Les études génétiques précédentes ont montré que la grande majorité des Amérindiens en dehors de la zone Arctique, dérivent d'une population ancestrale unique. Cette population ancestrale est supposée s'être séparée en deux branches entre 17.500 et 14.600 ans: les Amérindiens du Sud et les Amérindiens du Nord. Un ancien individu du site archéologique de Anzick dans le Montana daté d'environ 12.800 ans et associé à la culture Clovis appartient à la branche Sud Amérindienne. La branche Nord Amérindienne est fortement représentée dans le Nord-Est de l'Amérique, et parmi les ancien individus du Sud-Ouest de l'Ontario au Canada. D'autre part certains groupes Amazoniens actuels comme les Surui, possèdent une ascendance Autralésienne.
Cosimo Posth et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Reconstructing the Deep Population History of Central and South America. Ils ont séquencé le génome de 49 individus de quatre régions différentes: Belize, Brésil, Pérou et cône sud-Américain (Chili et Argentine). Dans chacune de ces régions le plus ancien individu est plus vieux que 9000 ans:
Les plus anciens individus de cette étude ne partagent pas plus d'allèles avec les populations Amérindiennes actuelles de la même région qu'avec celles de régions différentes. Cependant, il y a une forte continuité génétique entre les anciens individus datés de moins de 5800 ans et les populations actuelles de la même région.
Au Pérou, les plus anciens individus de Cuncaicha et Lauricocha partagent plus d'allèles avec les groupes Amérindiens actuels du centre des Andes.
Les anciens individus de Arroyo Seco 2 et Laguna Chica datant de 8600 ans ont une forte affinité génétique avec des groupes actuels Amérindiens du cône sud-Américain.
Au Brésil, la continuité génétique avec les groupes actuels commencent avec l'ancien individu de Moraes vieux de 5800 ans. Il y a également une forte continuité génétique entre les anciens individus de Jabuticabeira 2 vieux de 2000 ans de la culture Sambaqui, et les groupes actuels du sud du Brésil. Ces anciens individus partagent plus d'allèles avec les groupes Amérindiens actuels parlant une langue Gê que ceux parlant une langue Tupi-Guarani. Ce résultat supporte la théorie qui relie la culture Sambaqui et les locuteurs de la langue proto-Gê qui sont supposés avoir vécu il y a environ 2000 ans. Cela suppose également un remplacement de population sur la côte Brésilienne: les locuteurs de langue Gê remplacés par des locuteurs de langue Tupi-Guarani.
La figure ci-dessus montre également l'affinité génétique des différents anciens squelettes avec Anzick-1 de la culture Clovis. Ainsi tous les anciens individus d'Amérique du Sud et Centrale ainsi que les Californiens sont proches de Anzick-1, à l'inverse des anciens Américains du Nord. Cependant certains sont plus proches de Anzick-1 que les autres, par exemple l'individu de Los Rieles du Chili vieux de 10.900 ans, l'individu de Lapa do Santo du Brésil vieux de 9.600 ans, et plusieurs individus du Pérou datant de 4200 ans ou moins. Ces résultats sont indiqués par la statistique f4 et confirmés par le logiciel qpWave. Ce dernier indique de plus que la plupart des anciens Amérindiens du Sud sont issus de trois sources ancestrales différentes dont Anzick-1 et les anciens Californiens de la côte. Si, en plus, on intègre les Surui d'Amazonie, on rajoute une quatrième source ancestrale d'origine Australésienne.
Les auteurs ont ensuite utiliser le logiciel qpGraph pour construire des modèles démographiques. Ils ont ainsi pu relier neuf populations différentes d'Amérique du Nord, Centrale et du Sud issue d'une population source unique sans mélange génétique significatif entre les branches Nord et Sud Amérindiennes. Ce résultat va à l'encontre des conclusions du papier de Scheib qui supposait des mélanges génétiques importants entre les branches Sud et Nord Amérindiennes. Cependant si les auteurs intègrent l'ancien individu de Anzick-1 dans le graphe, ils doivent également intégrer des événements de mélange génétique:
Ce résultat indique au moins 4 événements de mélange génétique entre l'Amérique du Sud et des régions en dehors de l'Amérique du Sud: une première source à l'origine de toutes les populations Sud Amérindienne (en vert ci-dessus), un lignage proche de Anzick-1 chez l'ancien individu de Los Rieles du Chili vieux de 10.900 ans, chez l'ancien individu de Lapa Do Santo du Brésil vieux de 9600 ans ou l'ancien individu de Arroyo Seco 2 d'Argentine vieux de 7.700 ans (en bleu clair), une ascendance Sud Amérindienne en provenance de la côte Californienne (USA San Nicolas) dans les anciens individus du Pérou (en jaune). Le dernier événement est représenté par l'ascendance Australésienne chez les Surui d'Amazonie qui ne sont pas représentés dans le graphe ci-dessus.
Il n'y a quasiment pas de mélange génétique entre les branches Sud et Nord Amérindiennes. Le seul signal mis en évidence est celui détecté chez les anciens Péruviens plus récent que 4200 ans, mais il reste inférieur à 2%.
Il y a très peu de dérive génétique dans les différents lignages conduisant aux anciens groupes d'Amérique du Sud, ce qui implique une rapide diffusion de la migration initiale vers les différentes régions d'Amérique du Sud.
Il y a une ascendance commune entre l'ancien individu Anzick-1 de la culture Clovis avec les premiers individus d'Amérique du Sud ou Centrale ce qui implique qu'un groupe associé à la culture Clovis était associé à cette première population arrivée en Amérique du Sud, bien que l'essentiel de cette première population était issue d'une population différente de la culture Clovis. Ce résultat peut s'expliquer par une première migration en Amérique du Sud d'une population associée à la culture Clovis, suivie vers 9600 ans par une seconde migration qui a remplacé une bonne part de la population Sud Américaine. Ces résultats sont notamment corrélés avec les preuves archéologiques au Brésil. Cependant ce pourrait être l'inverse, une première migration par une population antérieure à la culture Clovis, liée par exemple au site archéologique de Monte Verde au Chili vieux de 14.500 ans, remplacée par une seconde migration reliée à la culture Clovis.
Les auteurs n'ont pas détecté le signal Australésien présent dans la population actuelle Surui, dans l'ensemble des anciens individus analysés dans cette étude.
Enfin les données de cette étude montrent que le gène EDAR lié à la forme des dents et à la texture des cheveux crépus et épais, présent chez tous les Amérindiens et Est Asiatiques actuels, n'était pas présent chez tous les anciens individus d'Amérique comme USR1, Anzick-1, Lapa Do Santo et Laranjal du Brésil. Ainsi il est probable que ce gène s'est imposé chez les Amérindiens et les Est Asiatiques de façon indépendante en parallèle.
Histoire génomique de l'Amérique Centrale et du Sud
dimanche 11 novembre 2018. Lien permanent ADN ancien