La Corse est localisée au sud de la Côte d'Azur et à l'ouest de la Toscane. Au sud, elle est séparée de la Sardaigne par le détroit de Bonifacio large de 11 km. Durant la dernière glaciation, la Corse et la Sardaigne formaient une île unique plus proche de l'Italie qu'actuellement. La plus ancienne trace humaine de Corse est la sépulture Mésolithique de Campo Stefano datée entre 8216 et 7920 av. JC. La présence permanente de l'homme sur l'île est attestée depuis le Néolithique au 6ème millénaire av. JC.

Durant les trois derniers millénaires, la Corse a subi des réductions drastiques de sa population à cause des conquêtes, des épidémies et des crises économiques. Les Grecs se sont établis à Alalia (aujourd'hui Aleria) en 565 av. JC. Ils ont été suivis par les Carthaginois, les Étrusques, les Romains, les Vandales, les Ostrogoths et les Sarrasins. A partir du 11ème siècle, la Corse est sous la domination de Pise avant de tomber sous l'influence du roi d'Aragon puis de la ville de Gênes. Après une courte période d'indépendance, la Corse est rattachée à la France en 1768.

Erika Tamm et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Genome-wide analysis of Corsican population reveals a close affinity with Northern and Central Italy. Ils ont séquencé le génome de 16 individus Corses localisés en différents endroits de l'île.

Les auteurs ont commencé par étudier les segments d'homozygotie pour explorer les éventuelles traces d'isolation et d'endogamie de la population Corse. Les résultats montrent un excès de segments d'homozygotie à un niveau proche des Sardes et des Basques Français:
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Ce résultat suggère une population isolée avec une faible taille effective de la population et un haut degré d'endogamie similaire aux Sardes et aux Basques.

Les auteurs ont ensuite réalisé une analyse avec le logiciel ADMIXTURE. Pour K=6, les corses possèdent trois ascendances différentes: Sarde en bleu foncé, Europe du nord et de l'est en bleu clair et Caucase et Moyen-Orient en vert:
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Les corses sont plus similaires aux populations du nord et du centre de l'Italie, bien qu'ayant une proportion un peu plus forte d'ascendance Sarde. Ces tendances sont encore valables pour de plus fortes valeurs de K. Les voisins géographiques des Corses comme les Français ou les Sardes ont beaucoup moins d'ascendance du Moyen-Orient. Pour K=11, une ascendance Basque en bleu émerge chez les Corses.

L'analyse de la distance génétique indique que les Corses sont plus proche de leurs voisins continentaux que des Sardes ou des Basques. D'autre part, l'analyse avec la statistique f3 montre que les Corses partagent plus de dérive génétique avec les Sardes et les Basques, suivis par les Italiens du nord.

Les auteurs ont ensuite utilisé les logiciels ChromoPainter, fineStructure et GlobeTrotter pour étudier le partage d'haplotypes entre populations. Les auteurs ont identifié 85 clusters génétiques. Ainsi les Eurasiens de l'ouest se regroupent en 38 clusters issus de 6 macro-clusters:
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Les populations du Levant se regroupent avec celles de Chypre et d'Arménie (cluster violet), les autres populations du Caucase se regroupent ensemble (cluster bleu). Les Corses se regroupent avec les Italiens et les Ibères (cluster rouge) définissant un macro-cluster du sud de l'Europe. A une échelle plus fine, 12 des 16 Corses se regroupent ensemble et sont reliés à des Italiens du nord et du centre. Trois des autres Corses sont dans trois clusters différents reliés respectivement à des Italiens du nord et du centre, des Français et des Ibères reflétant probablement des relations récentes avec les populations continentales. Le dernier Corse se regroupe avec des Ibères.

Les auteurs ont ensuite réalisé ont Analyse en Composantes Principales:
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La première composante sépare les populations selon un axe nord-sud avec les populations du nord à gauche et les populations du sud à droite. La seconde composante sépare les populations selon un axe ouest-est avec les populations occidentales en haut et les populations orientales en bas. Les Basques (points verts) et les Sardes (carrés et losanges rouges croisés) se situent à part, tout en haut de la figure. La plupart des Corses (symboles encerclés de noir)) se regroupent avec les populations d'Italie ou d'Espagne.

Le logiciel GlobeTrotter permet d'estimer les dates de mélanges génétiques. Ainsi pour le cluster Corse principal, un mélange génétique entre une population d'Europe de l'ouest et du nord et une population du Levant ou d'Afrique du Nord est mis en évidence. Il est estimé entre 37 et 76 générations, avec une moyenne de 60 générations équivalent à une date de 1800 ans si on prend 30 ans par génération. La période correspond à la chute de l'empire Romain et à l'arrivée des invasions Barbares:
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De manière intéressante les clusters Sardes on subit le même type de mélange génétique daté autour de 59 et 44 générations. Les deux îles ont donc subit le même événement démographique.

Les auteurs ont ensuite comparé les génomes Corses avec ceux des anciennes populations Européennes. Les auteurs ont d'abord réalisé une Analyse en Composantes Principales. Les Corses se retrouvent à proximité des anciens Européens du Néolithique et du Chalcolithique. Ils sont cependant plus proche des Italiens du Nord actuels que des Sardes actuels.

Les auteurs ont ensuite fait une analyse avec le logiciel qpAdm pour caractériser les anciennes ascendances des populations actuelles:
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Les Corses sont caractérisés par une forte proportion (56%) d'ascendance des fermiers d'Europe (EEF) du Néolithique, comme les Italiens, les Espagnols ou les populations des Balkans. Ils ont en plus une proportion importante (22%) d'ascendance des fermiers d'Iran (CHG). Ils ont enfin 11% pour chacune des deux ascendances de chasseurs-cueilleurs de l'est (EHG) et de l'ouest (WHG). D'après les études d'ADN ancien précédentes, une partie des ascendances EHG et CHG correspond aux migrations des pasteurs des steppes de l'Âge du Bronze. Cependant une partie de l'ascendance CHG est liée à un autre mouvement démographique.

En conclusion cette étude montre que les Corses sont constitués d'un mélange génétique unique avec des affinités avec l'Italie du nord et du centre, mais aussi avec la Sardaigne.

Mise à jour

Ce papier a été définitivement publié en septembre 2019 dans la revue Nature: Genome-wide analysis of Corsican population reveals a close affinity with Northern and Central Italy