Les changements du climat ont influencé drastiquement l'occupation de l'Asie du Sud-Ouest par l'homme moderne depuis sa première occupation sur les sites de Skhul et Qafzeh au Proche-Orient il y a environ 100.000 ans. Ces impacts climatiques sur les mouvements de population et sur le développement des différentes cultures ont été fortement débattus. Durant le dernier maximum glaciaire, les conditions ont poussé les populations à occuper différents refuges autour de la Méditerranée, la Mer Noire et le Sud de la péninsule Arabique. Ensuite, le réchauffement post-glaciaire et la révolution Néolithique ont permis l'expansion de ces différentes populations en Asie du Sud-Ouest.

Les dernières études d'analyse de l'ADN ancien ont identifié une population ancestrale nommée "Basal Eurasians" qui a injecté une quantité significative de gènes dans la population Européenne. Cette ascendance est distincte de la signature génétique des premiers fermiers du Proche-Orient. Ces études ont également montré que la population Yamnaya des Steppes a été à l'origine de la culture Cordée et d'une expansion de population en Europe à la fin du Néolithique et au début de l'Âge du bronze.

Des analyses récentes sur les populations contemporaines ont également identifié des signatures génétiques d'un possible refuge glaciaire dans le sud de la péninsule Arabique. Ces populations se sont ensuite dispersées dans le Croissant Fertile, au Levant et dans la corne de l'Afrique. Ainsi l'haplogroupe du chromosome Y J1 est commun en Arabie Saoudite et a marqué l'expansion Islamique, alors que J2 semble correspondre à une expansion post-Néolithique.

Daniel E. Platt et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Mapping Post-Glacial expansions: The Peopling of Southwest Asia. Ils ont cherché à identifier et dater l'isolation des populations avant leur expansion, puis à tracer leur routes de dispersion en Asie du Sud-Ouest, à partir de tests de l'ADN du chromosome Y et autosomal de populations contemporaines en Eurasie et en Afrique.

Un total de 8515 échantillons a été analysé sur leur ADN du chromosome Y. Des marqueurs STR et SNP ont été testés. L'étude s'est notamment focalisée sur l'haplogroupe J du chromosome Y. Ensuite 994 échantillons ont été testés sur leur ADN autosomal sur un total de 500.000 SNPs environ.

Les haplogroupes du chromosome Y: J1, J2 et E1b1b sont les lignages paternels les plus fréquents en Asie du Sud-Ouest et en Afrique du Nord totalisant à eux trois 50,9%:
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La figure ci-dessus indique la fréquence des principaux haplogroupes, et l'encart en bas à gauche indique la fréquence des différentes sous-clades de l'haplogroupe J. Ces résultats montrent de fortes différentiations régionales.

Les auteurs se sont ensuite focalisés sur les haplogroupes du chromosome Y: J*(xJ2) et J2. La figure ci-dessous montre la fréquence de ces haplogroupes respectivement en A et B:
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La diversité de J*(xJ2) est maximale dans le Caucase et celle de J2 est maximale en Arménie. Elle est indicative d'une possible origine de ces populations. La figure ci-dessous indique la variance des deux haplogroupes J*(xJ2) en A et J2 en B:
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Les mesures de TMRCA pour les haplogroupes montrent une plus grande ancienneté des haplogroupes J*, J1, J2 en Turquie et dans le Caucase, et une grande différentiation de E1b entre l'Afrique du Nord et l'Asie. L'estimation du temps de divergence des différentes populations est indiquées pour les trois haplogroupes J1, J2 et E1b dans la figure ci-dessous:
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J1 est en a, J2 en b et E1b en c. Ces résultats confirment les estimations de TRMCA et indiquent que J1 et J2 sont probablement originaire du Caucase.

Les auteurs ont ensuite fait une analyse avec le logiciel ADMIXTURE à partir de l'ADN autosomal. La figure ci-dessous indique les résultats pour des valeurs de K allant de 2 à 5:
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Pour K=3, l'analyse identifie des composantes qui caractérisent la Géorgie dans le Caucase en bleu foncé, la Palestine en violet et l'Arabie Saoudite en rouge.

L'Analyse en Composantes Principales identifie également ces trois centres d'origine:
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Les auteurs supposent que ces trois centres d'origines correspondent à trois refuges pour les populations pendant le dernier maximum glaciaire. Le refuge du Caucase aurait ainsi abrité les populations porteuses des haplogroupes J1 et J2. Celles-ci se sont ensuite dispersées vers le Sud en Mésopotamie, puis dans la péninsule Arabique.