En 2011, des fouilles archéologiques près du village de Koszyce dans le sud de la Pologne ont mis au jour une tombe collective associée à la culture des Amphores Globulaires. Celle-ci contenait les restes de 15 individus: hommes, femmes et enfants associés à un riche mobilier archéologique. L'analyse anthropologique des squelettes a ensuite montré que tous ces individus ont été exécutés par de violents coups portés à la tête:
Hannes Schroeder et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Unraveling ancestry, kinship, and violence in a Late Neolithic mass grave. Ils ont d'abord obtenu des dates radiocarbones toutes comprises entre 2800 et 2776 av. JC. Ils ont ensuite séquencé le génome de ces 15 individus. Il y a ainsi 8 individus de sexe masculin et 7 de sexe féminin. Il y a trois jeunes enfants et trois adolescents:
L'étude des traits phénotypiques montre que ces individus avaient principalement les yeux marrons, les cheveux sombres ou châtains et une peau de couleur intermédiaire à sombre.
Ces génomes ont été ensuite comparés avec ceux d'anciens génomes préalablement publiés dont quelques individus de la culture des Amphores Globulaires, et ceux de populations contemporaines. Les auteurs ont réalisé une Analyse en Composantes Principales. Les individus de Koszyce (points rouges) se regroupent avec les autres individus du Néolithique Moyen ou Final dont tous ceux de la culture des Amphores Globulaires:
Les auteurs ont réalisé une analyse avec le logiciel ADMIXTURE. La figure ci-dessous montre le résultat pour K=3 correspondant aux trois ascendances principales: chasseur-cueilleur de l'ouest, fermier néolithique d'Anatolie et pasteur des steppes:
Les résultats montrent que les individus de Koszyce possèdent environ 30% d'ascendance chasseur-cueilleur et 70% d'ascendance fermier. Ils n'ont pas d'ascendance des steppes. Afin de préciser les modèles de mélange génétique, les auteurs ont ensuite utilisé le logiciel qpAdm qui montre que les individus de la culture des Amphores Globulaires peuvent être modélisés comme issus d'un mélange génétique composé de 17% de chasseur-cueilleur de l'ouest et 83% de fermiers d'Anatolie.
Les auteurs ont analysé les relations familiales entre les individus de Koszyce. Il y a six lignages maternels (T2b, H27, K1a1, HV0a, HV16 et J1c3f), mais un seul lignage paternel: I2a-L801 indiquant une probable structure sociale patrilinéaire. L'analyse des segments d'homozygotie montre qu'il n'y a pas de consanguinité notable dans la communauté de Koszyce. Cette dernière représente une famille étendue connectée par plusieurs relations au premier et au second degré:
Ainsi quatre familles nucléaires ont été identifiées représentées par la mère et ses enfants. Les individus de la même famille sont enterrés l'un à côté de l'autre. De manière évidente, ces individus ont été enterrés par des personnes qui les connaissaient bien. Des relations plus complexes ont été identifiées. Ainsi les quatre garçons 5, 10, 11 et 15 sont des frères mais de mère différente: ce sont des demi-frères. Ils ont cependant tous le même haplotype mitochondrial ce qui suppose que l'individu 14 et la mère des individus 10 et 11 devaient être proche maternellement. Le seul père présent dans la tombe est l'individu 10, ce qui suggère que la plupart des hommes de la communauté étaient absents au moment du massacre. C'est peut-être eux qui ont enterré les individus par la suite. Il y a également un jeune enfant (individu 7) dont les parents ne sont pas dans la tombe. Il est situé proche des individus reliés avec lui au second degré. Il y a enfin l'individu 3 qui est une femme qui n'est reliée génétiquement à aucun autre individu. Dans la tombe elle est située tout proche de l'individu 4 qui est un jeune homme. Ces informations indiquent que les familles nucléaires de la communauté de Koszyce étaient insérées dans des groupes de familles plus étendues.
Ces résultats suggèrent une organisation sociale basée sur la patrilinéarité. Cette forme sociale semble être dominante en Europe à la fin du Néolithique. Elle est en général associée à une exogamie féminine. Cependant les résultats d'analyse isotopique du strontium des individus de Koszyce ne confirment pas ce point. Ce résultat est cependant suggéré par la plus grande diversité mitochondriale par rapport à celle de l'ADN du chromosome Y.
Alors qu'il est impossible d'identifier les coupables de ce massacre, il est intéressant de noter qu'il intervient au moment de la diffusion de la culture Cordée dans la région. Il est donc possible que la communauté de Koszyce a été victime d'un conflit relié à la compétition qui a suivi l'expansion territoriale de la culture Cordée. Ce type de massacre devait probablement être assez courant durant le troisième millénaire av. JC. en Europe au moment où les groupes des steppes se sont diffusés.
Massacre dans une communauté de la culture des Amphores Globulaires
mardi 7 mai 2019. Lien permanent ADN ancien
7 réactions
1 De liganol - 08/05/2019, 03:15
Article très intéressant. Bonjour Bernard, savez-vous si des tests génétiques ont été faites sur les victimes d'autres charniers du néolithique comme celui de Talheim, d'Herxheim (dans ce cas avec aussi des actes de cannibalisme) et celui d'Asparn-Schletz pour ne prendre que eux concernant l'Europe, ainsi que sur les victimes des charniers de Djebel-Sahaba en Afrique à la fin du Paléolithique et celui de Nataruk au Kenya il y a 12000 ans ?
2 De Bernard - 08/05/2019, 09:00
Bonjour liganol,
A ma connaissance, si ces sites ont l'objet de tests génétiques, ils n'ont pas encore été publiés. Le seul résultat qui se rapproche de ce que vous évoquez est celui sur le site de Gougenheim en Alsace. Voir http://secher.bernard.free.fr/blog/...
3 De liganol - 09/05/2019, 03:27
Ok, merci pour le renseignement Bernard.
4 De doe - 16/07/2019, 19:49
Bonjour y a t-il un rapport avec les grandes invasions indo-européennes?
5 De Bernard - 16/07/2019, 21:33
Bonjour doe,
Oui si les responsables de ce massacre sont des individus de la culture cordée, il y a bien un rapport avec la diffusion des langues Indo-Européennes.
6 De doe - 17/07/2019, 04:53
Merçi pour votre réponse Bernard, les populations qui étaient là avant ,parlaient donc des langues sémito-hamite ?car Je vois qu'il y a le marqueur J1 parmis les victimes
Mais alors d'ou viennent les authentiques indo-aryens , Du nord de l'afghanistan , OU plutot des steppes eurasiennes ?De russie peut etre ? ,,
7 De Bernard - 17/07/2019, 08:04
Personne ne connais les langues parlées par les fermiers du Néolithique. Quant aux Indo-aryens ils venaient des steppes Eurasiennes probablement de la culture Andronovo.