Depuis les débuts de l'agriculture, le Proche-Orient a toujours été une terre d'influence pour les régions voisines. Les premières études de génétique ont montré que les premiers fermiers d'Anatolie, du Levant sud et du nord-ouest de l'Iran sont les descendants des chasseurs-cueilleurs locaux. Ainsi la transition du Mésolithique au Néolithique s'est faite dans la région sans mouvement de populations important. Cependant deux millénaires plus tard la situation change. En effet, les populations du Chalcolithique et du début de l'Âge du Bronze montrent moins de différenciation génétique suggérant que cette dernière transition a été accompagnée de mouvements de populations importants. Malheureusement, le faible nombre d'échantillons testés aujourd'hui ne permet pas de bien comprendre ce processus. Les preuves archéologiques dans la région montrent de nombreuses connections entre différentes régions du Proche-Orient à différentes époques. Ainsi à la fin du Néolithique le nord de la Mésopotamie (cultures de Halaf et de Samarra) est connecté avec l'est de l'Anatolie. Durant la seconde moitié du 4ème millénaire av. JC., la culture Koura-Araxe originaire du sud du Caucase, s'étend vers l'ouest et vers l'est. Ces différentes connections sont elles le résultat de mouvement de populations ou seulement d'idées ?

Eirini Skourtanioti et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Genomic History of Neolithic to Bronze Age Anatolia, Northern Levant, and Southern Caucasus. Ils ont séquencé le génome de 110 squelettes en Anatolie, au sud du Caucase et dans le nord du Levant, datés entre 5700 et 1300 av. JC.:

2020_Skourtanioti_Figure1A.jpg, mai 2020

Les auteurs ont éliminé 16 échantillons à cause de la mauvaise qualité du génome obtenu et 5 échantillons étroitement reliés au premier ou au second degré avec d'autres échantillons. Les 89 génomes restant ont été ajoutés à environ 800 anciens génomes préalablement publiés dont 17 Anatoliens issus des sites archéologiques de Tepecik-Ciftlik, Barcın, Gondürle-Höyük, Topakhöyük et Kaman-Kalehöyük et datés de la même période. Les auteurs ont réalisé une Analyse en Composantes Principales. Dans la figure ci-dessous les échantillons de l'étude actuelle sont représentés par de gros symboles alors que ceux des études précédentes sont représentés par de petits symboles:

2020_Skourtanioti_Figure3A.jpg, mai 2020

La figure ci-dessus montre que les individus de la fin du Néolithique ou du début du Chalcolithique, représentés par des triangles (pointe vers le bas), se situent sur un gradient qui s'étend le long de la seconde composante entre les individus du Néolithique d'Anatolie de l'ouest (Barcin) en bas et les anciens individus d'Iran et du Caucase en haut. Cependant les échantillons du début du Chalcolithique du site de Tell Kurdu dans le Levant nord sont légèrement déviés vers les individus du Levant sud situés en bas à droite.

Le logiciel qpAdm permet de modéliser les individu de Büyükkaya et du sud du Caucase comme issus d'un mélange génétique entre une population ouest Anatolienne (respectivement 76% et 69%) et une population du nord de l'Iran (respectivement 24% et 31%), et les individus du Levant nord de Tell Kurdu comme issus d'un mélange génétique entre une population ouest Anatolienne (47,9%), du Levant (36,6%) et une population du nord de l'Iran (15,5%):

2020_Skourtanioti_Figure4.jpg, mai 2020

A l'inverse des individus de la période précédente, les individus de la fin du Chalcolithique et du début de l'Âge du Bronze se regroupent tous au milieu du gradient précédent. Ces résultats sont confirmés par les statistiques f3 et f4. Il y a eu donc un mélange génétique important dans la région qui a homogénéisé le profil génétique des populations situées entre l'ouest de l'Anatolie et le sud du Caucase. Les auteurs ont estimé la date de mélange génétique à environ 105 générations ou 3000 ans avant l'époque de ces individus correspondant ainsi à une date du mélange génétique vers 6500 av. JC. Ce mélange génétique varie entre 21 et 38% d'ascendance Iranienne et le reste d'ascendance ouest Anatolienne.

Les individus du Levant nord sont ceux qui ont le plus évolué génétiquement pour ressembler aux autres populations Anatoliennes. Cependant le logiciel qpAdm et la statistique f4 suggèrent que ces individus diffèrent encore des autres populations du fait de leur plus grande affinité génétique avec les populations du Levant sud.

Parmi les individus de Alalakh, il y en a un qui diffère de tous les autres. Cet individu est une femme qui a été découverte au fond d'un puits. Il est daté autour de 1540 av. JC. et son squelette montre les traces d'anciennes blessures. Il se situe sur la PCA à proximité des anciens individus d'Asie Centrale et de l'est de l'Iran.