Yersinia pestis est une bactérie responsable de la peste. Elle est associée aux rats et à leurs puces. Historiquement elle est responsable de trois épidémies en Europe: la peste sous le règne de l'empereur byzantin Justinien au 6ème siècle, la peste noire au 14ème siècle et plus récemment aux 18ème et 19ème siècles où elle se répand à une échelle mondiale.

Aida Andrades Valtueña et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: The Stone Age Plague and Its Persistence in Eurasia. Ils présentent six nouveaux génomes de Yersinia pestis, issus de squelettes humains Européens datés entre la fin du Néolithique (4800 ans) et l'Âge du Bronze (3700 ans). Cette période coïncide avec une transformation culturelle et sociale majeure en Europe mettant en contact tout le continent.

Un total de 563 dents et os datés entre la fin du Néolithique et l'Âge du Bronze et situés entre la Russie et l'Allemagne, ont été testés génétiquement afin de déterminer la présence éventuelle de la bactérie Yersinia pestis. Six échantillons se sont révélés positifs: RK1001 situé à Rasshevatskiy dans le nord du Caucase, Gyvakarai1 situé à Gyvakarai en Lithuanie, Kunila II situé à Kunila en Estonie, deux échantillons situés à Augsburg en Allemagne et GEN72 situé à Beli Manastir-Popova zemlja en Croatie:
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Les auteurs ont ensuite construit un arbre phylogénétique des différents échantillons obtenus ainsi que des génomes obtenus à partir des pestes historiques:
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La date du plus récent ancêtre commun à tous ces génomes de Yersinia pestis est estimée à 6078 ans.

Ces résultats complémentent ceux obtenus dans une étude précédente (Early divergent strains of Yersinia pestis in Eurasia 5,000 years ago) chez des individus de l'Âge du Bronze du Sud de la Sibérie (RISE509 et RISE505). Les génomes situés dans une position la plus basale de l'arbre phylogénétique sont ceux des échantillons de Russie et de Sibérie. Ces données sont compatibles avec deux scénarios. Dans le premier, la peste apparait de multiples fois en Europe entre 5000 et 3000 ans, à partir d'un réservoir commun situé en Asie Centrale. Dans le second scénario, la peste est entrée en Europe durant le Néolithique en provenance d'Asie Centrale. De là elle s'est développée en Europe et est retournée dans le centre de l'Eurasie. Il est difficile de déterminer le bon scénario. Cependant les derniers résultats d'ADN ancien dans les populations préhistoriques d'Eurasie pointent vers une solution. En effet, une forte migration a été mise en évidence à partir de la région des steppes Caspio-Pontiques associée à la diffusion de la culture Yamnaya et à la création en Europe de la culture Cordée. La première arrivée détectée dans cette étude de la bactérie Yersinia pestis est identifiée en Croatie et dans la région Baltique coïncidant avec l'arrivée de l'ascendance des steppes dans les populations humaines. Les échantillons de la Baltique dans lesquels a été identifié Yersinia pestis appartiennent à des squelettes de la culture Cordée, celui de Croatie à la culture de Vučedol. Les échantillons situés à la base de l'arbre phylogénétique de Yersinia pestis en Russie et dans le Sud de la Sibérie appartiennent à des squelettes des cultures Yamnaya et Afanasievo respectivement. Ces résultats suggèrent une diffusion de la peste avec les migrations Yamnaya en Eurasie Centrale et en Europe Centrale. De plus tous ces anciens squelettes possèdent une forte ascendance steppique:
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Un des individus portant la bactérie de la peste en Allemagne appartient à la culture Campaniforme et possède également de l'ascendance steppique. Cela suggère que la bactérie Yersinia pestis s'est diffusée plus loin vers l'Ouest avec la culture Campaniforme. Le plus jeune échantillon portant la peste, RISE505, est situé en Sibérie du Sud et est associé à la culture d'Andronovo. Le génome de la bactérie descend d'une souche située en Europe Centrale suggérant une migration d'Europe Centrale vers le sud de la Sibérie à cette époque (figure B ci-dessus). Ce résultat est a rapprocher des résultats d'ADN ancien qui ont montré que les populations des cultures Sintashta, Srubnaya et Andronvo datées entre 3700 et 3300 av. JC., portaient de l'ascendance fermier Néolithique d'Europe. Ainsi ces données confortent le scénario 2 décrit ci-dessus.

Les menaces des infections par la bactérie Yersinia pestis ont pu être un facteur de plus grande mobilité à la fin du Néolithique et au début de l'Âge du Bronze. La présence de cette maladie en Europe peut avoir joué un rôle important dans le changement de populations observé à cette époque en Europe, favorisant ainsi les populations les mieux immunisées contre cette maladie.