La Patagonie, située à la pointe sud de l'Amérique du Sud, est un territoire très diversifié entre les montagnes des Andes au sud-ouest incluant de nombreuses îles, et les plaines du nord-est. La plus ancienne preuve d'occupation humaine remonte à environ 14.500 ans sur le site de Monte Verde situé au nord de la Patagonie. A cette époque l'île de Terre de Feu est reliée au continent, car le détroit de Magellan ne s'est pas formé avant 8000 ans, suite à la montée des eaux. Les premiers habitants de la Patagonie étaient des chasseurs-cueilleurs qui exploitaient les ressources maritimes. Après l'arrivée des Européens dans la région, six groupes ethniques ont été reconnus: trois groupes maritimes (Chono, Kawéskar et Yámana) et trois groupes terrestres (Tehuelche, Selk’nam et Haush):
2018_DeLaFuente_Figure1.jpg

Constanza de la Fuente et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Genomic insights into the origin and diversification of late maritime hunter-gatherers from the Chilean Patagonia. Ils ont séquencé le génome de quatre anciens chasseurs-cueilleurs (Kawéskar et Yámana) datés entre 910 et 1320 ans, et de 61 individus actuels du Sud du Chili et de Patagonie. Les données isotopiques ont montré que la diète des anciens-chasseurs-cueilleurs était essentiellement maritime.

Les résultats ont montré que les deux anciens Kawéskar sont un homme et une femme et que les deux anciens Yámana sont deux hommes. Les haplogroupes mitochondriaux des quatre anciens individus sont C1b, D1g et D4h3a5. L' haplogroupe du chromosome Y des trois anciens hommes est Q1a2a1a1-M3.

Les auteurs ont ensuite réalisé une Analyse en Composantes Principales. Les anciens individus de Patagonie se regroupent avec les populations actuelles d'Amérique du Sud. Lorsque l'analyse est faite avec seulement des populations d'Amérique du Sud, trois groupes principaux apparaissent: les populations de Patagonie et du sud du Chili, les populations des Andes (Quechua et Aymara) et les autres populations d'Amérique du Sud. La figure ci-dessous incluent les quatre anciens individus de cette étude et trois anciens individus préalablement publiés dans une étude précédente: un Selk’nam (SMA577) et deux Yámana (Y894 et Y895). Tous ces anciens individus se regroupent d'abord entre eux, puis avec les populations actuelles de Patagonie:
2018_DeLaFuente_Figure2.jpg

Les auteurs ont ensuite réalisé une analyse avec le logiciel ADMIXTURE:
2018_DeLaFuente_Figure3.jpg

Pour K=5, l'ascendance Amérindienne se scinde en deux composantes (marron clair et orange, cette dernière est maximale chez les Surui d'Amazonie). Pour K=6 une autre composante Amérindienne apparait en bleu clair maximale chez les Karitiana d'Amazonie. Pour K=7 une composante vert clair apparait spécifique à la Patagonie et au Chili du sud. Enfin pour K=8 une composante orange clair spécifique aux Yámana de Patagonie apparait. Cette dernière composante est importante chez les anciens chasseurs-cueilleurs de Patagonie (environ 30%).

Les auteurs ont utilisé la statistique f3 pour estimer les affinités génétiques des anciens individus de Patagonie. Les résultats montrent un gradient sud-nord, la plus grande affinité génétique avec les anciens individus de Patagonie étant située dans les populations actuelles du sud de la Patagonie, notamment d'abord les Yámana et ensuite les Kawéskar. Ces résultats sont confirmés par les statistiques f4 et D.

D'autre part, les auteurs ont confirmé que les populations Amérindiennes contiennent plus de segments d'homozygotie que les autres populations mondiales. Ces excès sont principalement des segments courts, bien que des segments plus longs existent dans certaines populations Amérindiennes signe d'isolation génétique récente:
2018_DeLaFuente_Figure6.jpg

En conclusion les anciens chasseurs-cueilleurs de Patagonie montrent une forte affinité génétique avec les autres populations Amérindiennes notamment celles du sud de la Patagonie indiquant ainsi une continuité génétique depuis au moins 1300 ans dans la région. Cette étude a également mis en évidence une structure génétique dans la région suggérant une certaine isolation des populations locales depuis l'arrivée des premiers hommes.