L'introduction du Néolithique en Europe il y a environ 8000 ans a été une transition démographique majeure qui a impliqué un remplacement important des populations de chasseurs-cueilleurs par des migrants venus du Proche-Orient. Initialement ces individus se sont établis dans les Balkans où ils ont développé la culture Starčevo–Kőrös–Criş. Ces fermiers se sont ensuite diffusés en Europe suivant deux routes distinctes. Ils ont d'abord migré vers 5900 av. JC, le long de la côte Méditerranéenne en formant la culture Impressa, puis la culture Cardiale. Ils atteignent la péninsule Ibérique vers 5500 av. JC. En parallèle, une seconde expansion a eu lieu en Europe Centrale le long du Danube pour former la culture rubanée ou LBK.
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Iñigo Olalde vient de publier un papier intitulé: A common genetic origin for early farmers from Mediterranean Cardial and Central European LBK cultures. Il a analysé le génome de six individus issus des plus anciens sites de la culture Cardiale de la pénisnule Ibérique: la grotte Bonica près de Barcelone, la grotte de l'Or près d'Alicante, la grotte de la Sarsa près de Valence et la grotte Almonda au Portugal.
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Les dates des échantillons s'échelonnent entre 5470 et 5220 av. JC. Un seul individu a été séquencé complètement: CB13 de la grotte Bonica. Il s'agit d'une femme. Les autres échantillons ont été seulement séquencés partiellement. Parmi ces derniers il y a 3 hommes et 2 femmes. L'ADN mitochondrial a pu être déterminé pour ces 6 individus. Les haplogroupes obtenus sont K1a, H3, H4 et X2c. Ces résultats sont compatibles avec ceux obtenus précédemment sur des Néolithiques de la péninsule Ibérique. Malheureusement les haplogroupes du chromosome Y n'ont pas pu être déterminés sur les 3 échantillons mâle de cette étude.

Au niveau des traits physiques, l'échantillon de la grotte Bonica séquencé complètement possède les allèles dérivés pour le marqueur SLC24A5 et est hétérozygote pour le marqueur SLC45A2. Ces résultats lui confèrent une peau claire, en accord avec des résultats précédemment obtenus sur d'autres échantillons Néolithiques Européens. De la même façon cet individu a probablement les cheveux foncés. La couleur des yeux n'a pas pu être déterminée. Enfin cet individu était intolérant au lactose.

Une Analyse en Composantes Principales a été effectuée pour comparer cet individu avec d'autres individus anciens et des populations contemporaines:
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L'individu de la grotte Bonica (étoile rouge CB13 ci-dessus) se regroupe avec les autres échantillons du Néolithique dont ceux de la culture LBK d'Europe Centrale ou de la culture Starcevo de Hongrie. Il se regroupe également avec les individus du Néolithique Moyen et de l'Âge du Cuivre. Tous ces premiers fermiers Européens se rapprochent également des populations contemporaines du sud de l'Europe, notamment des Sardes. Leur place sur la figure ci-dessus se trouve entre les populations contemporaines du Proche-Orient et des populations préhistoriques de chasseurs-cueilleurs.

Ces derniers résultats sont consistant avec l'analyse avec le logiciel ADMIXTURE qui assigne à l'individu CB13 de la grotte Bonica une composante issue de la population des chasseurs-cueilleurs:
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Pour déterminer quelle est la population la plus proche de l'individu de la culture Cardiale, les auteurs ont utilisé la statistique f3:
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La figure A ci-dessus montre que les meilleurs scores sont obtenus pour les Sardes et les Basques dans les populations contemporaines. La figure B ci-dessus indique que parmi les individus anciens tous les Néolithiques Européens sont proches de CB13.

Les Basques ont été considérés traditionnellement comme un des plus anciens groupes contemporains. Le fait qu'ils parlent une langue qui est un relicat pré-Indo-Européen en Europe Occidentale peut avoir également contribué à leur isolation. Cette étude suggère que l'isolation géographique des Sardes et des Basques a partiellement préservé leur composante génétique issue des premières populations Néolithiques d'Europe. Sachant que les Basques parlent une langue pré-Indo-Européenne, ceci indique que l'expansion des langues Indo-Européennes n'a probablement pas eu lieu avec les premiers fermiers Néolithiques d'Europe. Ceci est en accord avec une étude précédente (Haak, 2015) qui suggérait un important flux génétique en provenance des Steppes au Chalcolithique, associé à la diffusion des langues Indo-Européennes.

Les auteurs ont ensuite utilisé la statistique D pour déterminer d'où vient la composante chasseur-cueilleur dans les échantillons du début du Néolithique. Pour cela ils ont utilisé les individus de La Braña en Espagne, de Loschbour au Luxembourg, KO1 de Hongrie et de Motala de Suède:
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Les résulats montrent que l'individu CB13 est plus proche de KO1 de Hongrie, alors que l'individu de La Braña est beaucoup plus proche géographiquement. Ceci suggère que l'origine de la composante chasseur-cueilleur dans l'échantillon de la culture Cardiale CB13, ne vient pas de mélange génétique dans la péninsule Ibérique, mais plutôt de mélange génétique entre les chasseurs-cueilleurs de Hongrie et les premiers fermiers de la culture Starcevo avant leur migration le long des côtes Méditerranéennes. Ces résultats sont également confirmés par l'utilisation du logiciel TreeMix qui indique un influx génétique de l'échantillon chasseur-cueilleur Hongrois KO1 vers la base des fermiers Néolithiques Européens:
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Ces résultats indiquent également une structure génétique discernable parmi les populations de chasseurs-cueilleurs d'Europe qui sera intéressant d'étudier dans le futur.