Depuis le début de l'holocène, le mode de subsistance de la majorité des populations est passé de la chasse et la cueillette à l'agriculture et au pastoralisme. Ce changement a pu être associé à des migrations ou à des changements culturels des populations locales selon les régions. En Europe, une nouvelle population est arrivée en provenance d'Anatolie. Elle a remplacé ou s'est mélangé avec la population locale selon la période ou la région. En Afrique, l'agriculture est associée notamment avec l'expansion de la population Bantoue. Cependant quelques populations actuelles ont conservé le mode de vie des chasseurs-cueilleurs.

Shyamalika Gopalan et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Hunter-gatherer genomes reveal diverse demographic trajectories following the rise of farming in East Africa. Ils ont séquencé le génome d'une population de chasseurs-cueilleurs actuelle d'Afrique de l'Est: les Chabu. Ils habitent les forêts des hauts plateaux à la frontière des états de Oromia et Gambella et la Région des nations, nationalités et peuples du Sud, au sud-est de l'Éthiopie. Le dernier recensement indique une population comprise entre 1700 et 2500 individus. Cette population affirme qu'elle est originaire de la région, propos confirmés par les populations voisines d'agriculteurs: les Majangir et Shekkacho. Les Chabu parle une langue isolat, alors que les Majangir parlent une langue Nilo-Saharienne et les Shekkacho une langue Afro-Asiatique.

Les auteurs ont comparé ces génomes à ceux des populations voisines d'Afrique de l'Est et à celui de l'ancien chasseur-cueilleur de Mota vieux de 4500 ans. Ils ont réalisé une analyse avec le logiciel ADMIXTURE dont les résultats sont optimaux pour K=5. Les composantes identifiées sont associées aux ascendances Nilo-Saharienne (en bleu), Afro-Asiatique (en bistre), Éthiopie du sud-ouest (en violet), Niger-Congo (en vert) et Proche-Orientale (en bleu-vert):
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Les Chabu et leurs voisins agriculteurs (Majangir et Gumiz) ne possèdent que les trois premières composantes. De manière importante l'ancien individu de Mota possède une très forte proportion de composante d’Éthiopie du sud-ouest, suggérant que cette composante caractérise cette région depuis au moins 4500 ans. La population Chabu est la population actuelle qui possède également le plus de cette composante, suivie par les populations Aari, Majangir et Gumiz.

La carte des migrations ci-dessus montre les corridors de migration et les barrières. Ces dernières correspondent souvent à des motifs géographiques comme les déserts, les montagnes et les cours d'eau.

Les auteurs ont également fait une Analyse en Composantes Principales. Dans la figure ci-dessous les Espagnols sont à gauche, les Africains de l'ouest en bas à droite et les Chabu (carrés verts) en haut à droite à proximité de l'ancien individu de Mota (lozange violet), des Majangir (ronds rouges) et Gumuz (ronds oranges):
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Ainsi les Chabu sont probablement les descendants directs des anciens chasseurs-cueilleurs de la région. Les Aari, quoique situés à proximités sur la PCA, ont un profil génétique un peu différents des Chabu. Ils sont situés davantage vers les Wolaytas, un groupe Afro-Asiatique.

Les auteurs ont également étudié les segments d'homozygotie. Ainsi les Chabu sont la population avec les plus longs segments par rapport à leurs voisins indiquant ainsi une plus forte consanguinité et donc une isolation plus grande. Cependant les Hadza, population de chasseurs-cueilleurs de Tanzanie, ont des segments encore plus longs que les Chabu. En fait les populations actuelles de chasseurs-cueilleurs en Afrique ont des longueurs de segments d'homozygotie variable, suggérant différents niveaux d'isolement et de déclin de la taille de la population. Certaines populations de chasseurs-cueilleurs comme les Biaka, pygmées d'Afrique Centrale, ont des niveaux équivalents aux populations d'agriculteurs.

Les auteurs ont estimé un récent déclin de la population des Chabu mais aussi des Majangir et Aari forgerons, alors que les Aari cultivateurs, les Gumuz et les Shekkacho ont vu leur population augmentée. Ce déclin a commencé il y a environ 40 à 50 générations.

En Afrique l'expansion Bantoue a résulté en l'assimilation ou l'extinction des populations de chasseurs-cueilleurs locales. En fait il y a une diversité dans le destin de ces populations. Ainsi les Majangir et les Gumuz sont d'anciennes populations de chasseurs-cueilleurs acculturées à l'agriculture. Ils ont un profil génétique similaire. Cependant les Gumuz ont prospéré alors que les Majangir ont décliné, sans flux de gènes extérieur notable. Les Sandawe, parlant une langue à clics, ont eu un destin similaire aux Majangir.