Le brai ou goudron de bouleau est une substance noire ou marron obtenue en chauffant l'écorce de bouleau. Il était largement utilisé comme adhésif dès le Paléolithique moyen. Des petits morceaux de ce matériau sont souvent trouvés sur des sites archéologiques. Quoique leur utilisation est toujours débattue, des traces de dents sont souvent détectées, indiquant que ces objets ont été mâchés. Ils ont pu servir pour coller des outils en pierre sur des manches en bois. Cependant comme la bétuline contenue dans l'écorce de bouleau est un antiseptique, leur utilisation a pu être également médicinale.
Theis Jensen et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: A 5700 year-old human genome and oral microbiome from chewed birch pitch. Ils ont analysé l'ADN contenu dans un chewing-gum de goudron de bouleau trouvé à Syltholm: un site archéologique du sud de l'île de Lolland au Danemark, et daté de la transition entre le Mésolithique et le Néolithique:
La datation radiocarbone a montré que ce chewing-gum est daté entre 3858 et 3661 av. JC., soit au début de la période Néolithique du Danemark. En effet la culture Mésolithique de Ertebølle se termine vers 3900 av. JC. Elle est suivie par la culture Néolithique des vases à entonnoir.
Les auteurs ont pu séquencer un génome humain complet. Il s'agit de celui d'une femme qui avait la peau sombre, les cheveux bruns foncés et les yeux bleus, un phénotype qui était courant dans le Mésolithique Européen. De plus elle était intolérante au lactose. Son haplogroupe mitochondrial est K1e.
Les auteurs ont réalisé une Analyse en Composantes Principales pour comparer ce génome à d'autres anciens génomes Européens, ainsi qu'à des populations contemporaines. La femme de Syltholm (losange rouge ci-dessous) se regroupe avec les anciens chasseurs-cueilleurs de l'ouest (WHG):
De plus les statistiques f4 et D, ainsi que l'analyse ancestrale avec le logiciel qpAdm montrent que cet individu possède 100% d'ascendance WHG:
Ces résultats sont cohérents avec ce que l'on sait de la préhistoire de Scandinavie. En effet il y a eu deux migrations importantes au Mésolithique. La première est venue du sud à travers le Danemark et a amené une ascendance des chasseurs -cueilleurs de l'ouest. La seconde, par le nord-est, a apporté une ascendance des chasseurs-cueilleurs de l'est. Le mélange de ces deux migrations a formé les chasseurs-cueilleurs de Scandinavie. Le génome de Syltholm suggère que cette deuxième migration venue du nord-est n'a pas atteint le sud du Danemark.
Les auteurs ont ensuite analysé l'ADN non humain inclut dans ce chewing-gum. Les bactéries détectées montrent que cet échantillon correspond à un microbiome oral et confirment donc que cet objet a bien été mâché. Ils ont ainsi mis en évidence la présence de Neisseria subflava, un diplocoque présent dans les voies respiratoires supérieures de l'homme, Rothia mucilaginosa, un micrococcus présent également dans la bouche, ainsi que plusieurs bactéries comme Porphyromonas gingivalis, Tannerella forsythia et Treponema denticola. Ainsi la majorité des micro-organismes détectés sont non pathogènes et font partie de la flore habituelle contenue dans la bouche et les voies respiratoires supérieures de l'homme. Cependant, les auteurs ont également identifié le virus d'Epstein-Barr, responsable notamment de la mononucléose, ainsi que des streptocoques comme Streptococcus viridans et Streptococcus pneumoniae, ce dernier responsable de la pneumonie, mais aussi d'otite ou de sinusite.
Les auteurs ont également mis en évidence la présence de noisetier et de canard suggérant ainsi un repas pris par cette femme avant de mâcher le chewing-gum.
ADN ancien à partir d'un chewing-gum datant de la transition Mésolithique/Néolithique au Danemark
mercredi 18 décembre 2019. Lien permanent ADN ancien
une réaction
1 De Darsch - 19/12/2019, 19:04
Blog très intéressant ! Merci !