Située au centre de l'Europe occidentale, la France est un pont entre l'Europe du Nord et les espaces Méditerranéen et Ibérique. Cette position a fortement affecté l'histoire démographique de son territoire attestée par les nombreux peuples et cultures qui s'y installèrent: Grecs, Romains, Celtes, Germains, Musulmans, Magyars et Vikings. A la lumière de ce passé complexe, peu d'études génétiques de la France ont été réalisées. Une étude mitochondriale a été réalisée en 2007 par Richard et une étude autosomale a été réalisée sur l'ouest de la France en 2015 par Karakachoff.
Simone Andrea Biagini et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Reshaping the Hexagone: the genetic landscape of modern France. Ils ont testé le génome de 331 individus de différents départements de la France, dont seulement 276 ont donné des résultats. Les auteurs ont utilisé également 79 échantillons supplémentaires d'une étude préalablement publiée en 2016 par Lazaridis et al., et 60 échantillons non encore publiés localisés dans le pays Basque et la région Franco-Cantabre. Cependant 20 individus considérés comme des outliers ont été écartés, conduisant à un total de 395 échantillons utilisés pour cette étude, répartis sur 20 départements. Dans la figure ci-dessous les points bleus correspondent aux échantillons testés dans le cadre de cette étude, les points jaunes aux échantillons de l'étude de Lazaridis et les points rouges aux échantillons non publiés:
Pour des besoins de comparaison avec les populations voisines, les auteurs ont utilisé 218 échantillons d'Allemagne, de Norvège, d'Espagne, d'Italie, d'Angleterre, d'Irlande et d’Écosse, ainsi que 107 échantillons supplémentaires d'Espagne et 8 échantillons supplémentaires d'Italie.
Les auteurs ont réalisé une Analyse en Composantes Principales avec les échantillons Français (Figure A ci-dessous). La première composante sépare deux groupes principaux constitués par les échantillons Basques (en noir à droite) d'une part et les autres échantillons (à gauche) d'autre part, reliés par un pont formé par les échantillons de la région Franco-Cantabre en orange:
Dans la figure B, les auteurs ont supprimé les échantillons Basques et Franco-Cantabres. Dans cette figure les échantillons de la région Bretagne (en rouge à gauche) se séparent des autres.
Les auteurs ont ensuite réalisé une analyse de la distance génétique Fst. La plus grande distance estimée se trouve entre les individus Basques et Franco-Cantabres et les individus de Bretagne. Ensuite la plus grande distance sépare les bretons des individus du sud-est de la France. Ces résultats sont illustrés par une analyse multi-échelles basée sur la distance génétique. Dans la figure ci-dessous, le schéma du haut sépare les Basques (en noir à gauche) des autres individus. Le schéma du bas est réalisé sans les Basques et Franco-Cantabres. Il sépare les Bretons (en rouge à droite) des autres individus:
Les auteurs ont réalisé une analyse EEMS pour visualiser les motifs de diversité et les barrières génétiques. Il y a ainsi plus de migrations dans le nord de la France que dans les autres régions et beaucoup moins dans l'ouest:
Les auteurs ont ensuite comparé les génomes Français avec celui des individus des pays voisins. Les Bretons ont beaucoup d'affinité génétique avec les individus des îles Britanniques. Cela se voit notamment sur l'analyse avec le logiciel ADMIXTURE.
L'utilisation de la statistique f3 montre d'autre part que de nombreux Français sont issus d'un mélange génétique entre des Irlandais et des Italiens du sud.
Les auteurs ont ensuite analyser les partages d'allèles entre individus de départements différents à l'aide du logiciel fineStructure. Les auteurs ont ainsi mis en évidence au moins quatre groupes différents. D'une part les individus de la région Franco-Cantabre se séparent en deux groupes: les locuteurs du Basque et les autres. Les Bretons forment un autre groupe à part, et les individus du nord et du nord-est forment encore un autre groupe.
Les auteurs ont refait la même analyse avec le logiciel fineStructure en incluant les individus d'autres pays d'Europe. Ils ont obtenus ainsi 35 groupes distincts dont 11 situés en France. Les auteurs ont supprimé trois groupes parmi ces 11 car ils incluent très peu d'individus. Il reste ainsi huit groupes qui correspondent à différentes régions de France:
Les auteurs ont ensuite fait une analyse avec le logiciel GlobeTrotter basée sur les huit groupes identifiés ci-dessus. La figure ci-dessous donne ainsi les profils d'ascendance pour chacun de ces groupes. Toutes les nuances de rose donnent les proportions des différentes ascendances françaises, et les autres couleurs donnent les proportions d'ascendances externes:
Ainsi les groupes du sud-ouest reçoivent plus d'ascendance venue d'Espagne et le groupe de Bretagne reçoit une forte ascendance venue d'Irlande et d’Écosse. Le groupe du nord reçoit une forte ascendance de Grande Bretagne. Le groupe du nord-est reçoit des ascendances d'Europe centrale et de l'est et le groupe du sud-est une forte ascendance venue du nord de l'Italie et d'autres parties de la Méditerranée.
