Les Îles Baléares sont constituées de Majorque, Minorque, Ibiza, Formentera et de nombreuses petites îles. Elles sont habitées depuis le 5ème millénaire av. JC. Durant l'Âge de Fer la culture Talayotique s'est développée sur Majorque et Minorque. Elle est caractérisée par de grosses tours mégalithiques appelé talayots. Elle prend son origine à la fin de l'Âge du Bronze lorsque le commerce maritime se développe entre les Îles Baléares, la Catalogne et le golf du Lion.

A la fin du 20ème siècle, on pensait que la culture Talayotique datait de l'Äge du Bronze et était contemporaine des cultures Nuragique en Sardaigne et Torréenne en Corse. Cependant des études récentes ont redaté les vestiges de la culture Talayotique et montré que celle-ci était plus récente que les cultures de Sardaigne et de Corse.

Marc Simon et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Dissecting Mitochondrial DNA Variability of Balearic Populations From the Bronze Age to the Current Era. Ils ont étudié l'ADN mitochondrial de plusieurs populations de Majorque et de Minorque entre l'Âge du Bronze et la fin de la période Romaine, ainsi que d'une population Nuragique de Sardaigne. Les échantillons de Majorque appartiennent à trois nécropoles: Son Real (ISR) et Illot des Porros (IIP) de la période Talayotique entre le 6ème et le 2d siècle av. JC, et Can Reiners (MCR) de la fin de la période Romaine vers le 7ème siècle ap. JC. Les échantillons de Minorque appartiennent à deux nécropoles: Son Olivaret (ISOV) du 4ème siècle av. JC, et La Cova des Pas (ICP) de la fin de l'Âge du Bronze au début de l'Âge du Fer.
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Les échantillons de Sardaigne appartiennent au site Nuragique de Santa Teresa di Gallura situé au Nord-Est de la Sardaigne. Il s'agit d'une Tombe des Géants datée entre 1300 et 1200 av. JC. L'objectif est de voir notamment si la population Talayotique des Baléares prend ses origines dans la culture Nuragique de Sardaigne.

Les auteurs ont séquencé la région HVR1, entre les positions 16210 et 16400 seulement, de la région de contrôle et ont testé quelques SNPs de la région codante afin de discriminer les principaux haplogroupes mitochondriaux. Ils ont obtenu des résultats sur 69 individus des Baléares et sur 6 individus de Sardaigne. Ces derniers ont été ajoutés aux résultats obtenus dans des études antérieures en 2007 et 2013 du même site Nuragique.

Les populations anciennes des Baléares appartiennent principalement à l'haplogroupe H (40,6%), l'haplgoroupe U (31,1%), l'haplgoroupe J (8,0%), l'haplogroupe K (4,3%) et l'haplogroupe W (4,3%):
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Une analyse en Correspondance a été réalisée pour comparer les résultats obtenus sur les différents sites des Baléares:
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Les sites de l'Âge du Fer: ICP et IIP, ainsi que celui de la fin de la période Romaine: MCR se regroupent, alors que les sites ISR et ISOV sont plus éloignés. ISR est caractérisé par de plus fortes fréquences des haplogroupes K, J et X et une relative faible fréquence de l'haplogroupe H. ISOV est caractérisé par de fortes fréquences des haplogroupes J, R0 et T.

L'analyse des distances génétiques entre populations des Îles Baléares montrent qu'il y a peu de différences entre elles.

Les auteurs ont ensuite fait une analyse en Correspondance pour comparer les populations anciennes et contemporaines des Baléares:
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Ainsi les populations anciennes sont plus proches des populations contemporaines des îles de Majorque et Minorque que de la population contemporaine de Ibiza ou que de la population Juive de Majorque (CHU) dont la fréquence des haplogroupes R0 (pour CHU), L et M est plus élevée.

La comparaison entre les populations anciennes de Catalogne et des Baléares montrent qu'elles se ressemblent beaucoup sauf pour l'haplogroupe J plus fréquent en Catalogne et les haplogroupes I, W, X et L absents en Catalogne et présents dans les Baléares.

26 haplotypes différents ont été obtenus parmi les 69 individus des Baléares. La diversité des haplotypes est équivalent à Majorque entre les populations anciennes et contemporaines. A l'inverse cette diversité est beaucoup plus faible parmi la population ancienne de Minorque. Cette faible diversité peu révéler des relations maternelles entre ces anciens individus.

Les auteurs ont réalisé un réseau génétique pour comparer les anciens individus des Baléares avec d'autres populations anciennes d'Europe:
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Ainsi les haplogroupes J et T sont beaucoup plus fréquents chez les individus de la culture Talayotique (en bleu foncé) que chez les individus de la culture Nuragique (en jaune). D'autre part les anciens Catalans (en rouge) sont proches des anciens individus des Baléares. Ces résultats montrent donc que la population de la culture Talayotique des Îles Baléares prend son origine en Catalogne et non en Sardaigne.

Les auteurs ont ensuite réalisé des réseaux génétiques pour comparer les populations anciennes et contemporaines des Baléares:
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Ainsi certains haplotypes anciens ne sont pas représentés dans la population contemporaine alors que certains haplotypes contemporains semblent dériver d'haplotypes anciens.