Gerard Serra-Vidal et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Heterogeneity in Palaeolithic Population Continuity and Neolithic Expansion in North Africa. Ils ont séquencé 17 génomes d'Afrique du Nord appartenant à différentes populations Berbères ou Arabes entre le Sahara Occidental et l’Égypte. Le génome des anciens individus préalablement obtenus des Guanches des îles Canaries, des Paléolithiques et des Néolithiques du Maroc a été ajouté à ces échantillons. Dans la figure ci-dessous les anciens échantillons sont représentés par des triangles, les Berbères par des carrés et les Arabes par des disques:

2019_SerraVidal_FigureS1.jpg, nov. 2019
Ces génomes ont été comparés à ceux obtenus de différentes populations Sub-sahariennes et Eurasiennes.

Les auteurs ont réalisé une Analyse en Composantes Principales. Dans la figure ci-dessous, la première composante sépare les populations Eurasiennes (à gauche) des populations Sub-sahariennes (à droite). La seconde composante sépare les populations Européennes (en bas à gauche) des populations du Moyen-Orient (en haut à gauche). Les populations Nord Africaines se situent entre les populations du Moyen-Orient et celles Sub-sahariennes:

2019_SerraVidal_Figure1A.jpg, nov. 2019
Les auteurs ont également réalisé une analyse avec le logiciel ADMIXTURE:

2019_SerraVidal_Figure1C.jpg, nov. 2019

Dans la figure ci-dessus obtenue pour K=6, la composante noire est une composante Sub-saharienne, la composante blanche est d'origine Néolithique d'Anatolie, la composante bleue est maximale chez les populations actuelles des bédouins du Moyen-Orient et très importante chez les anciens Natoufiens du Levant, la composante violette est maximale chez les anciens chasseurs-cueilleurs du Caucase et les fermiers Néolithiques d'Iran, la composante orange est maximale chez les anciens Paléolithiques (Taforalt) et Néolithiques Anciens (IAM) du Maroc et la composante jaune est maximale chez les anciens chasseurs-cueilleurs d'Europe.

Le logiciel fineStructure confirme la présence de la composante issue du Paléolithique du Maroc dans toutes les populations Nord Africaines.

Le changement génétique observé par l'apparition de la composante blanche dans le génome des anciens fermiers de la fin du Néolithique du Maroc (KEB) indique une migration à cette époque en Afrique du Nord en provenance du Proche-Orient qui ne fait cependant pas disparaître la composante Paléolithique orange dans les populations actuelles d'Afrique du Nord.

La statistique f3 indique que la composante Paléolithique du Maroc est plus élevée chez les anciennes populations du Néolithique du Maroc ou des Guanches des îles Canaries que chez les populations actuelles d'Afrique du Nord suggérant ainsi une dilution progressive de cette ancienne ascendance avec le temps. Cette composante est significativement plus élevée à l'ouest de l'Afrique du Nord qu'à l'Est, et notamment chez les populations Berbères. A l'inverse les populations actuelles de Libye et d’Égypte montrent une plus forte proportion d'ascendance du Caucase et d'Iran.

Les populations Nord Africaines ont été décrites comme issues d'un mélange génétique entre une population Eurasienne et une population Sub-saharienne. Ces hypothèses sont confirmées par la statistique f3. Cependant certaines populations Nord Africaines ne montrent pas ce résultat probablement à cause de leur forte dérive génétique, comme les Mozabites, les Zenatas, les Saharaouis et les berbères de Tunisie. Les populations actuelles Eurasiennes qui sont le plus proches de la source du mélange génétique sont les Sardes, les Basques et les Italiens du Nord. Parmi les anciennes populations, les fermiers d'Anatolie et d'Europe sont les plus proches de cette source en accord avec la forte proportion de la composante Néolithique dans les populations d'Afrique du Nord. Ces résultats suggèrent l'importance du Néolithique dans la formation de ces populations. D'autre part, les résultats de cette étude indique que l'influence génétique des fermiers du proche-Orient a été plus importante en Afrique du Nord qu'en Europe. En effet les populations Européennes possèdent plus d'ascendance chasseur-cueilleur locale que celles d'Afrique du Nord.

Ces mélanges génétiques ont été datés avec le logiciel MALDER. Les résultats donnent une date qui varie de l'an 1329 pour les Saharaouis à 1644 pour les Égyptiens. Ils sont compatibles avec les estimations précédentes d'introduction de l'ascendance Sub-saharienne en Afrique du Nord.

Les auteurs ont ensuite mesuré les longueurs des segments homozygotes (ROH) pour détecté d'éventuelles dérives génétiques liées à la consanguinité (segments longs) ou à la petite taille de population effective (segments courts). Les populations d'Afrique du Nord montrent des valeurs intermédiaires entre les populations Sub-sahariennes et les populations Eurasiennes pour les segments ROH courts. Pour les segments longs, les valeurs sont équivalentes aux populations Sub-sahariennes et Eurasiennes à l'exception des berbères Tunisiens qui montrent une forte consanguinité. Il n'y a pas de corrélation entre le type de population: arabe ou berbère et la longueurs des segments homozygotes, ce qui infirme l'idée que les populations berbères seraient plus isolées que les autres. La taille des populations effectives en Afrique du Nord est similaire à celle des populations Eurasiennes.