Les Roms constituent une des diasporas humaines les moins biens documentées, bien qu'ils constituent la plus grande minorité ethnique d'Europe. La population est proche de 10 millions d'individus en Europe principalement concentrée dans le Centre et le Sud-Est.

Basé sur des considérations linguistiques, culturelles, anthropologiques et génétiques, la population Rom est supposée originaire de l'Inde. Leurs routes de migration sont passées par la Perse, l'Arménie et les Balkans et leur arrivée en Europe est estimée il y a environ 1000 ans. En moins de 2 siècles, la plupart des Roms sont devenus sédentaires dans les Balkans, mais quelques groupes se sont ensuite répandus rapidement sur toute l'Europe à la fin du 15ème siècle. Les Roms Vlax ont émigré le long du Danube (Roumanie, Moldavie et Hongrie) où ils ont été considérés comme des esclaves, les Romungro se sont diffusés dans l'Empire Austro-Hongrois. D'autres ont émigré en Europe Centrale et Occidentale sous forme de petits groupes où ils ont été persécutés au Moyen-Âge. L'abolition de l'esclavage des Roms au 19ème siècle en Walachie et Moldovie a été suivie par une migration massive des Roms Vlax dans les pays voisins. Ils ont alors gardé leur lois endogames et leur mode de vie nomade. Les récents mouvements de Roms au 20ème siècle ont été déclenché par les transformations économiques et politiques de l'Europe de l'Est.

D'un point de vue médical, la dérive génétique causée par de nombreux événements fondateurs et par l'endogamie a augmenté les maladies génétiques dues à des variants qui restent rares dans les autres populations.

Le gradient génétique est/ouest observé chez les Roms est compatible avec les différentes vagues de migration en Europe. Tous les Roms Européens sont les descendants d'un petit nombre de fondateurs. Leur ascendance Indienne est supportée par des maladies génétiques que l'on retrouve également en Inde et au Pakistan. De plus la population Rom montre de hautes fréquences pour l'haplogroupe du chromsome Y: H1-M69 et les haplogroupes mitochondriaux M5, M18, M25 et M35 d'origine Indienne.

Begoña Martínez-Cruz vient de publier un papier intitulé: Origins, admixture and founder lineages in European Roma. Les auteurs ont analysé les marqueurs uni-parentaux de 753 Roms et 984 non Roms de Grèce, Bulgarie, Roumanie, Hongrie, Slovaquie, Ukraine et Espagne:
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Les échantillons ont été testés sur 131 SNPs du chromosome Y et 19 marqueurs STR. Ils ont été également séquencés sur les régions de contrôle HV1 et HV2 de l'ADN mitochondrial, ainsi que sur 22 SNPs de la région codante.

La diversité des haplotypes du chromosome Y est plus faible chez les Roms que chez les populations non Rom. La figure ci-dessous donne la composition des haplogroupes pour les différentes populations Rom:
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Les auteurs ont identifié 5 lignages fondateur paternels: H1-M52 et sa sous-clade H1-M82, I1-P259 et J2-M67 et sa sous-clade J2-M92. Plus de 44% des Roms appartiennent à l'haplogroupe Indien H1-M52 allant de 64% dans les Balkans à seulement 21% en Espagne. Cet haplogroupe H1-M52 se retrouve seulement à des fréquences extrêmement basses dans les populations non Rom d'Europe (1% en Bulgarie et 0,6% en Slovaquie). L'haplogroupe I1-P259 est présent dans tous les groupes Rom sauf en Espagne, et absent dans toutes les populations non Rom sauf un individu de Hongrie. L'haplogroupe J2-M67 est présent à la fois dans les populations Rom et non Rom. Comme cet haplogroupe était présent en Europe avant l'arrrivée des Roms, tous les individus de cette haplgroupe ne doivent pas être considérés comme issu d'un flux de gènes entre populations Rom et non Rom. Ainsi un individu Rom d'haplogroupe J2-M67, mais dont l'haplotype STR est éloigné du noyau en forme d'étoile identifié comme le fondateur Rom, suggère un flux de gène des populations non Rom vers les populations Rom comme on peut le voir dans la figure ci-dessous:
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Dans la figure ci-dessus, les Roms sont représentés en orange et se retrouvent principalement dans le noyau en forme d'étoile en bas à gauche.

Parmi ces lignages fondateurs paternels, seul l'haplogroupe H1-M52 est d'origine Indienne. Des comparaisons ont été faites entre les populations Rom et différentes populations Indiennes. La plus grande propabilité de correspondance entre ces 2 populations se retrouve dans le Nord de l'Inde (66%) comme on peut le voir dans la table ci-dessous:
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La diversité des haplotypes mitochondriaux est plus faible chez les Roms que chez les populations non Rom: 190 haplotypes différents chez les Roms contre 421 chez les non Roms. La figure ci-dessous donne la composition des haplogroupes pour les différentes populations Roms:
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Les auteurs ont identifié 11 lignages fondateurs maternels: H7, I1a, J1b3, J1c1, M18, M21a, M35b, M5a1, U3, X2b et X2d qui représentent 58% des individus. Parmi ceux-ci, 35% ne sont pas de l'haplogroupe Indien M. L'haplogroupe I1a varie de 0% chez les Roms Espagnols à 32% chez les Roms Slovaques. De manière générale, les lignages fondateurs maternels sont plus divers dans les Balkans et moins divers progressivement lorsqu'on s'éloigne des Balkans. Ceci montre que l'Espagne représente la dernière étape de la migration des Roms en Europe. Les correspondances des haplotypes entre populations Rom et non Rom sont considérées comme des flux de gènes entre ces populations. Seuls 7 individus non Rom ont une correspondance parfaite avec des individus Rom pour les lignages fondateur (1 Roumain, 2 Bulgares, 2 Slovaques, 1 Hongrois et 1 Ukrainien), soit entre 1 et 2% de la population non Rom. Le flux de gène dans l'autre direction semble plus important (16,5% des Hongrois, 10,2% des Slovaques, 9,9% des Bulgares, 5,8% des Grecs, 5,5% des Roumains et 2,4% des Espagnols.

Seuls les lignages maternels de l'haplogroupe M sont d'origine Indienne, en correspondance avec l'haplgoroupe H1 du chromosome Y. Là encore, des comparaisons ont été faites entre les populations Rom et différentes populations Indiennes. Les plus fortes probabilités de correspondance se retrouvent dans le Nord-Ouest de l'inde (71%, voir la Table 2 ci-dessus).

L'évolution de la taille de la population Rom d'haplogroupe M a été estimée avec le logiciel BEAST:
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Les auteurs ont supposé que cette population est représentative de la population proto-Rom avant son arrivée en Europe. Cette courbe montre un accroissement qui a débuté il y a environ 3000 à 4000 ans coïncidant avec l'expansion Indo-Européenne dans le Nord de l'Inde.

En résumé, les résultats de cette étude montrent un plus grand flux de gènes masculin et féminin des populations Européennes non Rom vers les populations Rom que l'inverse. L'origine des Roms se situe probablement dans le Nord-Ouest de l'Inde en accord avec les considérations linguistiques et culturelles. Le faible nombre de lignages fondateur Indiens indique une vague de migration unique de l'Inde vers l'Europe.