Le lien génétique de la Bretagne avec les îles Britanniques fait écho aux migrations historiques du 4ème siècle ainsi qu'aux migrations durant la guerre d'Irlande du 17ème siècle. On retrouve ce lien dans l'analyse avec la statistique f3 qui modélise de nombreux Français comme issus d'un mélange génétique entre des Irlandais et des Italiens du sud. Ce dernier lien est probablement relié aux diffusions des Grecs durant l'Âge du Fer qui a produit un mélange génétique entre une population Celte continentale avec des populations Méditerranéennes. Les autres influences externes correspondent probablement à des événements beaucoup plus récents comme la révolution industrielle du 19ème siècle ou la politique d'asile pour les populations soumises à des régimes répressifs au 20ème siècle.
Mise à jour
Ce papier a été définitivement publié en avril 2020: The place of metropolitan France in the European genomic landscape
10 réactions
1 De Jluc - 09/08/2019, 10:30
Bonjour et merci pour vos articles toujours intéressants.
Dans cette étude on parle d'un groupe sud est , alors que je ne vois pas quels départements sont concernés. (le 13 est quand même particulier). Aucun département de la zone de langue franco-provençale n'est représenté! Cette région marquée par la vallée du Rhône et les Alpes a toujours été une zone où les échanges étaient intenses, en interne et avec d'autres régions ou pays. L'étude me semble bien partielle pour revendiquer une vision globale de la France. D'un point de vue méthodo combien faudrait il d’échantillons pour prétendre connaitre le "genetic landscape of modern France" sans ouvrir des portes ouvertes en analysant surtout des populations particulières: du type breton ou basque? 400 échantillons pour 67 000 000 d'habitants c'est quand même peu!
Tout cela dit, sans volonté de polémique
2 De Bernard - 09/08/2019, 17:15
Bonjour Jluc,
les seuls échantillons du sud-est de la France sont ceux des Bouches du Rhône.
Oui je pense que 400 échantillons sur la France entière cela fait bien peu. A titre de comparaison l'étude de Aude St Pierre en avait près de 2200 avec des échantillons dans chaque département.
3 De Coucou - 12/08/2019, 13:26
C'est quand même encore une fois n'importe quoi ... On dirait qu'il y a une malédiction pour pondre quelque chose de correct au sujet de la France.
Un exemple parmi d'autres : c'est qui ces HPB (Hautes-Pyrénées Basque) ? Depuis quand les Hautes-Pyrénées comportent-elles une population basque ? C'est un échantillon de personnes d'origine basque dans les Hautes-Pyrénées ? Quel intérêt ?
4 De Garibaldi - 20/09/2019, 20:29
Bien sûr qu'il y a un substrat basque dans les Hautes-Pyrénées !!
5 De skyarrow - 22/12/2019, 15:16
Bonjour à tous, cet article me chagrine, il est écrit: les nombreux peuples et cultures qui s'y installèrent: Grecs, Romains, Celtes, Germains, Musulmans, Magyars et Vikings... Je ne savais pas que les musulmans formaient un peuple. Écrire, invasions, berbères, espagnoles, arabes (moyen - orient)... aurait dû être cette terminologie.
Entre autre, une réflexion, sachant que César a massacré les 2/3 des gaulois durant sa guerre en Gaule (un génocide). Ces gaulois ont été remplacés, par des lignages forcés entre la soldatesque Romaine et les indigènes.
Exemple le Cher (mon département), il est écrit dans les ouvrages que César massacra toute la population (elle avait le tort de résister). Les légions participant à ce massacre, furent principalement, des légions de Numidie (Berbères, Libyenne, Baléares…), ensuite Caucase.
Le repeuplement et la Pax Romania furent les fruits de ces mélanges. Donc si j’en crois les livres, il manque certaines données dans les résultats. J’ajoute que je ne suis pas un spécialiste dans ce domaine et il me manque certainement des points que je ne connais pas.
L’échantillonnage aussi soulève des problèmes, le nombre est trop petit, les conditions pour faire partie de ce panel, le but de cette recherche.
Sachant que les Celtes apparaissent chez nous vers -500 ans AV JC (Peuplade de l’Est), qu’elle est le socle originel de notre population ?
Je pense une France, bien mélangée…
Bonne journée à tous
6 De Tata - 10/08/2020, 04:22
C’est intéressant, quoique l’échantillon de population testée est très petit. Je suis québécoise. Mon test d’adn de 23andme me donne des proportions très proche de celui des bretons.
