La Chine est un des plus anciens foyers de l'agriculture, juste après le Proche-Orient, avec ses deux centres indépendants basés sur la culture du riz dans le sud (bassin du Yang-Tsé), et la culture du millet dans le nord (bassin du fleuve jaune). Au nord de la Chine, les premières civilisations Néolithiques s'étendent bien au-delà du bassin du fleuve jaune pour atteindre le bassin du Liao plus au nord. La culture du millet y débute dès 6000 av. JC. Ces deux régions sont connues pour la richesse de leurs vestiges archéologiques. Au Néolithique Moyen vers 4000 av. JC., des sociétés complexes se développent: la culture de Hongshan dans le bassin du Liao, et la culture de Yangshao dans le bassin du fleuve jaune, accompagnées par une forte augmentation de la population et la diffusion de deux familles linguistiques: les langues sino-tibétaines à partir du bassin du fleuve jaune et les langues transeurasiennes à partir du bassin du Liao. Si dans le bassin du fleuve jaune, le mode de subsistance est resté constant depuis le Néolithique Moyen, dans le bassin du Liao il évolue vers un mode de subsistance plus nomade au début du premier millénaire av. JC. De plus le bassin du Liao est relié au bassin de l'Amour situé plus au nord, dans lequel le mode de subsistance est resté basé sur la chasse et la cueillette, bien qu'associé à la culture du millet et à l'élevage à la période historique.
Chao Ning et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Ancient genomes from northern China suggest links between subsistence changes and human migration. Ils ont séquencé le génome de 55 individus de différents sites archéologiques situés dans le nord de la Chine et datés à partir du Néolithique Moyen: trois sites sont situés dans le bassin de l'Amour, quatre sites dans le bassin du Liao et dix sites dans le bassin du fleuve jaune:
Les auteurs ont réalisé une Analyse en Composantes Principales. La figure a ci-dessous montre que les échantillons de cette étude se regroupent en différents clusters. Ils se situent tous à la droite de la figure avec les autres individus d'Asie de l'est, mais s'étendent sur un gradient le long de la seconde composante entre les individus du nord de la Sibérie en haut et ceux de Taïwan en bas parlant une langue Austronésienne. Parmi les individus de cette étude, les individus du bassin de l'Amour se situent dans le groupe le plus haut, ceux du bassin de la rivière jaune dans le groupe situé le plus bas, et ceux du bassin du Liao dans une position intermédiaire:
La figure c ci-dessus limite la PCA aux populations est Asiatiques. Elle sépare les populations parlant une langue Toungouse: Oroqen, Hezhen, Xibo en haut à gauche, les Tibétains en haut à droite et les chinois Han en bas.
Les auteurs ont également réalisé une analyse avec le logiciel ADMIXTURE. Dans la figure ci-dessous tous les anciens individus de cette étude comportent trois ascendances: une majoritaire chez les Nganassanes du nord de la Sibérie (en orange), une majoritaire chez les populations du sud-est Asiatique (en violet) et une majoritaire chez les Sherpas Tibétains (en marron):
Les individus du bassin de l'Amour forment un groupe resserré malgré leur grosse différence de datation: deux chasseurs-cueilleurs et trois individus de l'Âge du Fer. Cela suggère une forte continuité génétique dans cette région entre 5500 av. JC et 250 ap. JC. Un individu de l'Âge du Bronze du bassin du Liao se joint à ce cluster suggérant ainsi des mouvements de populations à cette époque.
Les individus du bassin du fleuve jaune se situent à part de ceux du bassin de l'Amour sur la PCA et ont un profil génétique différent sur l'analyse avec le logiciel ADMIXTURE. Les individus de Mongolie intérieure du Néolithique Moyen et de la province de Shanxi du Néolithique Final ont un profil génétique similaire à ceux du bassin du fleuve jaune, suggérant ainsi que ce profil génétique a une large distribution géographique. Il y a aussi de petites mais réelles différences entre eux. Ainsi les individus du Néolithique Final (triangles beiges) se situent plus près des populations actuelles du sud de la Chine et du sud-est Asiatique. Cette évolution entre le Néolithique Moyen (triangles rouges) et le Néolithique Final dans le bassin du fleuve jaune est à rapprocher de l'observation de l'augmentation de la culture du riz dans la région. Les résultats de cette étude suggèrent donc un mouvement de populations venu du sud qui a accompagné l'arrivée du riz dans la région. Le passage entre le Néolithique Final (triangles beiges) et l'Âge du Bronze (triangles violets) ne s'accompagne pas d'évolution génétique de la population.
Les individus de la culture Qijia du Néolithique Final, situés dans le haut bassin du fleuve jaune à la limite des bords nord-est du plateau Tibétain, peuvent être modélisés comme issus d'un mélange génétique entre les individus du bassin du fleuve jaune (80%) et ceux du bassin de l'Amour (20%). L'archéologie suggère un rôle important joué par cette région dans le peuplement du plateau Tibétain après 1600 av. JC. La culture Yangshao pourrait être à l'origine de la diffusion des langues Sino-Tibétaines. Ainsi les Tibétains actuels peuvent être modélisés comme issus d'un mélange génétique entre les Sherpa et les anciens individus de la culture Qijia.
Les individus de la région du bassin du Liao montrent différents changements génétiques au cours du temps. Les individus du Néolithique Moyen se situent dans une position intermédiaire entre les individus du bassin du fleuve jaune et ceux du bassin de l'Amour sur la PCA. Ils peuvent être modélisés comme issus d'un mélange génétique entre une population du bassin du fleuve jaune et une population du bassin de l'Amour. Ceux de la culture Hongshan sont plus proches des anciens individus du bassin du fleuve jaune (60,2% population fleuve jaune et 39,8% population Amour), alors qu'un individu également du Néolithique Moyen est plus proche des anciens individus du bassin de l'Amour (24,9% population fleuve jaune et 75,1% population Amour). Durant le Néolithique Moyen dans le bassin du Liao, les auteurs observent une rapide transition entre un profil génétique à dominance issue du fleuve jaune vers un profil génétique à dominance issue de l'Amour sur une distance d'environ 600 km. Linguistiquement, la région du bassin du Liao est vue comme à l'origine des langues trans-eurasiennes. Durant l'Âge du Bronze, la culture de Xiajiadian supérieur associée à un mode de subsistance de pasteurs nomades, montre un glissement génétique vers le profil des populations du bassin de l'Amour. Ces individus montrent une forte affinité génétique avec les populations actuelles Toungouses. Ces résultats suggèrent une migration importante venue du nord au début de l'Âge du Bronze dans le bassin du Liao.
Anciens génomes du nord de la Chine
samedi 13 juin 2020. Lien permanent ADN ancien
2 réactions
1 De Alexandre - 01/01/2021, 13:10
Excusez-moi mais quelle délimitation linguistique donnez-vous à la délimitation transeurasienne? Est-ce le groupe altaïque ou encore quelque chose de plus large?
2 De Bernard - 01/01/2021, 18:02
Bonjour Alexandre, oui je suppose que les auteurs faisaient référence au groupe Altaïque.