L'expansion rapide de l'empire Arabe durant les conquêtes musulmanes a abouti à la formation d'un important empire s'étendant de la rivière de l'Indus jusqu'aux côtes de l'Océan Atlantique. Cela s'est traduit par un important changement politico-religieux au début du Moyen-Âge dans le bassin Méditerranéen. A l'ouest, les armées Arabes se sont répandues rapidement à travers l'Afrique du Nord où elles ont incorporé un grand nombre de berbères qui se sont converti à l'Islam, et qui ont par la suite formé le gros des troupes qui ont conquit le sud-ouest de l'Europe. L'armée Omeyyade a envahi la péninsule Ibérique en l'an 711 avant de conquérir rapidement le royaume Wisigoth qui s'étendait entre la péninsule Ibérique et le sud-ouest de la France. L'occupation musulmane de l'Espagne et du Portugal est bien documentée par de nombreux écrits et des traces archéologiques qui retracent l'histoire de l'Andalousie entre les 8ème et 15ème siècles. Dans le contexte funéraire, les données archéologiques montrent des pratiques qui correspondent clairement à l'Islam comme par exemple la déposition du corps sur le côté droit en direction de la Mecque. Au contraire, la présence musulmane au nord des Pyrénées est beaucoup moins documentée due à une occupation beaucoup plus courte. L'armée Omeyyade a franchi les Pyrénées en l'an 719, et loin de la représentation classique de la fameuse bataille de Poitiers en 732 qui a vu la victoire de Charles Martel et des francs, la réalité a été beaucoup plus complexe. Notamment certaines chroniques médiévales retracent le passage des Sarrasins et la présence de populations ou de garnisons musulmanes sur le territoire Wisigoth de Septimanie. Vers l'an 720 la ville de Narbonne est devenue le siège du wâli (gouverneur musulman) et a servi de base pour des razzias dans les territoires voisins. En 759, Pépin le Bref assiégea Narbonne qui capitula peu après. Ensuite les francs réoccupèrent la Septimanie à partir de l'an 760.

La présence musulmane en Septimanie est documentée par de rares vestiges archéologiques comme des céramiques, des pièces ou des sceaux Arabes qui ne permettent pas de prouver l'occupation musulmane de cette région. La découverte en 2006 de trois tombes musulmanes à Nîmes est une opportunité unique pour documenter l'occupation Sarrasine de la région. Yves Gleize vient de publier un papier intitulé: Early Medieval Muslim Graves in France: First Archaeological, Anthropological and Palaeogenomic Evidence. Les auteurs donnent une analyse archéologique, anthropologique et paléogénétique du site:
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Pour les trois tombes, le corps est déposé sur le côté droit, dirigé vers le sud-est (direction de la Mecque). Les quatre membres sont étendus et parfois les deux membres inférieurs sont croisés. Ces positions correspondent clairement au rituel musulman. Ces trois tombes sont dans un endroit proche de la vieille ville de Nîmes, en dehors de la ville Moyenâgeuse, mais à l'intérieur des vieilles murailles Romaines encore visibles à l'époque des tombes. L'analyse radiocarbone a montré que ces tombes sont datées entre les 7ème et 8èmes siècles. Elles sont les plus anciennes tombes musulmanes de France. Les analyses anthropologiques ont montré que les trois individus sont des hommes:
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L'analyse de l'ADN mitochondrial a montré que ces trois individus sont des haplogroupes L1c3a typique des populations Africaines, K1a4a et H1 communs en Eurasie, mais également présents en Afrique du Nord. Les trois individus sont de l'haplogroupe du chromosome Y: E1b-M81 typique des populations berbères d'Afrique du Nord:
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Ces découvertes sont en accord avec les sources écrites qui indiquent une présence musulmane à Nîmes durant plusieurs décennies entre 720 et 752. Les trois individus devaient être des berbères d'Afrique du Nord enrôlés dans l'armée Omeyyade.