Je suis 90% européenne du nord-ouest. 42% de l’Île de France, les Haut-de-France et le Grand-Est, 30% britanique (surtout écossaise), 5% espagnole. Environ 1% italienne, 1% scandinave et le reste non précis (broadly).
Les principales provinces d’origine des québécois en ordre d’importance: Île-de-France, Normandie (Basse-Normandie et l’Orne surtout), Poitou-Charente (LaRochelle, Saintonge, la Vienne). Un peu la Bretagne et partout dans l’Ouest de la France en général. Nous venons surtout du Nord-Ouest de la France, mais mon test d’adn me dit que je viens du Nord-Est. (La population de Paris et de Normandie du 17e siècle était possiblement proche génétiquement des Flamands et des Belges. Les anciens habitants devraient être testés et comparés aux modernes).
Mon arbre généalogique est presque 100% français (des français du 17e siècle. Je n’ai pas d’ancêtre écossais connu. Alors d’où vient ce sang écossais des québécois? Soit de la Bretagne, soit de véritables écossais anglo-canadiens. On sait que l’armée britanique qui a conquis la Nouvelle-France, était composée principalement d’écossais, des Highlands. (Mon test de 23andme m’indique les Highlands). J’aurais aimée que l’étude étudie plus en détails les normands. J’ai l’impression que la Basse-Normandie est sûrement proche génétiquement des bretons.
Et c’est à peu près pareil pour presque tous les québécois, à quelques pourcentages près. Nous sommes une population plutôt homogène, formée à partir d’un petit groupe de pionniers français. Il y a un « effet fondateur » dans notre population.
7 De Divic - 02/02/2021, 18:54
Bonjour Monsieur,
Ce pourrait t'il que ces "ascendances" soient enfaite la résultante d'un bagage génétique commun apporté lors des 3 grandes vagues de peuplement de l’Europe.
Ou alors qu'au contraire ces similitudes génétiques soient par exemple issue de migration plus récente ou datant de l'antiquité?
De même pour les Bretons et leur proximité avec la génétique Irlandaise, s’agit t'il d'ancêtres commun datant des premières vagues de peuplement de ces régions. Ou alors leurs similitudes proviennent bien des migrations du 4 et 17 eme siècle qui auraient pu à ce point impacter la génétique du peuple autochtone?
En bref pouvons nous dater avec exactitude ces liens génétiques et ainsi les rattacher ou non à des migrations ou invasion connues.
Cordialement
8 De Nath33 - 17/04/2021, 17:54
Bonjour,
J'ai fait mon arbre généalogique, cela m'a pris presque une année et j'ai trouvé des ancêtres qui remontent presque au moyen-âge.
Je suis complètement française (Hautes-Pyrénées - Puy de Dôme - Deux-Sèvres) et en faisant une recherche ADN (chromosomes autosomales), j'ai trouvé : de l' Ibère (1/3), de l'Italien (1/3) et du Celte (1/3).
Votre article est superbement bien fait mais trop compliqué pour moi. Merci d'avance de bien vouloir m'expliquer mes résultats.
9 De Dominique ALLAIN - 23/10/2022, 23:22
Il ne faut pas donner foi aux affirmations de Jules César qui a affirmé avoir détruit presque complètement ses ennemis, ceci pour se faire "mousse". Aucune guerre n'a jamais un tel impact. Les exemples de ces exagérations, relayées par le bon peuple, abondent.
Les mélanges et métissages se sont plus souvent produit à échelle locale et lentement, venant modifier les répartitions génétiques, presque sans jamais renouveler les grands pôles génétiques, faisant seulement varier leur % respectifs dans le mélange, ce qui ne veut pas dire que certains événements aient eu plus d'impact.
Comme le disent certains ici, la plupart de nos composantes génétiques sont là depuis longtemps, comme en Europe, et par exemple il est douteux que toute l'attraction de Bretons vers les Irlandais soit due à l'émigration irlandaise citée; certaines accointances datent des Bretons de Grande-Bretagne, mais avant des Gaulois, et même avant des substrats communs non-celtiques. Et ces 'admixtures' avec des composantes dites "nord-italienne", "ibérique" ou "anglaise" ne signifient pas que ces composantes aient été introduites entièrement par des hors-venus Italiens, Ibériques ou Anglais. Ce ne sont que des modélisations montrant des relations non datées. Imagine-t-on qu'une région soit peuplée uniquement de hors-venus plus ou moins récents?
10 De Helenna - 28/02/2023, 19:57
Bonsoir ,
Article très intéressant, j'aurais aimé avoir un échantillon de population plus conséquent.
Merci pour l'effort