Voici un papier intéressant de Maarten Larmuseau: Low historical rates of cuckoldry in a Western European human population traced by Y-chromosome and genealogical data.

Différentes études ont essayé d'estimer le taux d'événements de non paternité (événements pour lesquels un fils n'est pas le fils biologique de son père: adultère, adoption, ...) chez les êtres humains. Ainsi les études liées aux transplantations de moelle osseuse ont montré que ce taux est de 0,94% en Allemagne, et 0,65% en Suisse. Ces estimations sont des mesures sur la population existante. Il peut être intéressant d'effectuer cette même estimation pour les populations passées, notamment avant l'existence de la contraception. Les auteurs de cette étude ont utilisé des tests ADN du chromosome Y associés à des enregistrement généalogiques pour estimer ce taux dans les populations passées de Belgique.

Des tests ADN du chromosome Y ont été effectués sur des hommes belges dont la généalogie est connue et remonte avant 1800. Des familles de toutes les classes sociales ont contribué à ces échantillons. 38 marqueurs STR et des SNPs ont été testés sur un ensemble d'individus regroupés par couples de la même famille mais éloignés d'au moins 7 générations (ascendantes et descendantes). Par exemple, 2 frères sont éloignés de 2 générations, 2 cousins germains sont éloignés de 4 générations. Connaissant le taux de mutation de ces marqueurs STR, il est très peu probable que 2 individus reliés généalogiquement aient plus de 7 mutations d'écart sur ces 38 marqueurs STR.

Sur un total de 1071 individus, 60 couples reliés généalogiquement ont été identifiés, séparés d'au moins 7 générations. La plus grande distance parmi ces couples est de 31 générations. La distance moyenne est de 16 générations. Parmi ces 60 couples, 8 couples généalogiquement reliés ne sont pas reliés biologiquement d'après le chromosome Y et montrent donc l'existence d'au moins un événement de non paternité. Sur ces 8 couples, 7 couples ont des individus d'haplogroupes différents. Pour le huitième couple, les deux individus ont le même haplogroupe: I1*, mais sont séparés par les marqueurs STR de 23 mutations d'écart. A partir de cette valeur, les auteurs ont estimé le taux d'événements de non paternité par génération à 0,91%.

Une seconde méthode a été utilisée pour estimer ce taux d'événements de non paternité. Elle est basée sur la comparaison de fréquences d'haplotypes entre 2 populations: la première est une population de Flandres authentique (cAFS) et la seconde est une population d'émigrés français en Flandres (cFRS), survenue au 16ème siècle. Cette distinction est basée sur l'étude du patronyme de chaque individu. Ensuite chacune de ces 2 populations a été divisée en deux. Ainsi à partir de la population authentique de Flandres, les auteurs ont conservés uniquement les individus dont l'ancêtre paternel le plus ancien connu est né en Flandres avant 1750, et dont le patronyme est présent en Flandres avant 1600. Cela a donné le groupe nommé rpAFS. Les fréquences d'haplotypes pour la population rpFRS a été déterminé à partir des données de l'étude de Ramos-Luis pour les régions Île de France et Nord Pas de Calais. Ensuite la distance génétique Fst entre ces 4 groupes a été calculée. Puis un modèle de simulation a été construit pour simuler l'arrivée d'une population française en Flandres, il y a 16 générations. La taille de la population AFS est supposée égale à 10 fois la taille de la population FRS à la fois en 1600 et en 2010. Ensuite en supposant un taux d'événements de non paternité constant sur le temps Pnp , les fréquences d'haplotypes pour les populations cAFS et cFRS ont été estimées. En effet les événements de non paternité vont se traduire par l'introduction d'haplotypes spécifiques d'une population dans la seconde et vice-versa. Ainsi la population AFS est caractérisée par une plus haute fréquence de l'haplogroupe R1b-U106 et une plus faible fréquence des haplogroupes R1b-M529 et R1b-U152 par rapport à la population FRS:
2014 Larmuseau2 Figure 1

La valeur de Fst entre les populations rpAFS et rpFRS est de 0,03072, et entre les populations cAFS et cFRS de 0,02110. Cette diminution de la distance génétique entre les 2 populations est due au taux d'événements de non paternité. Ces valeurs conduisent à une estimation du taux d'événements de non paternité d'environ 2%.

Discussion

Les deux méthodes utilisées pour estimer le taux d'événements de non paternité ont abouti à des valeurs comparables comprises entre 1 et 2%. Ces valeurs sont faibles et comparables à celles obtenues à partir d'une population contemporaine liée à la transplantation de moelle osseuse. Cela suggère que ce taux n'a pas évolué au cours des derniers siècles, et donc n'a pas diminué avec l'arrivée des méthodes contraceptives dans les années 1960s.