La domestication du cheval à la transition entre l'Âge du Cuivre et l'Âge du Bronze vers 3000 av. JC., a amélioré la mobilité des hommes et a pu déclencher des vagues de migrations. En accord avec l'hypothèse des Steppes, cette expansion reliée aux cultures Yamnaya et Afanasievo est associée à la diffusion des langues Indo-Européennes en Europe et en Asie. Les populations associées aux cultures Yamnaya et Afanasievo appartiennent à une même population homogène génétiquement issue d'un mélange entre des chasseurs-cueilleurs de l'Est (EHG) et des chasseurs-cueilleurs du Caucase (CHG). En Europe cette hypothèse est supportée par la reconstruction du vocabulaire Proto-indo-européen, ainsi que par les preuves archéologiques et génétiques. En Asie, plusieurs hypothèses s'affrontent, notamment sur l'origine génétique de certaines populations Asiatiques, comme par exemple dans la région du Botaï, un site à l'origine de la domestication des chevaux, en Asie du Sud au sujet de l'origine génétique de la population ou en Anatolie sur l'origine de la population Hittite.

Peter de Barros Damgaard et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: The first horse herders and the impact of early Bronze Age steppe expansions into Asia. Ils ont séquencé le génome de 74 individus datés entre le Mésolithique et le Moyen-Âge et situés géographiquement entre l'Europe de l'Est, l'Asie Centrale et l'Anatolie:
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Il y a notamment trois individus du Botaï dans le Nord du Kazakhstan de l'Âge du Cuivre (3500 à 3000 av. JC.), un individu de la culture Yamnaya (2900 av. JC.) issu du site de Karagash également au Kazakhstan, un individu du Mésolithique du site de Sidelkino en Russie (9000 av. JC.), deux individus des sites de Sholpan et Gregorievka dans les steppes Centrales (2200 av. JC.) dont la culture est proche des cultures Yamnaya et Afanasievo, 19 individus de la culture de l'Âge du Bronze d'Okunevo (2500 à 2000 av. JC.), 31 chasseurs-cueilleurs de la région du lac Baïkal (5200 à 1800 av. JC.), quatre individus de l'Âge du Cuivre du site de Namazga (3300 à 3200 av. JC.) en Asie Centrale, un individu de l'Âge du Fer du Turkménistan (800 av. JC.), et douze individus du centre de la Turquie datés entre l'Âge du Bronze Ancien (2200 av. JC.) et l'Âge du Fer (600 av. JC.) dont cinq individus Hittites (1600 av. JC.) et deux de l'empire Ottoman (1500 ap. JC.). Les auteurs ont également séquencé le génome de 41 individus contemporains d'Asie Centrale appartenant à 17 ethnies différentes.

Le génome du Mésolithique de Russie est similaire à ceux préalablement publiés appartenant aux chasseurs-cueilleurs de l'Est (EHG), et le génome de l'individu de la culture Yamnaya est similaire à ceux préalablement publiés de cette culture.

Vers 3000 av. JC. la culture de Afanasievo se forme dans la région de l'Altaï à la suite d'une migration Yamnaya vers l'Est. A cette époque, la région est peuplée de chasseurs-cueilleurs qui élèvent des chevaux, tandis que plus à l'Est dans la région du lac Baïkal, la région est peuplée de chasseurs-cueilleurs depuis le Paléolithique. Peu après la région est habitée par la culture de Okunevo qui remplace la culture de Afanasievo.

Les auteurs ont réalisé une Analyse en Composantes Principales:
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Les résultats (figure A) montrent que ces individus des steppes se situent sur un gradient génétique qui s'étend entre les chasseurs-cueilleurs de l'Est (en haut à gauche) et les populations de la région du lac Baïkal (à droite). Ces résultats sont confirmés par l'analyse avec le logiciel ADMIXTURE qui montre un accroissement de l'ascendance Est Asiatique (composante jaune ci-dessous) quand on se rapproche du lac Baïkal:
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La position de ce gradient suggère que les populations de l'Âge du Bronze des Steppes forment une continuation de l'ancienne population Anciens Nord Eurasiens (ANE) identifiée par les génomes des individus de Mal'ta et de Afontova-Gora en Sibérie datés entre 24.000 et 15.000 ans.

Le logiciel momi permet de modéliser les relations ancestrales entre ces différentes populations
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Les résultats montrent que les populations de la culture de Botaï, de Sholpan et Gregorievka, de la culture d'Okunevo et de la région du lac Baïkal ont divergé génétiquement depuis longtemps des autres populations anciennes et contemporaines. Ainsi l'ascendance ANE a divergé de l'ascendance EHG il y a environ 15.000 ans. De la même façon l'ascendance chasseurs-cueilleurs Est Asiatiques (AEA) s'est scindée en deux il y a environ 15.000 ans formant la branche qui mène aux populations du lac Baïkal et celle qui mène aux Han Chinois. Enfin les branches qui mènent aux ascendances AEA et ANE ont divergé il y a environ 40.000 ans. Comme le garçon de Mal'ta était situé proche du lac Baïkal, on en déduit un remplacement de population dans cette région entre 15.000 et 7.000 ans avec l'arrivée de l'ascendance AEA. Il y a de plus une évolution de la population de cette région entre 7000 et 4000 ans qui indique l'arrivée d'un flux de gènes ANE. Ces changements dans cette région se reflètent dans les haplogroupes du chromosome Y. Le garçon de Mal'ta était de l'haplogroupe R, alors que les individus datés de 7000 ans étaient de l'haplogroupe N fréquent dans le Nord de l'Eurasie, et les individus datés de 4000 ans étaient de l'haplogroupe Q comme ceux de la culture d'Okunevo ainsi que certaines populations actuelles d'Asie Centrale et de Sibérie.

