Stephen Leslie vient de publier un papier intitulé: The fine-scale genetic structure of the British population. Les auteurs ont testé 2039 individus de Grande-Bretagne issus des zones rurales dont les quatre grands-parents étaient tous nés dans la même région de façon à s'affranchir des migrations du 20ème siècle. Ces données ont été comparées à 6209 échantillons issus de 10 pays européens continentaux autour de la Grande-Bretagne. Environ 500.000 SNPs autosomaux ont été testés pour chaque individu de cette étude.

La structure génétique dans les échantillons Britanniques est très limitée. Cependant les auteurs ont pu mettre en évidence une structure à petite échelle à l'aide d'une nouvelle méthode appelée fineSTRUCTURE. Le résultat montre un ensemble de 17 groupes identifiés:
2015_Leslie_Figure1.jpeg

La correspondance entre les groupes génétiques et la géographie est frappante. Ainsi la Cornouaille et le Devon dans le sud-ouest de l'Angleterre sont nettement différenciés. De même les îles Orkney se séparent bien du reste du pays, au nord de l'Ecosse. L'arbre dessiné sur la figure ci-dessus permet de mettre en évidence les liens entre les différents groupes. Les îles Orkney se séparent en premier du reste de la population, ensuite vient le Pays de Galles, puis un ensemble composé du Nord de l'Angleterre, de l'Ecosse et du Nord de l'Irlande. Enfin la Cornouaille se sépare du reste de l'Angleterre. Il y a notamment un grand groupe (carrés rouges) qui couvre une bonne partie du Centre et du Sud de l'Angleterre.

La distance génétique entre ces différents groupes reste faible confirmant ainsi que la structure génétique du pays reste subtile.

Les auteurs ont comparé cette méthode avec les méthodes plus classiques comme l'Analyse en Composantes Principales et ADMIXTURE. Ces dernières permettent bien de séparer les îles Orkney et le Pays de Galles, mais elles sont incapable de séparer les autres groupes génétiques mis en évidence par la méthode fineSTRUCTURE.

Les groupes mis en évidence ci-dessus, sont liés à une isolation relative des régions géographiques correspondantes, mais aussi à différentes migrations et mélanges de populations extérieures à la Grande-Bretagne. Pour éclaircir ce dernier aspect, les auteurs ont appliqué la méthode fineSTRUCTURE à un ensemble de 6209 échantilons d'Europe continentale. Ils ont ensuite caractérisé la composition génétique de chacun des groupes Britanniques en fonction d'un mélange des 51 groupes Européens continentaux identifiés. La figure ci-dessous montre la composition génétique des groupes Britanniques en fonction des 14 principaux groupes Européens:
2015_Leslie_Figure2.jpeg

Certains groupes Européens (GER6, BEL11, FRA14, DEN18, SFS31) se retrouvent de manière substantielle dans l'ascendance de tous les groupes Britanniques. D'autres (GER3, FRA12, FRA17)) sont absents de certains groupes Britanniques. Deux groupes Suédois (SWE117 et SWE121) se retrouvent à faible quantité dans tous les groupes Britanniques, alors que les groupes Norvégiens se retrouvent essentiellement dans les groupes des îles Orkney.

La différence entre le groupe des îles Orkney et le reste de la population Britannique est consistant avec le peuplement historique de ces îles. En effet, elles ont longtemps été contrôlées par les Vikings: les îles Orkney faisaient partie de la Norvège entre 875 et 1472. Conformément à ce point, les groupes des îles Orkney ont une part substantielle de leur ascendance issue de groupe Norvégiens.

L'absence de structure dans une bonne part de l'Angleterre du Centre et du Sud-Est est en accord avec l'absence de frontière interne dans ces régions depuis l'Empire Romain et la facilité de mouvement des populations locales depuis cette époque.

Globalement, les groupes génétiques Britanniques se superposent avec les occupations Celtiques et Saxones (voir la figure ci-dessous) et peuvent refléter des restes des différents royaumes après les migrations Saxones, alors que le groupe commun au Nord de l'Irlande et le Sud de l'Ecosse peut refléter l'implantation de l'Ulster par les Ecossais.
2015_Leslie_Figure3c.jpeg

Les groupes Européens qui contribuent à l'ensemble des groupes Britanniques représentent probablement des processus démographiques relativement anciens. A l'inverse les groupes Européens qui contribuent seulement à certains groupes Britanniques représentent des processus démographiques plus récents. Ainsi les migrations les plus anciennes correspondent aux groupes Européens GER6, BEL11 et FRA14, et avec une contribution moindre: SFS31 et DEN18. Une migration plus récente, mais avec une forte contribution, correspond au groupe FRA17. Ce dernier contribue à tous les groupes Britanniques sauf au Pays de Galles. Certains groupes Européens sont liés probablement aux migrations Saxones: GER3 et DEN18 ou aux migrations Vikings: NOR53 et NOR90.

Les auteurs ont ensuite utilisé le logiciel GLOBETROTTER pour éclairer les migrations Saxones et Vikings. Ainsi le plus grand groupe des îles Orkney possède environ 25% d'ADN issu des groupes de Norvège. La migration est estimée avoir eu lieu il y a 29 générations correspondant à l'année 1100 en prenant 28 ans par génération. Pour l'Angleterre du Centre et du Sud, la méthode a mis en évidence une ascendance du groupe GER3 avec une proportion d'environ 35%. La date estimée est de 38 générations qui correspond à l'année 858. Il est probable que ces dates qui correspondent au mélange génétique, sont plus tardives que les dates de migrations. En effet les dates estimées ci-dessus succèdent d'environ 200 ans aux dates connues pour les migrations Saxones et Vikings.

Alors que les données de cette étude mettent en évidence des signaux correspondant à des événements migratoires, il est probable qu'ils ont eu un effet relativement faible sur la composition génétique de la Grande-Bretagne. En particulier, on ne voit de signal de l'occupation Danoise sur une bonne part de l'Angleterre, suggérant un flux génétique limité des Vikings Danois. Seul l'occupation des Vikings Norvégiens est visible dans les îles Orkney.

Enfin, on ne voit pas non plus de population Celtique générale sur l'ensemble de la partie non Saxone de la Grande-Bretagne. A la place, on voit plutôt plusieurs groupes génétiques distincts dans ces régions.