Le Moyen-Âge ancien du nord de l'Europe a vu la formation du monde Viking, l'augmentation et l'urbanisation de cette population en Scandinavie et sa diffusion avec les conquêtes et colonisations Vikings. L'urbanisation de la Scandinavie commence avec la formation d'abord de la ville de Birka en Suède, puis de Ribe, Hedeby et Kaupang au Danemark et en Norvège, toutes axées sur le commerce et l'artisanat. Petit à petit la chrétienté s'est propagée vers le nord repoussant le paganisme. Cette période était accompagnée d'une forte mobilité des populations à travers un réseau important de centres urbains. Les premières analyses isotopiques sur des squelettes de Birka ont montré que certains individus n'avaient pas grandi sur place.

La ville de Sigtuna à l'est de la Suède était un des premiers centres urbains Viking. La ville a été fondée par un roi et a été organisée comme un centre administratif. Elle a été un foyer important pour la diffusion de la chrétienté. Le mobilier archéologique montre que la ville avait d'intenses contacts internationaux. Elle abrite plusieurs cimetières chrétiens. Dans la figure ci-dessous, les chiffres 1,2, 3 et 6 représentent quatre cimetières, 4 une église entourée d'un autre cimetière et 5 une tombe collective (St Lars):
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Maja Krzewinska et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Genomic and Strontium Isotope Variation Reveal Immigration Patterns in a Viking Age Town. Ils ont séquencé le génome de 23 individus et analysé les isotopes du Strontium de 31 individus issus des différents cimetières de la ville de Sigtuna. Quatorze des squelettes dont l'ADN a été analysé sont des hommes et neuf sont des femmes.

Les haplogroupes mitochondriaux des différents individus sont principalement H, J, T et U. Les différents haplotypes anciens sont également présents en Scandinavie aujourd'hui. Les hapologroupes du chromosome Y sont I1a, I2a, N1a, G2a et R1b. Deux d'entre eux: I2a et N1a n'ont pas été trouvés dans la population actuelle de Scandinavie. Cependant l'haplogroupe I2a a été identifié chez un chasseur-cueilleur de Suède vieux de 5000 ans:
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Pour comparer ces anciens génomes avec ceux d'autres anciens individus et de populations actuelles d'Europe, les auteurs ont réalisé une Analyse en Composantes Principales:
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La plupart des anciens individus de Sigtuna se superposent avec les populations du Nord de l'Europe: Norvège, Islande, Orcades et Angleterre. Cependant certains individus se regroupent avec des populations différentes d'Europe de l'Est, de l'Ouest ou du Centre. Cette large distribution recouvre notamment les anciens individus de l'Âge du Fer d'Angleterre et l'unique ancien individu de l'Âge du Fer de Suède. Ainsi cette analyse suggère une forte hétérogénéité des individus de Sigtuna et même à l'intérieur de chacun des six sites de la ville.

Les auteurs ont ensuite corrélé les informations génétiques et isotopiques pour les 16 anciens individus dont les deux études ont été réalisées. Ainsi 8 de ces 16 individus sont considérés comme non locaux par l'analyse isotopiques car ils ont grandi dans une région dont les valeurs sont en dehors des variations de la ville de Sigtuna, mais également de la région du lac Mälaren. La figure ci-dessous représente en abscisse les données isotopiques et en ordonnée les résultats de la statistique f3(YRI,X,Norvégien) où YRI est un Africain Yoruba utilisé comme hors groupe et X est un individu étudié: ancien Scandinave de Sigtuna ou population Européenne actuelle. Dans ce cas, la statistique f3 mesure la quantité de dérive génétique partagée entre la population ou l'individu étudié avec les Norvégiens, c'est à dire grosso modo la distance génétique avec les Norvégiens actuels:
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Dans la figure ci-dessus, les deux lignes grises verticales donnent les frontières des valeurs locales du Strontium, indiquant les individus locaux entre ces deux lignes et les autres à l'extérieur. La ligne pointillée rouge horizontale donne la valeur de la statistique f3 pour les Norvégiens et représente la frontière génétique: Scandinave au-dessus et non Scandinave en-dessous, et les croix rouges représentent la valeur de la statistique f3 pour différentes populations actuelles Européennes. Ces valeurs permettent d'estimer avec quelle population, les anciens individus se rapprochent génétiquement. Ainsi parmi les huit anciens individus non locaux d'après les analyses du Strontium, quatre sont également non locaux au sens génétique: kls001, kal006, kal009 et stg020, suggérant ainsi une migration plus lointaine. Les quatre derniers sont proches génétiquement des Scandinaves et représentent probablement des migrants régionaux. Parmi les huit individus locaux selon le Strontium, six sont également locaux au sens génétique. Cependant deux d'entre eux sont non locaux au sens génétique. Ce sont probablement des migrants de seconde génération.

Les auteurs ont ensuite estimé la diversité génétique de la population de Sigtuna et l'ont comparée à d'autres populations. Ainsi la diversité de la population de Sigtuna est supérieure à la diversité des populations de la fin du Néolithique et de l'Âge du Bronze (par exemple Yamnaya et Unetice) ou de la population actuelle Est Asiatique. Elle est équivalente à la diversité des soldats Romains de Grande-Bretagne, mais inférieure à la diversité des populations actuelles Européennes. A l'intérieur de Sigtuna, le cimetière de l'église a plus de diversité génétique que le cimetière 1:
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Les données archéologiques ont montré que certains mobiliers de tombes féminines sont originaires de Novgorod en Russie. De plus les textes historiques mentionnent la mobilité des femmes en vue de leur mariage, notamment parmi l'élite de Russie ou de Slavonie en Croatie. La mobilité masculine est aussi connue notamment dans le clergé. De manière intéressante cette étude indique que certains individus de Sigtuna sont similaires génétiquement aux Européens de l'Est, notamment aux Lituaniens. La population de Sigtuna était hétérogène dès ses premiers siècles d'existence et devait former un groupe cosmopolite.