Les plus anciennes preuves de le domestication de chevaux viennent de la culture du Botaï située dans les steppes du nord du Kazakhstan entre 3500 et 3000 av. JC. Cependant, si les individus des cultures Yamnaya et Afanasievo sont issus d'un mélange génétique entre chasseurs-cueilleurs de l'Est et chasseurs-cueilleurs du Caucase, les individus de la culture de Botaï ne possèdent pas d'ascendance issue du Caucase. A l'inverse les individus de la culture du Botaï possède de l'ascendance chasseurs-cueilleurs Est Asiatiques (AEA) contrairement aux Yamnaya. La figure ci-dessus montre en réalité que les populations de ces deux cultures ont divergé il y a environ 15.000 ans. Ce résultat se voit également dans les haplogroupes du chromosome Y puisque les Yamnaya sont de l'haplogroupe R1b-Z2103 alors que les Botaï sont de l'haplogroupe N ou R1b-M73.

Les deux femmes des sites de Sholpan et Gregorievka enterrées suivant un rite proche de celui de la culture de Afanasievo ont un génome spécifique à l'Asie Centrale très proche de celui des individus de la culture de Okunevo, et donc différent du génome des individus Afanasievo. Les auteurs ont cependant identifié un flux de gènes de l'ordre de 10 à 20% issu de la culture Afanasievo vers les individus de la culture de Okunevo, cohérent avec les preuves archéologiques. Ce signal ne se voit pas sur les chromosomes X indiquant ainsi un flux de gènes essentiellement masculin. Ce dernier résultat est à rapprocher avec les haplogroupes du chromosome Y qui montrent qu'un homme sur dix de la culture d'Okunevo, est de l'haplogroupe R1b-Z2103. Ce flux de gènes Yamnaya ou Afanasievo n'est pas observé dans les populations du lac Baïkal.

La présence d'ascendance Ouest Eurasienne chez les populations d'Asie du Sud suggère une migration issue des steppes dans la région. Cependant l'archéologie ne permet pas de montrer une influence issue de la culture Yamnaya en Asie du Sud. De plus les reconstructions linguistiques indiquent plutôt une influence issue de la fin de l'Âge du Bronze entre 2300 et 1200 av. JC. Les individus des cultures Yamnaya et Afanasievo du début de l'Âge du Bronze et ceux des cultures Shintashta et Andronovo de la fin de l'Âge du Bronze possèdent de l'ascendance des chasseurs-cueilleurs de l'Est (EHG) et du Caucase (CHG). Cependant, seuls ces derniers individus possèdent de l'ascendance issue des fermiers Néolithiques d'Europe, acquise à la formation de la culture Cordée. Le génome de quatre individus de la culture de Namazga au sud du Turkménistan datés autour de 3300 av. JC, se situe dans la PCA dans une position intermédiaire entre les fermiers du Néolithique d'Iran et les groupes des steppes de l'Ouest (voir la figure B de la PCA au-dessus). Ces individus possèdent donc plus d'ascendance EHG (21%) que les fermiers Iraniens, mais pas plus d'ascendance CHG. Ainsi l'ascendance EHG chez ces quatre individus de la culture de Namazga est arrivée probablement avant la formation de la culture de Yamanaya. A l'inverse l'individu du Turkménistan daté de l'Âge du Fer possède plus d'ascendance EHG et CHG que les fermiers Iraniens indiquant que le flux de gènes vient probablement des individus de l'Âge du Bronze des steppes. Comme de plus il possède de l'ascendance issue des fermiers Néolithiques d'Europe, ce flux de gènes vient probablement des cultures de la fin de l'Âge du Bronze (Sintashta et Andronovo).

Dans la figure B de la PCA ci-dessus, la première composante correspond à un gradient Ouest-Est alors que la seconde composante correspond à un gradient Nord-Sud. En bas à droite se situent les individus des îles Andaman proche des chasseurs-cueilleurs Sud Asiatiques (ASA). Les individus actuels d'Asie du Sud se situent entre les Onges en bas à droite et les individus de la culture de Namazga. Ainsi 9 populations Dravidiennes d'Asie du Sud sont issues d'un mélange génétique entre une population proche des Onges et une population proche des individus de Namazga. De plus 7 populations Indo-européennes du Nord de l'Inde sont issues d'un mélange génétique entre une population proche des Onges, une population proche des individus de Namazga et une population issue des steppes de la fin de l'Âge du Bronze. Enfin 7 populations Austro-asiatiques ou Tibéto-birmanes sont issues d'un mélange génétique entre une population proche des Onges, une population proche des individus de Namazga et une population Est Asiatique.

La langue Indo-européenne Anatolienne est celle qui a divergé la première du noyau Proto-indo-européen. Une question importante est de savoir si cette langue est issue d'une migration en provenance de la culture Yamnaya, ou si elle est, comme la culture Yamnaya, une branche issue d'une plus ancienne culture. La figure B de la PCA ci-dessus indique que les génomes de tous les anciens individus d'Anatolie entre 2200 et 1600 av. JC. se regroupent avec une plus ancienne séquence datée de 3800 av. JC. du Nord-Ouest de l'Anatolie et se situent entre les anciens fermiers du Néolithique d'Anatolie (60%) et les chasseurs-cueilleurs du Caucase (40%). Ainsi les individus de la culture Hittite ne possèdent pas d'ascendance issue des steppes, car ils n'ont pas d'ascendance EHG. Ces résultats suggèrent que les premiers locuteurs de la langue Indo-européenne Anatolienne sont arrivés dans la région suite à des contacts commerciaux et des mouvements de peu d'individus durant l'Âge du Bronze.