Les Balkans sont considérés comme la région d'Europe où les premiers contacts entre chasseurs-cueilleurs et fermiers Néolithiques ont eu lieu. Récemment cette région a été supposée comme l'un des corridors pour la diffusion du Néolithique entre la zone Égéenne et l'Europe Centrale. La première culture Néolithique des Balkans est celle de Starcevo. Elle est nommée Körös en Hongrie et Cris en Roumanie. Elle apparait entre 6200 et 6000 av. JC. Localement cette culture est suivie par celle de Vinca, mais dans la vallée du Danube elle donne le jour à la culture de la céramique linéaire (LBK) vers 5600 av. JC.

Zuzana Hofmanova a soutenu sa thèse en 2016 au laboratoire de paléogénétique de Mainz en Allemagne: Palaeogenomic and biostatistical analysis of ancient DNA data from Mesolithic and Neolithic skeletal remains. Elle a étudié le génome complet de squelettes dans les Balkans autour de la transition Néolithique et dans la région supposée comme source de la migration Néolithique, dans l'ouest de l'Anatolie:
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Ainsi, le génome complet de cinq individus et le génome nucléaire de certaines régions seulement pour vingt autres individus ont été analysés: soit en tout douze squelettes Néolithiques de l'ouest de l'Anatolie datés entre 6700 et 6200 av. JC., et treize squelettes issus des sites de Lepenski Vir et de Vlasa le long des gorges du Danube. Enfin elle a analysé la séquence mitochondriale de 86 échantillons répartis sur les différents sites. Ces différents squelettes ont préalablement subi des études radiocarbone pour la datation et isotopiques pour l'analyse de leur diète et de leur lieu d'origine.

Le sexe a été déterminé génétiquement pour 61 individus. Dans la figure ci-dessous les hommes sont à droite et les femmes à gauche. Ils ne correspondent pas toujours à leur identification anthropologique:
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La table ci-dessous donne les résultats mitochondriaux pour les squelettes du Mésolithique uniquement. Ainsi, à cette période, l'haplogroupe U5 est très commun :
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De manière intéressante, l'haplogroupe K1f, jusqu'ici détecté uniquement chez Ötzi, l'homme des glaces, se retrouve également chez deux chasseurs-cueilleurs de Vlasa. De plus, l'haplogroupe K1c a également été détecté chez deux chasseurs-cueilleurs de Grèce. Ces résultats suggèrent une connexion entre les individus du Mésolithique dans les Balkans et dans la zone Égéenne. L'haplogroupe H a également été détecté parmi ces individus. Cependant il faut préciser que ces squelettes n'ont pas été directement datés et il y a notamment des débats au sujet de la périodisation du site de Ostrovul Corbului.

17 individus de Lepenski Vir ont été identifiés comme faisant partie de la transition Néolithique. Leurs résultats mitochondriaux sont les suivants:
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Les résultats montrent un mélange de lignages chasseurs-cueilleurs (U5) et fermiers (K1, T2e, N1a et J2b).

Les individus du Néolithique de la région des Balkans montrent des haplogroupes variés typiques des premiers fermiers Européens:
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Enfin les individus du Néolithique d'Anatolie de l'ouest montrent des haplogroupes typiques du Néolithique Européens quoique trois individus appartiennent aux haplogroupes U3 et U8: 2016_Hofmanova_Table14.jpg

Les individus de phase plus tardive du Néolithique dans les Balkans ont les haplogroupes suivants:
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Ils sont typiques des populations Néolithiques d'Europe et d'Anatolie.

L'auteur a ensuite réalisé une analyse multi-échelles:
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Les chasseurs-cueilleurs (points verts) se situent dans le bas de la figure. Les chasseurs-cueilleurs de Vlasac se regroupent avec les groupes Mésolithiques d'Europe de l'Ouest (Late Glacial et Holocene) en bas à droite de la figure. Les individus de la transition Néolithique de Lepenski Vir (Trans_Dan) sont dans une position intermédiaire entre les individus du Mésolithique et les groupes Néolithiques. Les individus Néolithiques du Danube (Neo_Dan) se regroupent avec les autres groupes du Néolithique (points violets). Ces résultats suggèrent une augmentation du nombre de migrants dans les gorges du Danube au cours du temps. Les individus de la culture de Vinca sont les plus proches des fermiers Néolithiques d'Anatolie, mais aussi des fermiers de la culture LBK. Ces résultats confirment les mouvements de populations lors de la diffusion Néolithique vers l'Europe Centrale.

