La Cujavie située au centre de la Pologne, a vu l'introduction du Néolithique avec l'arrivée de la culture LBK vers 5400 av. JC. Ensuite, durant le 5ème millénaire av. JC, suite à la dissolution de la culture rubanée, la région continue à être habitée par une population post-Linéaire comme le groupe Brześć Kujawski de la culture de Lengyel. Cette tradition est reliée aux cultures Néolithiques du Danube et des Carpates. Autour de 4000 av. JC, la culture des vases à entonnoir apparait en Cujavie. Elle est associée à la diffusion du Néolithique en Scandinavie, mais est également responsable de la finalisation de la Néolithisation de la Pologne. Il a été suggéré que les populations des vases à entonnoir, étaient des indigènes chasseurs-cueilleurs du Mésolithique local qui se sont acculturés à l'économie de production agricole et à l'élevage. Cependant les analyses génomiques précédentes ont montré que les individus de cette culture étaient similaires génétiquement aux fermiers Néolithiques du centre de l'Europe, bien qu'avec plus de lignages maternels issus des populations Mésolithiques (haplogroupe U). Autour de 3100 av. JC, la culture des vases à entonnoir est remplacée par celle des amphores globulaires, suivie de près au début du troisième millénaire av. JC, par l'apparition de la culture Cordée. L'origine de la culture des amphores globulaires a longtemps été disputée, mais les études génétiques ont montré que cette population n'avait pas d'ascendance issue des steppes. A l'inverse, les populations de la culture Cordée ont une proportion importante d'ascendance issue des steppes.
Daniel Fernandes et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: A genomic Neolithic time transect of hunter-farmer admixture in central Poland. Ils ont séquencé le génome de 17 individus de Cujavie s'étalant dans le temps entre le Néolithique Moyen (4300 av. JC.) et l'Âge du Bronze Ancien (1900 av. JC.). Il y a huit individus du groupe Brześć Kujawski, trois individus de la culture des vases à entonnoir, un individu de la culture des amphores globulaires, quatre individus de la culture Cordée et un individu de l'Âge du Bronze Ancien:
Les auteurs ont réalisé une Analyse en Composantes Principales afin de comparer les génomes obtenus avec ceux d'autres anciennes populations ou des populations contemporaines:
A l'exclusion de deux individus (N22 et N42), les squelettes du groupe Brześć Kujawski (disques verts) se regroupent avec les fermiers Néolithiques Européens. L'individu N22 se regroupe avec les chasseurs-cueilleurs de l'ouest, alors que N42 se trouve dans une position intermédiaire entre les chasseurs-cueilleurs de l'ouest et les fermiers Néolithiques d'Europe. Ainsi N22 est un chasseur-cueilleur intégré dans la société Néolithique, alors que N42 est le résultat d'un mélange génétique entre fermiers et chasseurs-cueilleurs. Les trois individus de la culture des vases à entonnoirs (disques marrons) se regroupent également avec les fermiers du Néolithique. L'unique individu de la culture des amphores globulaires (disque bleu) est également situé proche des fermiers du Néolithique Moyen, alors que les quatre individus de la culture Cordée (disques violets) et l'unique individu de l'Âge du Bronze (disque orange) se situent plus en haut de la figure à proximité des individus de l'Âge du Cuivre et de l'Âge du Bronze d'Europe de l'est, du centre et du nord.
Les auteurs ont ensuite réalisé une analyse avec le logiciel ADMIXTURE. Dans la figure ci-dessous les échantillons de cette étude sont suivis par un astérisque:
A l'exclusion des deux individus atypiques, les squelettes du groupe Brześć Kujawski (Poland_BKG) sont similaires génétiquement aux fermiers d'Anatolie (Anatolia_Neolithic) et à ceux de la culture rubanée (LBK_EN), avec une faible proportion d'ascendance chasseur-cueilleur (en jaune). Ces résultats sont confirmés par la statistique f3. Les deux individus atypiques de ce groupe sont des femmes (N22 et N42) avec un haplogroupe mitochondrial U5a et U5b respectivement, typique des chasseurs-cueilleurs Européens. N22 est composé à 100% de la composante jaune des chasseurs-cueilleurs de l'ouest, ce qui fait de lui l'échantillon le plus récent (4300 av. JC.) avec 100% de WHG. N42 est caractérisé par deux tiers de WHG et un tiers de composante bleue des fermiers d'Anatolie.
Les squelettes de la culture des vases à entonnoir (Poland_TRB) sont similaires génétiquement aux individus du groupe Brześć Kujawski, avec cependant un peu plus de composante chasseur-cueilleur jaune. Ces résultats suggèrent un accroissement de l'ascendance chasseur-cueilleur au cours du temps durant le Néolithique de Cujavie. Ceci est confirmé par l'individu de la culture des amphores globulaires qui comprend encore plus d'ascendance chasseur-cueilleur.
Les quatre individus de la culture Cordée de cette étude sont issus d'une même tombe collective qui comprenait 14 squelettes. Le contexte archéologique suggère que ces 14 individus étaient tous contemporains et peut-être de la même famille. L'étude génétique montre que le degré de parenté des quatre individus testés ici varient fortement. Deux paires d'individus sont identifiées: (N44,N45) et (N47,N49) qui corrobore la position des différents corps dans la tombe collective. La paire (N47,N49) possède plus d'ascendance chasseur-cueilleur que l'autre paire. De façon intéressante ces deux individus (N47,N49) sont des hommes dont l'haplogroupe du chromosome Y est I2a typique des chasseurs-cueilleurs Européens. De manière générale, ces quatre individus de la culture Cordée de Cujavie, possèdent plus d'ascendance chasseur-cueilleur WHG que les individus de la culture Cordée préalablement publiés en Europe Centrale. Seul l'individu de l'Âge du Bronze Ancien est de l'haplogroupe du chromosome Y: R1a.
En conclusion cette étude confirme la résurgence d'ascendance chasseur-cueilleur à la fin du Néolithique Moyen en Europe. La mise en évidence de deux individus avec une forte proportion d'ascendance chasseur-cueilleur dans le groupe Brześć Kujawski, associés à une sépulture typiquement Néolithique prouve le contact et l'intégration de chasseurs-cueilleurs dans cette société agricole. Ce contact a donc existé et perduré sur une longue période jusqu'à la fin du Néolithique et l'arrivée des populations issues des steppes qui se sont mélangées génétiquement avec les populations locales.
Génomes de squelettes de Pologne Centrale entre le Néolithique et l'Âge du Bronze Ancien
lundi 8 octobre 2018. Lien permanent ADN ancien