L'Inde héberge plus d'un million de personnes qui appartiennent à des milliers de groupes ethniques ou culturels. Ces groupes parlent des langues de quatre familles différentes: Indo-européenne, Dravidienne, Austro-asiatique et Tibéto-birmane. Les études génétiques précédentes ont montré que la majorité de ces populations descendent de deux populations ancestrales: les Anciens Indiens du Nord (ANI) et les Anciens Indiens du Sud (ASI). Les Indiens Munda qui parlent une langue Austro-asiatique ont en plus une faible quantité d'ascendance du Sud-Est Asiatique. Dans le monde, plus de cent millions de personnes parlent une langue Austro-asiatique dont la plupart sont situées dans le Sud-Est Asiatique. Cependant plus de dix millions d'entre elles vivent en Inde du Centre ou de l'Est.

Le vocabulaire important lié à la culture du riz suggère que ces langues Austro-asiatiques ont accompagné l'expansion de l'agriculture. De plus les études génétiques uniparentales ont montré que 100% des lignages maternels des Mundas sont originaires d'Inde alors que 65% de leurs lignages paternels sont originaires d'Asie du Sud-Est.

Kai Tätte et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: The genetic legacy of continental scale admixture in Indian Austroasiatic speakers. Ils ont étudié le génome de 102 Mundas, qu'ils ont comparé ensuite au génome de 978 individus appartenant à 72 populations d'Inde, d'Asie du Sud-Est et d'Asie de l'Est.

Les auteurs ont réalisé une analyse avec le logiciel ADMIXTURE:
2018_Tatte_Figure1.jpg

La figure ci-dessus montre que les Mundas partagent les trois quarts de leur ascendance (composantes k3, k4 et k5) avec les populations Indo-européennes et Dravidiennes d'Inde. De manière intéressante, les populations Indiennes ont également une composante rose (k2) qui est fréquente chez les Européens, les Ouest Eurasiens et les Pakistanais. Cependant cette composante rose est absente chez les Mundas. Enfin, environ un quart de l'ascendance (composantes k6 à K12) des populations Munda est partagé avec les populations du Sud-Est Asiatique. Il y a deux populations Indiennes avec un profil génétique similaire aux Mundas: les Gonds qui parlent une langue Dravidienne et les Nihali. Les Gonds sont connus pour avoir reçu un flux de gènes important des populations Munda, et les Nihali sont sensés être issus des Mundas.

Les auteurs ont également effectué une Analyse en Composantes Principales. Dans la figure ci-dessous les Africains sont situés en bas à gauche (en rose), les Européens en haut à gauche (en bleu clair), les Est Asiatiques (en bistre) et les Sud-Est Asiatiques (en orange) à droite. Les Indiens s'étendent entre les Européens et les Est Asiatiques, et les Mundas sont en rouge:
2018_Tatte_FigureS4.jpg

Ainsi les Mundas du Sud (en rouge foncé) sont les populations Indiennes les plus proches des populations de l'Est et du Sud-Est Asiatique, alors que les Mundas du Nord (en rouge clair) sont plus proche des populations Dravidiennes.

Ces résultats confirment que les Mundas sont le fruit d'un mélange génétique entre une population Indienne et une population du Sud-Est Asiatique.

Les auteurs ont ensuite utilisé la statistique f3 pour rechercher les populations actuelles les plus proches des populations qui sont à l'origine du mélange génétique chez les Mundas. Ainsi ils ont trouvé que la source du Sud-Est Asiatique est proche des Lao du Laos, des Dai de Chine ou des Murut de Bornéo. La source Indienne est proche des Paniya et des Pulliyar du Kerala. De plus, pour les Mundas du Nord on trouve également les Chamar qui parle une langue Indo-européenne et pour les Mundas du Sud les Jarawa et Onge des îles Andaman.

Les auteurs ont ensuite étudié les segments identiques par descente (IBD). Ainsi les Mundas partagent le plus grand nombre de segments IBD avec les Chenchus qui parle une langue Dravidienne et les Chamars, en dehors des Gonds et des Nihali. En Asie du Sud-Est, les populations qui partagent le plus de segments IBD avec les Mundas sont les Mah Meri et les Temuan de la péninsule Malaisienne. De manière intéressante, les populations du Sud-Est Asiatique partagent plus de long segments et les populations Indiennes plus de courts segments avec les Mundas:
2018_Tatte_Figure2.jpg

De manière surprenante on trouve des populations Dravidiennes, mais aussi des populations Indo-européennes qui partagent des segments IBD avec les Mundas, alors que ces derniers n'ont pas la composante rose Ouest-Eurasienne.

Les auteurs ont ensuite utilisé le logiciel ADLER pour estimer les dates de mélange génétique chez les Mundas. Les résultats donnent une valeur de 3850 ans pour les Mundas du Sud et 2850 ans pour les Mundas du Nord. Ces derniers ont subi plus de mélanges génétiques que les Mundas du Sud, probablement à une date ultérieure.

De manière intéressante, les Mundas n'ont pas la composante rose Ouest Eurasienne qui a été apportée par les migrations Indo-aryennes. Ainsi le mélange génétique qui a formé la population Munda précède l'arrivée de cette composante en Inde du Centre et de l'Est. Cependant la date estimée par le logiciel ADLER de 3850 ans pour le premier événement de mélange génétique, est plus ou moins contemporaine de ces migrations Indo-aryennes. Ainsi les populations Indo-européenne et Austro-asiatique sont arrivées plus ou moins en même temps en Inde, les premières au Nord-Ouest et les secondes à l'Est.

Mise à jour

Ce papier a été définitivement publié en mars 2019 dans le journal Nature: The genetic legacy of continental scale admixture in Indian Austroasiatic speakers