Parmi les 25 résultats d'ADN nucléaire, 5 ont été obtenus par séquençage du génome complet et 20 par capture nucléaire sur seulement certaines régions du génome. Les cinq séquences complètes appartiennent à deux individus Mésolithiques des gorges du Danube (Lepe51 et Vlasa37), un individu de la transition Néolithique de Lepenski Vir (Lepe45) et deux individus du Néolithique d'Anatolie (Bar31 et Bar8). L'auteur a réalisé une analyse avec la statistique f3 pour déterminer l'affinité génétique de ces individus avec les populations actuelles d'Europe. Sans surprise cette affinité avec les Mésolithiques du Danube est maximale pour les Européens du Nord (Baltes et Scandinaves), suivis par les Européens de l'Est (Bélarusses et Ukrainiens). Comparés avec les anciens individus d'Europe, les trois Mésolithiques du Danube sont plus proches génétiquement des chasseur-cueilleurs de l'Ouest (Loschbour, La Brana, Bichon) ou de Hongrie (KO1), suivis par les chasseurs-cueilleurs de Scandinavie, puis les chasseurs-cueilleurs de l'Est. La statistique D montre que les fermiers d'Anatolie et de Grèce sont similaires génétiquement. Ils représentent la population d'origine des premiers fermiers Néolithiques des Balkans, puis d'Europe Centrale et de la péninsule Ibérique.

La période de transition à Lepenski Vir montre un mélange d'individus: certains sont proches des chasseurs-cueilleurs et d'autres proches des fermiers d'Anatolie. Le nombre de fermiers augmente dans les gorges du Danube au début du Néolithique. De plus la statistique D montre une résurgence de l'ascendance chasseur-cueilleur de l'Ouest au Néolithique Moyen et Final. Cependant cette résurgence n'est pas visible dans la zone de la mer Egée (entre Anatolie et Grèce). On voit par contre une augmentation de l'ascendance chasseur-cueilleur du Caucase en Anatolie au Chalcolithique.

L'auteur a ensuite réalisé une analyse avec le logiciel ADMIXTURE. Celle-ci est optimale pour K=2. Les résultats ci-dessous montrent que les fermiers Anatoliens sont des bons représentants de l'ascendance fermier du Néolithique (en orange ci-dessous), bien que de nombreux autres individus du Néolithique Européen possèdent 100% également de cette ascendance. Les individus de Vlasa montrent 100% d'ascendance chasseur-cueilleur (en bleu) alors que les individus de Lepenski Vir sont partagés entre 100% d'ascendance chasseur-cueilleur et 100% d'ascendance fermier et un individu mélangé (Lepe46):
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A noter qu'un fermier d'Anatolie (Akt16) possède un peu d'ascendance chasseur-cueilleur. La figure ci-dessus montre également un accroissement de l'ascendance chasseur-cueilleur chez les individus du Néolithique Moyen en Espagne.

L'auteur a également pu analyser les haplogroupes du chromosome Y de quelques individus. Ainsi parmi les fermiers Anatoliens on a un haplogroupe G2a2b, un haplogroupe I2 et un haplogroupe E1b:
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Parmi les individus de Lepenski Vir, Lepe18, Lepe39 et Lepe45 font partie de la transition Néolithique, alors que Lepe52 est un fermier Néolithique:
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Ils appartiennent aux haplogroupes G2a pour le fermier Néolithique et I2 et C2 pour les autres.

Enfin tous les individus de Vlasa sont des chasseurs-cueilleurs du Mésolithique. Ils appartiennent aux haplogroupes R1b-V88, R1 et I2:
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