Un grand nombre de puits d'eau en bois ont été retrouvés en Europe Centrale auprès de villages de la culture rubanée. Willy Tegel étudie ici 4 puits en bois faits de poutres en chêne. Son papier intitulé: Early Neolithic Water Wells Reveal the World’s Oldest Wood Architecture nous donne ses résultats.

Après le Dernier Maximum Glaciaire daté de 12.000 ans, le paysage de l'Europe Centrale s'est transformé passant de steppes à d'immenses zones forestières, et le climat est devenu plus chaud et plus humide. Durant le 6ème millénaire av. JC, la sédentarisation est devenu le style de vie principal des populations qui ont commencé à cultiver la terre, élever du bétail, produire de la céramique et exploiter les nombreuses ressources en bois. Cette transformation marque le début du néolithique, et pour la première fois les sociétés humaines ont commencé à transformer leur environnement naturel. Le sédentarisme implique des constructions permanentes pour vivre et stocker. Ainsi des innovations dans les outils et les techniques du travail du bois sont apparus. Les villages de la culture rubanée se sont diffusés rapidement à travers le continent. Un cadre chronologique précis est important pour une meilleure compréhension du processus de néolithisation. La méthode de datation par dendrochronologie dépend essentiellement de la découverte de bois de construction bien préservé à partir d'environnement humide. Alors que les longues maisons rubanées nous sont connus uniquement au travers des traces qu'elles ont laissé dans le sol, les puits d'eau en bois ont survécu pendant des millénaires en dessous du niveau de la nappe phréatique.

Les auteurs présentent ici les mesures de datation dendrochronologique à partir de 151 poutres de chênes issus de quatre puits découverts à Altscherbitz, Brodau et Eythra dans l'est de l'Allemagne.
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Les datations obtenues varient de 5.469 à 5.098 av. JC.

Les premiers fermiers néolithiques ont abattus des arbres dont l'âge va jusqu'à 300 ans et dont le diamètre peut atteindre 1m. Des herminettes polies en pierre emmanchées ont été utilisées et les techniques de bois peuvent être reconstituées à partir d'études ethnologiques. Les billes de bois ont d'abord été coupées en deux avec des coins en bois enfoncées avec des marteaux en bois. Puis elles ont été coupées à la bonne longueur avec des herminettes, et en utilisant des braises:
2012 Tegel Figure 3
Enfin les poutres ont été découpées radialement ou tangentiellement pour obtenir les planches désirées. Après un travail de lissage, les planches étaient prêtes pour la construction.

Deux types de garnitures en bois pour les puits ont été découverts jusqu'à une profondeur de 7 m sous la surface du sol. Le premier type est en forme de coffre fait avec des planches, le second en forme de tube fait avec un tronc creusé. Le puits de Brodau comporte les deux types. La garniture en forme de coffre permet de stabiliser la fosse creusée. Ensuite un tronc creusé est inséré au milieu. Toutes les garnitures en forme de coffre utilisent des planches crantées qui sont verrouillées dans les coins. Des tenons et des mortaises sont également utilisées comme on peut le voir ci-dessous:
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Le puits de Eythra 1 a été découvert proche d'un village rubané d'une centaine de maisons et d'un cimetière qui comprenait deux douzaines de tombes. La dendrochronologie a permit de dater le site à 5.102 av. JC. Cette date est confirmée par la typologie des céramiques retrouvées à l'intérieur du puits. Une poutre de bois trouvée dans la fosse du puits est datée de 100 ans plus ancienne que la garniture du puits ce qui suggère une durée de vie supérieure à 100 ans pour ce village rubané. Des restes botaniques à l'intérieur du puits donnent des indications sur l'environnement des néolithiques, et sur leur nourriture. L'alimentation de base était constituée par deux types de blé: l'engrain et l'amidonnier. On a retrouvé également des pois et des lentilles. L'huile était obtenue avec des graines de lin et de pavot. Des fruits sauvages complétaient le repas: fraises, prunelles, pommes, framboises et noisettes. Ils consommaient également beaucoup de physalis (amour en cage) et la jusquiame noire connue pour ses propriétés médicinales et hallucinogènes. La partie basse du puits contenait plus de 25 céramiques, ainsi que des outils en os, pierre et silex.
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Des céramiques cassées étaient parfois réparées avec du goudron de bouleau.

Cette étude a démontré que les premiers fermiers de la culture rubanée étaient également d'habiles charpentiers. Leur compétence dans le travail du bois suggère que l'architecture de leurs longues maisons de bois était très sophistiquée.