L'histoire des populations du bassin des Carpates a été profondément déterminée par les invasions de divers groupes nomades venus des steppes Eurasiennes durant le Moyen-Âge. Entre 400 et 453 les Huns ont dominé la région. Des études génétiques récentes relient les Huns aux Xiongnus d'Asie intérieure. A partir de l'an 568, les Avars établirent un empire dans la région des Carpates pendant 250 ans jusqu'à ce qu'ils furent battus par les Francs et les Bulgares en 803. Les restes anthropologiques des Avars sont variés avec une forte proportion de traits mongoloïdes. L'étude du mobilier archéologique ainsi que de leur organisation sociale pointe vers une origine des Avars chez les Rourans. La présence Hongroise est attestée dans le bassin des Carpates à partir de l'an 862. Leur prince Álmos et son fils Árpád se disent descendants d'Attila, chef des Huns. Elle dure jusqu'à environ l'an 1000 au moment où le descendant d'Álmos: Étienne Ier crée un royaume chrétien. Les premières études génétiques des conquérants Hongrois montrent qu'un tiers des lignages maternels est d'origine Asiatique et le reste est d'origine ouest Eurasienne.

Endre Neparáczki et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Y-chromosome haplogroups from Hun, Avar and conquering Hungarian period nomadic people of the Carpathian Basin. Ils ont analysé les haplogroupes du chromosome Y de plusieurs individus issus de 8 cimetières de Hongrie hébergeant des conquérants Hongrois mais également des individus des périodes Hun et Avar précédentes. Les auteurs ont également testé quelques marqueurs autosomaux associés à la couleur des yeux, des cheveux et de la peau, et à la tolérance au lactose. Les auteurs ont obtenus des résultats pour 46 hommes dont trois de la période Hun et 14 de la période Avar:

2019_Neparaczki_Figure1.jpg, nov. 2019
Dans la table ci-dessus le code couleur correspond à la région d'origine de l'haplogroupe: jaune pour l'Eurasie de l'est, rose clair pour l'Eurasie de l'ouest, rose foncé pour l'Europe du nord-ouest, orange pour le Caucase et le Moyen-Orient et vert pour l'Eurasie. La figure ci-dessous résume les proportions des différents haplogroupes uniquement pour les conquérants Hongrois:

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L'haplogroupe Q1a2-M25 est très rare en Europe. Sa fréquence maximale est chez les Széklers de Transylvanie. On connaît cet haplogroupe chez des anciens individus des cultures d'Okunevo et de Karasuk, ansi que chez des Huns du Tian-Shan suggérant une origine Hunique de cet haplogroupe en Europe.

L'haplogroupe R1a-Z2124 est une sous-clade de R1a-Z93 la branche Asiatique de R1a. Aujourd'hui cet haplogroupe est fréquent au Kyrgyzstan et en Afghanistan. Il est aussi répandu chez les Karatchaï balkar du Caucase et les Bachkirs situés entre la Volga et les Monts Oural. Cet haplogroupe se retrouve également dans les anciennes culture de Sintashta et d'Andronovo.

Deux anciens Avars appartiennent à l'haplogroupe C2-M217 fréquent en Asie Centrale et dans l'est de la Sibérie. L'haplogroupe N1a-M178 est fréquent en Sibérie. La branche N1a-Z1936 se retrouve chez les Saami, les Finnois, les Caréliens ainsi que chez les Komis, les Tatars de la Volga et les Bachkirs.

L'haplogroupe R1a-CTS1211 est fréquent chez les populations Slaves de l'est de l'Europe. L'haplogroupe I2a-L621 est d'origine Européenne et se retrouve notamment chez les anciennes populations Mésolithiques et Néolithiques d'Europe notamment dans les cultures Cucuteni-Trypillia et de Baden. L'haplogroupe I1-M253 est fréquent en Scandinavie, de même que l'haplogroupe R1b-U106. Leur présence chez les Huns et les Hongrois peut venir des Goths, Gépides et autres tribus Germaines. L'haplogroupe R1b-U152 est originaire de la région des Alpes. Comme sa branche sœur R1b-U106, elle arrive en Europe avec les migrations issues des steppes durant l'Âge du Bronze. L'haplgroupe E1b-V13 est une branche méditerranéenne probablement originaire du Moyen-Orient. L'haplogroupe G2a-P15 est originaire d'Anatolie ou d'Iran et arrive en Europe avec la diffusion du Néolithique. Enfin les haplogroupes J1-M267 et J2-L26 sont originaires du Caucase.

Les analyses des marqueurs phénotypiques montrent que tous les Huns et les Avars ont les yeux et les cheveux sombres à l'exception d'un seul individu. A l'inverse les Hongrois possèdent une variété de phénotypes en fonction du cimetière. Ainsi les individus des sites de Sárrétudvari (SH), Magyarhomorog (MH) et une majorité de Kenézlő (KEF) possèdent des phénotypes typiquement Européens alors que ceux issus des cimetières de Karos possèdent des phénotypes Asiatiques.

La tolérance au lactose est détectée chez 1 Hun sur 3, 2 Avars sur 14 et 6 Hongrois sur 31. Le plus remarquable est que cette tolérance au lactose est fortement corrélée avec une origine Européenne.

Les auteurs ont ensuite comparé les populations Avars et Hongroises avec d'autres populations en réalisant une analyse multi-échelle. Dans la figure ci-dessous l'axe x sépare les Européens (à gauche) des Asiatiques (à droite) et l'axe y sépare les Sibériens (en haut) des Est Asiatiques (en bas):

2019_Neparaczki_Figure5.jpg, nov. 2019

Les Avars se regroupent avec les populations de Sibérie, alors que les Hongrois se situent entre les Européens de l'est et les populations d'Asie Centrale.

En conclusion les Avars sont beaucoup plus homogènes que les Hongrois. Les premiers possèdent principalement des lignages Est Asiatiques en accord avec les traces archéologiques et anthropologiques. A l'inverse les Hongrois possèdent des lignages et des phénotypes variés suggérant une origine située dans diverses populations distinctes. Il est accepté que la langue Hongroise a été apportée par les conquérants. La corrélation entre les langues Ouraliennes et l'haplogroupe du chromosome Y: N a été largement observée. La présente étude montre que l'élite des conquérants Hongrois possède une proportion non négligeable d'haplogroupe N1a.