Les premiers fermiers sont apparus au Proche-Orient entre 10.000 et 9.000 av. JC.. Ils ont cultivé des plantes et domestiqué des animaux avant de se diffuser en Eurasie de l'Ouest et au-delà.

Iosif Lazaridis et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: The genetic structure of the world’s first farmers. Ils ont séquencé le génome de 44 anciens individus du Proche-Orient dont l'âge varie de 12.000 à 1400 av. JC entre les chasseurs-cueilleurs Natoufiens et les fermiers de l'Âge du Bronze. Ces individus sont originaires du sud du Caucase (Arménie), du nord-ouest de l'Anatolie, d'Iran et du sud du Levant (Israël et Jordanie). Ils ont été ensuite comparés avec le génome de nombreux anciens individus d'Europe et des Steppes Eurasiennes:
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Ces nouveaux échantillons incluent des chasseurs-cueilleurs Natoufiens, un individu du Mésolithique Iranien, des fermiers du Néolithique pré-céramique du sud du Levant, des fermiers des Monts Zagros en Iran, ainsi que des fermiers Néolithiques plus tardifs et des individus du Chalcolithique et de l'Âge du Bronze, notamment il y a trois individus de la culture Kura-Araxes.

Les haplogroupes mitochondriaux des différents individus sont variés: J1c, T1a, N1b, R0a, I1c, K1a, X2, H1, H2, H14, H29, U1, U3, U4, U7.

Les haplogroupes du chromosome Y des différents individus mâles de cette étude sont les suivants:
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De manière intéressante les trois hommes du Chalcolithique Arménien sont de l'haplogroupe L1a, le Mésolithique Iranien est de l'haplogroupe J comme les chasseurs-cueilleurs du Caucase et trois des Natoufiens sont de l'haplogroupe E1b. Iosif Lazaridis a précisé sur twitter que le seul homme de la culture Kura-Araxes est de l'haplogroupe R1b1.

L'ascendance Basal Eurasian est un lignage hypothétique qui a divergé avant la différentiation de toutes les autres ascendances Eurasiennes dont la composante Est Asiatique (chinois Han) ou les anciens individus comme celui d'Ust’-Ishim âgé d'environ 45.000 ans. Les auteurs ont utilisé la statistique f4 pour mettre en évidence cette ascendance Basal Eurasian parmi les anciens échantillons de cette étude. Cette ascendance varie beaucoup d'un individu à l'autre. Elle est maximale pour les individus les plus anciens d'Iran et du Levant:
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D'autre part, l'ascendance Néandertalienne est plus faible chez les Eurasiens de l'Ouest que chez les Est Asiatiques, comme s'ils avaient une ascendance diluant l'ascendance Néandertalienne. La figure ci-dessus montre également qu'il y a une corrélation négative entre l'ascendance Basal Eurasian et l'ascendance Néandertalienne, comme si la composante Basal Eurasian n'incluait pas d'ADN de Néandertal. Ce résultat indique que le mélange génétique entre les hommes modernes et les hommes de Neandertal il y a entre 60.000 et 50.000 ans, est arrivé après la séparation de l'ascendance Basal Eurasian chez les hommes modernes non Africains. Ceci est particulièrement frappant sachant que l'on suppose que le mélange génétique entre Néandertals et hommes modernes a eu lieu justement au Proche-Orient. Cela implique que l’ascendance Basal Eurasian s'est mélangé au Proche-Orient après le mélange génétique avec les hommes de Néandertal, mais avant l'âge du plus ancien individu de cette étude.

Les auteurs ont réalisé une Analyse en Composantes Principales pour comparer les anciens individus de cette étude avec d'autres préalablement publiés d'Europe et des Steppes Eurasiennes:
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Ainsi les anciens individus du Levant sont nettement séparés des anciens individus d'Iran suivant la seconde composante. Les chasseurs-cueilleurs du Caucase se regroupent à côté des anciens Iraniens bien qu'à une position moins extrême. Les individus du Proche-Orient du Chalcolithique et de l'Âge du Bronze se situent à des positions intermédiaires. Globalement cette Analyse en Composantes Principales à la forme d'un quadrangle limité par les chasseurs-cueilleurs de l'Ouest en bas à gauche, les chasseurs-cueilleurs de l'Est en haut à gauche, les Natoufiens en bas à droite et les anciens Iraniens en haut à droite, suggérant ainsi que les diverses populations Ouest Eurasiennes sont issues d'un mélange génétique de ces quatre ascendances.

Les données de cette étude montrent également qu'il y a une continuité génétique à la transition Mésolithique/Néolithique dans les différentes régions du Proche-Orient.

D'autre part, les auteurs ont montré que les premiers fermiers du Levant possèdent environ 2/3 d'ascendance issus des chasseurs-cueilleurs Natoufiens, et 1/3 issus des fermiers Anatoliens. Les premiers fermiers de l'ouest de l'Iran se regroupent avec les chasseurs-cueilleurs d'Iran et du Caucase et partagent autant d'allèles issus des premiers fermiers d'Anatolie et du Levant indiquant ainsi leur forte isolation. Dans les millénaires qui ont suivi, les populations Néolithiques se sont diffusées dans toutes les directions au sein du Proche-Orient. Ainsi les populations Chalcolithiques d'Iran peuvent être modélisées comme un mélange génétique de populations Néolithiques d'Iran, du Levant et des chasseurs-cueilleurs du Caucase.

Par la suite, les fermiers du Proche-Orient se sont diffusés en dehors de leur région. Ainsi, une population proche des Chalcolithiques Iraniens a contribué à environ 43% de l'ascendance des populations de l'Âge du Bronze des Steppes. Les premiers fermiers Européens descendent d'une population proche des premiers fermiers Anatoliens. Une migration issue des premiers fermiers du Levant est à l'origine de l'ascendance Ouest Eurasienne contenue dans les populations Est Africaines. Les données de cette étude apportent également un éclairage sur l'origine de la composante Ancestral North Indian (ANI) en Asie du Sud. En effet cette ascendance n'est pas issue d'une seule population, mais d'un mélange génétique entre les premiers fermiers d'Iran (probablement à l'origine de la civilisation de l'Indus) et la population de l'Âge du Bronze des Steppes Eurasiennes (probablement à l'origine des migrations Indo-Aryennes).

En conclusion, les auteurs ont montré que la diffusion de l'agriculture au Proche-Orient ne s'est pas faite par une unique population remplaçant les populations Mésolithiques locales. En fait la diffusion culturelle des idées et des technologies agricoles s'est faite plus rapidement que la migration de populations au Proche-Orient.

Mise à jour

Ce papier a été définitivement publié en juillet 2016: Genomic insights into the origin of farming in the ancient Near East