Les récentes études de génétique sur des squelettes anciens ont montré que l'agriculture s'est diffusée en Europe par des migrations de populations originaires d'Anatolie et du Proche-Orient. L'archéologie nous indique que le Néolithique en Anatolie a duré environ 6000 ans entre 9000 et 3000 ans av. JC. Si, au début, la culture Néolithique s'est développée, dans cette région sans expansion notable, la période entre 6500 et 5500 av. JC. montre une nette expansion vers l'ouest le long de la côte. Le site de Kumtepe situé au nord-ouest de l'Anatolie et établi il y a environ 7000 ans, est l'une de ces colonisations qui ont émergé au moment de cette expansion.

Ayça Omrak vient de publier un papier intitulé: Genomic Evidence Establishes Anatolia as the Source of the European Neolithic Gene Pool. Il a séquencé le génome de deux individus issus du site Néolithique de Kumtepe, le premier (Kum6) daté de 6700 ans et le second (Kum4), seulement à faible couverture, entre 5500 et 4800 ans. L'haplogroupe mitochondrial de Kum6 est H2a trouvé couramment dans la population contemporaine d'Europe de l'est ou du Caucase. L'haplogroupe H est l'haplogroupe le plus fréquent en Europe et au Proche-Orient. On suppose qu'il a émergé au Proche-Orient il y a 25.000 à 30.000 ans. Cet haplogroupe a été également fréquemment trouvé parmi les premiers fermiers d'Europe et du Proche-Orient.

Une Analyse en Composantes Principales a été réalisé pour comparer le génome de Kum6 avec celui de 312 individus contemporains d'Eurasie (en gris ci-dessous) et 25 anciens génomes préalablement publiés (en couleurs).
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L'individu Kum6 est représenté par la croix rouge. Il se trouve dans le groupe des fermiers du Néolithique Européen Ancien ou Moyen, avec cependant une tendance à se rapprocher des individus contemporains du Proche-Orient (Druzes et Chypriotes). De manière intéressante, Kum6 ne se regroupe pas avec les individus actuels d'Anatolie. ce qui est confirmé par la statistique f3. Cette dernière montre que Kum6 est plus proche des populations actuelles de Sardaigne, de Chypre et de Grèce. Ces résultats suggèrent que le génome des populations actuelles du Proche-Orient a été largement modifié par des mouvements de populations récents, notamment l'expansion turque.

Une analyse avec le logiciel ADMIXTURE a également été réalisée. Le résultat pour les populations contemporaines est donné sur la carte et celui pour les squelettes anciens est donné dans le bas de la figure:
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Pour une valeur du paramètre K=9, trois composantes principales apparaissent dans les squelettes anciens. La composante bleue est la composante principale des chasseurs-cueilleurs du Mésolithique Européen. On la retrouve également à faible niveau chez les fermiers du Néolithique. Les composantes orange et verte se retrouvent principalement chez les fermiers. De plus la composante orange se retrouve principalement chez les populations actuelles de l'ouest de l'Europe et la composante verte chez les populations actuelles du Proche-Orient et du Caucase. Parmi les fermiers du Néolithique la composante verte est la plus importante chez l'individu de Kumtepe. Elle est également importante chez l'Arménien de l'Âge du Bronze. De manière intéressante cette composante verte n'est pas relié au matériel génétique apporté par les migrations Yamnaya de l'Âge du Bronze en provenance des Steppes Pontiques. Cette dernière composante qui apparait en bleu ciel dans la figure ci-dessus, se retrouve en fait à haute fréquence chez les populations d'Asie du Sud. La composante verte est probablement responsable du glissement de Kum6 vers les populations du Proche-Orient dans le graphe d'Analyse en Composantes Principales, par rapport aux autres fermiers du Néolithique. Le déclin observé de la composante verte chez les fermiers au cours du temps est consistant avec l'augmentation de la composante bleue des chasseurs-cueilleurs durant la même période. Les deux composantes verte et orange chez les fermiers sont probablement antérieures à l'expansion Néolithique. Elles permettent ainsi de relier génétiquement le Néolithique Européen avec l'ouest de l'Anatolie.

Les auteurs ont ensuite utilisé la statistique D pour comparer Kum6 avec les autres échantillons anciens: D(A,B,C,D). Le résultat D est positif si la population A est proche de la population C et/ou la population B proche de la population D. Le résultat est négatif si la population A est proche de la population D et/ou la population B proche de la population C:
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Ainsi les résultats suggèrent un flux de gènes récent entre Kum6 et Ötzi. Une tendance similaire, bien que plus faible, existe entre Kum6 et le fermier Hongrois du Néolithique Moyen (CO1) contemporain de Ötzi. Ceci peut être interprété par des contacts supplémentaires entre l'Anatolie de l'ouest et l'Europe dans la seconde partie du Néolithique. Ce résultat est compatible avec les études archéologiques qui indiquent de multiples vagues de contacts entre l'Anatolie et les Balkans.

La composante bleu ciel présente chez les pasteurs de la culture Yamnaya et propagée avec l'expansion de la culture cordée, n'est pas présente chez Kum6. Des contacts avec l'orient sont cependant supportés par une une plus grande affinité génétique de Kum6 avec certaines cultures de l'Âge du Bronze Asiatique par rapport aux fermiers Européens. La comparaison de Kum6 avec les individus du paléolithique Ust-Ishim en Asie et Kostenki en Europe confirment que Kum6 est plus proche des premiers Européens que des premiers Asiatiques. Kostenki a cependant plus d'affinité avec Kum6 qu'avec les fermiers Néolithiques Européens.