreb, alors qu'elle a les plus hautes fréquences pour l'haplogroupe J-M267. Les relativement hautes fréquences des haplogroupes européens: R-M412, R-S116, R-U152 et R-M529 au Maghreb pourraient être la contrepartie masculine des haplogroupes mitochondriaux H1, H3 et HV0. La fréquence des haplogroupes typiquement nord africains E-M81 et E-V65 est respectivement de 40% et 3,4% en Afrique du Nord et de 1,9% et 0,3% en Europe méditerranéenne. Ceci implique un influx génétique d'environ 5% de la population masculine de l'Afrique du Nord vers l'Europe du Sud. L'inverse estimé à partir des haplogroupes E-V13, R-M412, R-S116 et R-U152 indique un influx génétique d'environ 8% de la population masculine de l'Europe du Sud vers l'Afrique du Nord. Un calcul similaire à partir des haplogroupes mitochondriaux U6 et M1 implique un influx génétique d'environ 10% de la population féminine de l'Afrique du Nord vers l'Europe du Sud. L'étude de la répartition des haplogroupes H1, H3 et HV0 donne des valeurs identiques de leur fréquence de part et d'autre de la méditerranée. Elles ne peuvent donc pas être utilisée pour déterminer l'influx génétique de la population féminine de l'Europe du Sud vers l'Afrique du Nord. Ceci demande des études supplémentaires pour mieux comprendre ces différentes valeurs.

Il y a également des différences génétiques importantes selon le sexe. Ainsi la Tunisie est le plus proche pays de l'Algérie quand on considère l'ADN mitochondrial, alors que la Mauritanie est le plus proche de l'Algérie quand on considère l'ADN du chromosome Y. D'autre part, la France est la plus éloignée de l'Algérie suivant l'ADN mitochondrial, alors que la péninsule ibérique est la plus éloignée considérant l'ADN du chromosome Y, parmi les pays étudiés. L'Italie est le plus proche pays européen de l'Algérie à la fois concernant l'ADN mitochondrial et du chromosome Y.