Les steppes Eurasiennes s'étendent sur plus de 8000 km de l'Ukraine à la Mongolie. Cet immense territoire peut être divisé en plusieurs zones en fonction du climat et de la végétation. En effet, il y a un gradient de terres de plus en plus arides entre le Nord et le Sud qui sépare la steppe boisée, la steppe herbeuse et la steppe semi-désertique. Seul le massif montagneux de l'Altaï forme une barrière géologique haute de plus de 4000 mètres mais qui reste néanmoins franchissable en de nombreux endroits. Il s'étale sur plus de 2000 km entre la Russie, le Kazakhstan, la Mongolie et le Xinjiang au nord ouest de la Chine.

L'homme moderne est présent dans la région de l'Altaï depuis plus de 40.000 ans. A l'Âge du Bronze, la séquence culturelle commence au milieu du 4ème millénaire av. JC, avec l'apparition de la culture d'Afanasievo. Les études archéologiques et anthropologiques ont suggéré un lien entre cette culture et la culture de Yamnaya des steppes d'Europe de l'Est. La culture d'Afanasievo est précédée par une culture très peu documentée: la culture Bol’shemysskaya. Dans le bassin du Minoussinsk, la culture d'Okunevo succède à la culture d'Afanasievo. Bien qu'elle présente des similarité avec la culture d'Afanasievo, les études anthropologiques indiquent que la population est plus mongoloïde que sa précédente. Cette culture a coexisté avec les cultures de Ekunino sur les contreforts de l'Altaï et de Chemurchek dans le nord-ouest de la Mongolie. Ces cultures ont ensuite été remplacées par la culture d'Andronovo, puis par les cultures de Karasouk, Munkh Khairkan et Sagsai à la fin de l'Âge du Bronze.
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Durant cette période, la domestication du cheval ainsi que l’utilisation des chars, permettant d’être plus mobile, participeront au développement et à la diffusion de ces cultures le long des steppes eurasiennes.

Clémence Hollard a publié sa thèse en 2014: Peuplement du sud de la Sibérie et de l’Altaï à l’âge du Bronze : apport de la paléogénétique. Elle a analysé l'ADN de 69 échantillons provenant de différents sites de l'Âge du Bronze dans la région de l'Altaï:
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Sur la figure ci-dessus, les numéros correspondent aux cultures suivantes:

  1. Afanasievo (3500 à 2600 av. JC) et Okunevo (2300 à 1800 av. JC)
  2. Elunino (2300 à 1700 av. JC.)
  3. Bol'shemysskaya (4ème millénaire av. JC) et Afanasievo (3500 à 2600 av. JC.)
  4. Chemurchek (2500 à 2300 av. JC.)
  5. Sagsai (1400 à 1100 av. JC.)
  6. Sagsai (1400 à 900 av. JC.) et Afanasievo (2740 av. JC.)
  7. Chemurchek (2300 à 1800 av. JC.)
  8. Munkh-Khairkhan (1700 à 1400 av. JC.)
  9. Munkh-Khairkhan (1700 à 1400 av. JC.)
  10. Chemurchek (24300 à 20800 av. JC.)
  11. Baitag (1200 à 900 av. JC.)

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Les analyses génétiques effectuées sur ces échantillons sont la détermination du sexe, le test de 15 STRs autosomaux, le séquençage de la région mitochondriale HVR1, le test de SNPs de la région codante mitochondriale pour discriminer les principaux haplogroupes, le test de 17 STRs du chromosome Y, le test de 27 SNPs du chromosome Y pour discriminer les principaux haplogroupes, et le test de 28 SNPs autosomaux pour déterminer des caractères phénotypiques: couleur des cheveux et des yeux.

Le tableau ci-dessous donne les taux de réussite pour les différents échantillons:
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Le tableau ci-dessous donne un récapitulatif des résultats obtenus:
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Concernant les plus anciennes populations: Bol'shemysskaya et Afanasievo, les individus appartiennent à l'haplogroupe R1b du chromosome Y, sauf un individu de Mongolie de l'haplogroupe Q. Parmi les individus R1b, deux ont été testés positif pour M269. De plus l'analyse des haplotypes STR indiquent que ces individus R1b se regroupent avec des individus R1b-L23. Ces résultats sont à rapprocher des études précédentes qui ont montré que les individus de la population Yamnaya des Steppes Pontiques étaient également de l'haplogroupe R1b-L23. Les haplogroupes mitochondriaux des squelettes de ces populations sont moitié occidentaux: H et U, moitié orientaux: C. Enfin, les résultats des marqueurs STR autosomaux montrent que les individus Afanasievo sont d'origine occidentale, proche des Européens actuels.

Pour la phase suivante, les individus de la culture d'Okunevo montrent une évolution de leur haplogroupes du chromosome Y. Si un individu hérite de la population Afanasievo avec un haplogroupe R1b-M269, les autres individus sont de l'haplogroupe Q ou N indiquant ainsi une influence nord orientale. Leurs haplogroupes mitochondriaux sont partagés entre des lignages occidentaux: H, J, T, U et des lignages orientaux: C, A, D. De même, les individus de la culture Chemurchek ont des haplogroupes du chromosome Y orientaux: C et des haplogroupes mitochondriaux à la fois occidentaux et orientaux. Les résultats des marqueurs STR autosomaux montrent que les individus Okunevo sont d'origine mixte occidentale et orientale.

A la fin de l'âge du Bronze, apparait l'haplogroupe occidental du chromosome Y: R1a. Il est associé à des haplogroupes orientaux: Q, N et C. Les haplogroupes mitochondriaux sont là aussi partagés entre des lignages occidentaux et orientaux. Les résultats des marqueurs STR autosomaux montrent que ces individus sont d'origine mixte occidentale et orientale.

La figure ci-dessous résume l'origine des populations testées pour les trois phases de l'Âge du Bronze:
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En conclusion, le début de l'Âge du Bronze voit apparaître dans la région de l'Altaï, une culture issue des steppes Pontiques: la culture Afanasievo. Cette culture est caractérisée par l'apparition de l'haplogroupe R1b. A la suite de cette culture, l'Âge du Bronze Moyen voit émerger une influence orientale dans la région. Enfin, la fin de l'Âge du Bronze voit de nouveau apparaître une influence occidentale caractérisée cette fois-ci par l'haplogroupe R1a du chromosome Y. Cet haplogroupe a aussi été détecté dans les squelettes de la culture d'Andronovo et les momies du bassin du Tarim.