Durant la majorité de leur histoire, les hommes modernes ont cohabité avec d'autres espèces d'hominidés. Ainsi les analyses du génome de Néandertaliens et de Dénisoviens ont révélé que des flux de gènes ont existé entre ces espèces archaïques et les ancêtres des hommes actuels. Par conséquence, toutes les populations actuelles non Africaines héritent d'environ 2% de leur ascendance des Néandertaliens, alors que l'ascendance Dénisovienne ne se retrouve, à un taux compris entre 2 et 4%, que dans les populations d'Océanie. Récemment, plusieurs études ont montré que certains gènes des hommes modernes sont hérités des Néandertaliens. Cependant beaucoup moins de choses sont connues à propos de l'héritage génétique des Dénisoviens.
Benjamin Vernot vient de publier un papier intitulé: Excavating Neandertal and Denisovan DNA from the genomes of Melanesian individuals. Il a séquencé 35 individus originaires de 11 sites différents de l'Archipel de Bismarck au large de la Nouvelle Guinée. Ces échantillons ont été comparés au génome de 1937 individus appartenant à 159 populations réparties sur la terre entière:
Une Analyse en Composantes Principales et une analyse avec le logiciel ADMIXTURE ont été réalisées. Elles montrent que les nouveaux échantillons se regroupent logiquement avec les populations d'Océanie:
De plus ces échantillons Mélanésiens montrent des similarités génétiques à la fois avec les Néandertaliens et les Dénisoviens, alors que les autres populations non Africaines montrent seulement des affinités génétiques avec les Néandertaliens:
La statistique f4 permet de confirmer ce résultat et d'estimer la proportion d'ascendance Dénisovienne entre 1,9% et 3,4% dans les individus de Mélanésie.
Les auteurs ont ensuite développé une nouvelle méthode pour caractériser les séquences génétiques archaïques dans un génome d'homme moderne. Celle-ci est basée sur les distributions bivariées, et estime la proportion d'ascendance Néandertalienne et Dénisovienne dans un ensemble d'haplotypes. Les auteurs ont d'abord simulé un résultat obtenu à partir d'un génome sans introgréssion archaïque et ont montré que ce résultat était similaire à celui obtenu à partir des séquences Africaines:
Ce résultat est consistant avec le fait que les Africains ne possèdent pas ou très peu d'ascendance archaïque dans leur génome. Par exemple les Luyia et les Gambiens possèdent un peu d'ascendance Néandertalienne probablement obtenue suite à des flux de gènes récents de populations non Africaines. La figure ci-dessus montre également que les Européens possèdent beaucoup plus d'ascendance Néandertalienne que Dénisovienne, alors que les Mélanésiens possèdent les deux.
En tout, à partir des 1523 échantillons non Africains, les auteurs ont récupéré 1340 millions de paires de base issues du génome de Néandertal et 304 millions de paires de base issues du génome de Dénisova. Les Mélanésiens ont en moyenne 104 millions de paires de base archaïques par échantillon (48,9 de Néandertal, 42,9 de Dénisova et 12,2 de séquences ambigües dont on ne sait pas si elles viennent de Néandertal ou de Dénisova):
Par comparaison certaines populations Africaines possèdent 0,026 millions de paires de base archaïques (chez les Esan) ou 0,5 millions de paires de base (chez les Luyia). Les Est Asiatiques, les Sud Asiatiques et les Européens possèdent respectivement 65, 55,2 et 51,2 millions de paires de base de séquences archaïques (voir figure ci-dessus) dont la plupart sont Néandertaliennes.
Les auteurs ont ensuite développé une méthode pour savoir si une population a connu une ou plusieurs introgressions archaïques. Ainsi les Européens (EUR), les Est Asiatiques (EAS) et les Sud Asiatiques ont connu une introgression supplémentaire d'ascendance Néandertalienne par rapport aux Mélanésiens (MEL). Les Est Asiatiques semblent avoir une introgression Néandertalienne supplémentaire par rapport aux Européens et aux Sud Asiatiques:
DEN et NEA représentent respectivement l'ascendance Dénisovienne et Néandertalienne dans la figure ci-dessus.
La densité d'ascendance archaïque est hétérogène le long du génome d'un homme moderne. Certaines régions montrent ainsi un fort déficit d'ascendance archaïque probablement dû à la sélection naturelle. On trouve ces régions notamment dans les parties du génome liées au développement cortical du cerveau ou au développement du striatum également dans le cerveau. Une large région à fort déficit d'ascendance archaïque contient le gène FOXP2 associé à la parole et au langage, mais aussi aux troubles de l'autisme.
Chez les Mélanésiens, les auteurs ont identifié 21 régions du génomes associées à des gènes, issues de séquences archaïques dont 14 d'origine Néandertalienne, 3 d'origine Dénisovienne, 3 d'origine ambigüe et 1 d'origine à la fois Néandertalienne et Dénisovienne. Parmi ces gènes, on trouve GCG qui produit une hormone qui augmente le taux de glucose dans le sang et PLPP1 qui produit une protéine impliquée dans le métabolisme des lipides. Il y a aussi des gènes impliqués dans le système immunitaire comme GBP4 et GBP7.
Extraction de l'ADN de Néandertaliens et de Dénisoviens à partir du génome de Mélanésiens modernes
vendredi 18 mars 2016. Lien permanent ADN ancien
une réaction
1 De Abrine - 01/07/2018, 13:31
Bonjour,
Pourquoi les Mélanésiens seraient les seuls à avoir reçu un apport dénisovien alors que l'on sait par ailleurs que les Aborigènes et les Papous proviennent de la même population. Cela voudrait-il dire que l'apport dénisovien s'est fait à une époque où Papous et Aborigènes s'étaient déjà séparés ? Ce qui voudrait dire qu'il s'est produit assez récemment et en Nouvelle-Guinée ? Mais cela est-il envisageable alors qu'il n'y a que dans l'Atlaï que des Dénisovens ont été découvert ? Merci à vous.