La Polynésie est définie par les îles du Pacifique qui s'étendent entre la Nouvelle-Zélande au sud, Hawaï au nord et l'île de Pâques (Rapa Nui) à l'est. Cette dernière se trouve à 3700 km à l'ouest de l'Amérique du Sud. Sa superficie est de 163 km2. Il est aujourd'hui accepté que la Polynésie a été colonisée suite à l'expansion Austronésienne dont l'origine se situe à Taïwan et aux Philippines il y a environ 5000 ans. Celle-ci est caractérisée par une identité linguistique, une culture spécifique appelée Lapita et un type particulier de bateau. On a estimé la colonisation des îles Tonga et Samoa vers 800 av. JC. et l'ensemble des îles Polynésiennes entre 1200 et 1300 de notre ère. L'île de Pâques a ainsi été colonisée vers l'an 1200 par une population estimée entre 30 et 100 individus.

Les Rapanuis se sont distingués par une culture archéologique spécifique composée de plateformes géantes de pierre (ahu) sur lesquelles sont posées de monumentales statues de pierre (moai). Environ 900 statues sont enregistrées sur l'île.

L'île de Pâques a été découverte par les occidentaux le dimanche de Pâques de l'an 1722. Ce contact a démarré une période dramatique dans l'histoire des Rapanuis incluant notamment l'exposition des indigènes aux maladies apportées par les occidentaux, puis la traite des esclaves par les Péruviens dans les années 1860. On a estimé que la population de l'île estimée à l'arrivée des occidentaux aux environ de 4000 individus, a baissé jusqu'à atteindre seulement 110 habitants. Une conséquence de ces contacts a été également l'introduction de flux de gènes dans la population indigène.

L'origine précise de la population Rapanui reste insaisissable. En effet si la dispersion Austronésienne a bien atteint l'île de Pâques, certains indices suggèrent un contact avec les populations Amérindiennes, notamment la présence de cultures comme la patate douce ou la calebasse avant l'arrivée des Européens. D'autre part des restes de poulets de signature génétique Polynésienne ont été retrouvés au Chili et sont datés d'avant l'arrivée des Européens.

J. Victor Moreno-Mayar et ses collègues ont publié un papier intitulé: Genome-wide Ancestry Patterns in Rapanui Suggest Pre-European Admixture with Native Americans. Ils ont analysé le génome de 27 individus Rapanuis sur plus de 650.000 SNPs autosomaux. Ces données ont été comparées à des génomes d'individus d'autres populations: Européens, papous de Nouvelle-Guinée, Amérindiens, Asiatiques et autres Polynésiens.

Les auteurs ont utilisé le logiciel ADMIXTURE. La figure ci-dessous donne le résultat pour une valeur du paramètre K=4. La composante Européenne est en bleu, la composante papou en jaune et la composante Amérindienne en rouge. Les Polynésiens sont composés d'une ascendance majoritaire en rose et d'une ascendance papou minoritaire:
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Les Rapanuis se situent sur la droite de la figure. Bien que globalement similaires aux Polynésiens, ils contiennent une faible proportion d'une ascendance Amérindienne en rouge et d'une ascendance Européenne en bleu.

Les auteurs ont ensuite restreint les populations aux Européens, Amérindiens et Polynésiens. Le logiciel ADMIXTURE pour K=3 donne alors le résultat suivant:
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L'ascendance Amérindienne chez les Rapanuis est alors de 6% en moyenne et l'ascendance Européenne d'environ 16%. Cependant l'ascendance Amérindienne est plus homogène que l'ascendance Européenne chez les Rapanuis, signe probablement d'une plus grande ancienneté.

Cette ascendance Amérindienne chez les Rapanuis ne veut pas dire qu'il y ait eu des contacts pré-Colombiens entre l'île de Pâques et l'Amérique du Sud. Il faut pour cela dater les mélanges génétiques Amérindiens et Européens chez les Rapanuis. Les auteurs ont ainsi utilisé le logiciel RFmix. Ils ont montré que les segments d'ADN Amérindien chez les Rapanuis sont plus courts que les segments d'ADN Européen, indiquant ainsi une plus grande ancienneté du mélange génétique Amérindien.

Les auteurs ont ensuite modélisé les mélanges génétiques Amérindiens et Européens chez les Rapanuis et déterminé la probabilité des distributions de longueurs de segments d'ADN Amérindiens et Européens en fonction des temps de mélanges génétiques chez les Rapanuis. La figure ci-dessous donne cette distribution en fonctions des temps de mélanges génétiques:
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Elle est maximale pour un temps de mélange génétique avec les Amérindiens de 22 générations et avec les Européens de 4 générations. Pour une génération entre 25 et 30 ans et un temps présent correspondant à l'année 1970, cela correspond à un mélange génétique entre Rapanuis et Amérindiens entre les années 1310 et 1420 et entre Rapanuis et Européens entre les années 1850 et 1870.

Ces résultats montrent que le contact entre les Rapanuis et les Amérindiens date d'avant l'arrivée des Européens sur l'île de Pâques. Cependant on ne sait pas comment ce mélange génétique s'est produit. Il y a deux scénarios possibles: des Amérindiens ont navigué jusqu'à l'île de Pâques ou les Polynésiens sont allés en Amérique du Sud et sont revenus sur l'île de Pâques. Le second scénario est cependant le plus probable, si on considère les aptitudes des deux populations à la navigation.