L'histoire du peuplement de l'Inde commence avec l'arrivée des premiers hommes ayant quitté l'Afrique il y a 70.000 à 60.000 ans, et se poursuit par différents épisodes démographiques en Eurasie d'abord de chasseurs-cueilleurs puis des premiers fermiers du Néolithique en provenance du croissant fertile ou d'Asie du sud.

Des études précédentes ont proposé que les deux sous-clades J2a-M410 et J2b-M102 représentent une composante associée à la diffusion des premiers fermiers Néolithique en Eurasie et en Afrique du Nord à partir de la Mésopotamie (Irak et Syrie). Ainsi leur présence en Inde a été considérée comme le résultats de flux de gènes à partir de l'Asie de l'ouest.

Sakshi Singh vient de publier un papier intitulé: Dissecting the influence of Neolithic demic diffusion on Indian Y-chromosome pool through J2-M172 haplogroup. Il a étudié 3023 échantillons appartenant à 77 populations de différentes familles linguistiques en Inde. Parmi eux, 355 appartiennent à l'haplogroupe J2-M172. Le sous-groupe Indien J2a-M410 est spécifique car il ne contient aucun échantillon J2a1b-M67 pourtant majoritaire ailleurs en Eurasie. Il ne contient pas non plus d'échantillons J2a1a-M47 ou J2a1h1-M158 présents également ailleurs, quoique minoritaires.

Les fréquences de J2a-M410 et J2b-M102 varient entre 0 et 8% dans les différentes populations Indiennes. Ces fréquences sont cependant plus élevées dans certaines populations: 17 à 50% de J2a chez les Toda, Chenchu, Banjara, Kamboj, Lohana et les musulmans Kashmiri, 15 à 35% de J2b chez les Asur, Narikuravar, Pichakuntla, Shikari et Mondi. J2a est plutôt concentré vers les frontières du nord-ouest de l'Inde notamment au Gujarat et au Rajasthan:
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La figure (a) ci-dessus montre qu'il y a un fort déclin de la fréquence de J2a vers l'est de l'Inde.

A l'inverse, J2b est concentré dans l'est de l'Inde, comme le montre la figure (b) ci-dessous:
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En fait, la plupart des échantillons J2b appartiennent à la sous-clade J2b2-M241 avec une minorité de J2b1-M205 dans le nord-ouest de l'Inde. La figure ci-dessous donne la fréquence de l'haplogroupe J2b1-M205 en (b) et la fréquence de l'haplogroupe J2b2-M241 en (c):
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Les plus fortes variances et les plus anciens TMRCA (âge du plus récent ancêtre commun) de J2a se trouvent au nord-ouest et au sud de l'Inde. Les TMRCA les plus récents sont dans le centre, le nord et dans l'ouest de l'Inde. De même J2b a les plus anciens TMRCA dans le nord-ouest de l'Inde, et les plus jeunes dans le centre, le sud, le nord et l'est. Ainsi la variance de J2b est à l'opposé de sa fréquence indiquant ainsi un fort effet fondateur dans l'est de l'Inde.

L'arrivée de J2a et J2b chez les Indo-Européens et les Dravidiens semble dater de la même époque, par contre son arrivée chez les Austro-Asiatiques est plus récente.

La distribution spatiale de J2a au Moyen-Orient et en Asie Centrale correspond à la présence de vestiges Néolithiques comme la poterie peinte et la culture céramique. Les plus anciennes traces de la civilisation de l'Indus située dans l'actuel Pakistan, correspondent aux plus anciens témoins de l'agriculture dans cette région. Ainsi il est intéressant de noter que les concentrations de l'haplogroupes J2a se superposent aux principaux centres du Néolithique. Dans cette étude, les auteurs ont également montré qu'il y avait de fortes fréquences de J2a ou de J2b parmi des populations qui étaient encore récemment des chasseurs-cueilleurs comme les Asur et les Chenchu, des pasteurs comme les Toda ou des tribus nomades comme les Banjara ou les Bahelia. Beaucoup de ces tribus nomades sont originaires du nord-ouest de l'Inde et ont migré vers le sud. On peut les considérer comme des reliques des premières communautés agropastorales.

Cependant, la présence de J2 en Inde n'est pas seulement liée à la diffusion de l'agriculture. Ainsi l'absence des sous-clades J2a1b-M67 et J2a1a-M47 qui sont prépondérantes en dehors de l'Inde, impliquent une diffusion de de J2a plus ancienne que l'émergence de ces sous-clades associées à la diffusion de l'agriculture en Anatolie, dans le sud-est de l'Europe et dans le bassin Méditerranéen. De plus la présence négligeable de G2a-P15 ou de E1b-V13 traditionnellement associés à la diffusion de l'agriculture en Europe, est à prendre en compte et semble indiquer un processus plus complexe de la diffusion de J2-M172 en Inde. Cette dernière pourrait être la combinaison d'une première diffusion de chasseurs-cueilleurs à la fin de l'ère glaciaire suivie d'une diffusion associée au Néolithique durant l'holocène, et enfin à des migrations plus tardives aux âges du Bronze et du Fer.

Commentaires

On peut expliquer l'absence de J2a1b et J2a1a en Inde autrement que par une diffusion antérieure à l'émergence de ces sous-clades. Cela peut-être du à une expansion du Néolithique vers l'Inde depuis une région différente de la région qui est à l'origine de l'expansion du Néolithique vers l'ouest. Cette région d'origine du Néolithique vers l'Inde n'avait peut-être pas ces sous-clades situées peut-être dans une autre région du Croissant fertile.