Malgré un taux de mutation plus élevé dans l'ADN mitochondrial, la plus grande longueur du chromosome Y offre une meilleure résolution généalogique. Alors que le rapport des tailles effectives des populations mâle/femelle a été estimé à une valeur inférieure à 1, les facteurs responsables de sa dynamique restent mal compris.

Monika Karmin vient de publier un papier intitulé: A recent bottleneck of Y chromosome diversity coincides with a global change in culture. Elle a utilisé 456 séquences du chromosome Y dont 299 nouvelles pour estimer les temps de coalescence et l'ordre de séparation des différents haplogroupes:
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Une séquence de 8,8 Mb par échantillon a été conservé pour l'analyse du chromosome Y. Un total de 35.700 SNP a été utilisé pour l'analyse phylogénétique et pour les estimations de temps de coalescence. Le taux de mutation dans la région utilisée a été estimé à 0,74 10-9 par paire de bases et par an à partir de 2 sequences amérindiennes d'ADN ancien (Anzick et Saqqaq). Cette valeur est proche de celle déterminée par Fu en 2014 (0,76 10-9) à partir d'autres séquences d'ADN ancien.

La racine de l'arbre a été déterminée à partir de 2 séquences de l'haplogroupe A00. L'âge de la séparation entre l'haplogroupe A00 et le reste de l'arbre a été estimé à 254.000 ans. Les auteurs ont trouvé 236 SNPs qui séparent les branches Africaines des branches non Africaines, correspondant ainsi à une durée supérieure à 15.000 ans. Cette séparation intervient vers 70.000 ans, alors que la dispersion des branches non Africaines intervient seulement vers 50.000 ans. Cet écart est même supérieur si les distributions des haplogroupes D (en Asie) et E (en Afrique) peuvent être expliqués par une migration retour vers l'Afrique des lignages DE:
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Les auteurs ont mis en évidence de nouvelles caractéristiques pour les haplogroupes non Africains C et F. Il y a maintenant une séparation entre C3 et tous les autres sous-clades de l'haplgoroupe C. La séparation entre les haplogroupes F et GT est faite par un unique SNP: F1329. Ensuite l'haplogroupe G se sépare de HT par un unique SNP: M578. De la même façon les autres haplogroupes non Africains se sépare de l'arbre principal par des branches courtes indiquant une rapide dispersion des lignages Eurasiens et Océaniens. En Eurasie, beaucoup de branches se dispersent durant les 15.000 dernières années signalant ainsi un réchauffement climatique propice à la prospérité de l'espèce humaine.

Les auteurs ont utilisé des Bayesian Skyline Plots pour estimer l'évolution des tailles effectives des populations mâle et femelle à partir de 320 échantillons mâles et de leur ADN mitochondrial et du chromosome Y:
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On voit ainsi une nette augmentation des tailles effectives des populations mâle et femelle entre 60.000 et 40.000 ans. Cependant les 2 courbes diffèrent en plusieurs points. Notamment la taille effective de la population femelle est environ le double de la taille effective de la population mâle. Si les deux courbes montrent un fort accroissement durant l'holocène, la population mâle montre une réduction entre 8000 et 4000 ans, à un moment où la population femelle est environ 17 fois plus importante.

Les dates estimées dans l'arbre Y pour les populations non Africaines correspondent bien avec les preuves archéologiques et les dates de colonisation de l'Eurasie et de l'Australie par l'homme moderne. Cependant le très faible niveau de la taille effective de la population mâle (<100) au moment de la sortie de l'Afrique indique qu'on ne peut pas réfuter complètement le modèle alternatif de sortie de l'Afrique plus tôt (vers 100 à 130.000 ans). Une discrimination entre les deux modèles pourrait se faire cependant à partir de l'ADN autosomal.

La chute de la taille effective de la population mâle durant l'holocène correspond à un changement dans les données archéologiques caractérisé par la diffusion du Néolithique. Ceci se traduit par des changements démographiques ou des changements de comportements sociaux. Cette correspondance avec le Néolithique est plus réelle au Proche-Orient, en Asie de l'Est et en Asie du Sud qu'en Europe. Un changement des structures sociales qui augmente la variance du nombre d'enfants par individu mâle peut expliquer ce résultat, notamment si le succès de reproduction masculine est partiellement hérité culturellement. De même une augmentation de la migration masculine peut contribuer à diminuer la taille effective de la population mâle. Une innovation dans les technologies du transport comme l'invention de la roue, la domestication du cheval ou du chameau, la navigation en pleine mer, peu avoir également contribuer à cet effet.