Les études précédentes de génétique sur des squelettes ont montré qu'il y avait au Néolithique une ascendance commune entre les différentes sociétés de la côte Atlantique. De plus les résultats de datation radiocarbone ont montré une diffusion rapide du mégalithisme à partir du nord-ouest de la France. Il arrive ainsi en Irlande au 4ème millénaire av. JC. avec la diffusion de l'agriculture.

Lara Cassidy et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: A dynastic elite in monumental Neolithic society. Ils ont séquencé le génome de 44 squelettes d'Irlande dont deux chasseurs-cueilleurs du Mésolithique et 42 fermiers du Néolithique:

2020_Cassidy_Figure1a.jpg, juin 2020

Les fermiers les plus anciens sont issus de la tombe de Poulnabrone. Ils ont une ascendance génétique à forte majorité fermier et ne montrent pas de consanguinité indiquant ainsi dès le début du Néolithique une population importante arrivée en Irlande par colonisation maritime. Il n'y a pas de différence génétique entre la population Néolithique d'Irlande et celle de Grande-Bretagne. Sur le continent ils ont le plus d'affinité avec les premiers fermiers de la péninsule Ibérique suggérant une colonisation le long de la côte Atlantique.

Il n'y a pas non plus d'augmentation de la consanguinité au cours du temps montrant que la population d'Irlande est toujours restée importante tout le long du Néolithique. Il y a cependant une exception notable, puisqu'un individu de Newgrange est le fruit d'une union incestueuse au premier degré, c'est à dire soit entre un frère et une sœur, soit entre un parent et son enfant. Sa sépulture à l'intérieur d'un des monuments les plus emblématique d'Irlande suggère que cet individu faisait partie de l'élite de la société. Ces unions incestueuses sont trouvées principalement dans des sociétés relativement complexes comme les chefferies ou les premiers états. C'est un moyen pour la classe dirigeante d'intensifier la hiérarchie et légitimer leur pouvoir en l'absence de système plus évolué, de la même façon que de construire des architectures monumentales ou d'organiser des rituels publics. Les auteurs suggèrent qu'une société de ce type existait au Néolithique en Irlande. Ces résultats font écho aux mythologies du Moyen-Âge en Irlande qui relatent qu'un roi bâtisseur a redémarré le cycle solaire en s'unissant avec sa sœur.

Un autre centre mégalithique est retrouvé 150 km à l'ouest de Newgrange, à Carrowmore et Carrowkeel. Il est plus ancien que Newgrange de plusieurs siècles. Les auteurs ont montré que certains squelettes de ces deux tombes ont des relations familiales avec les individus enterrés à Newgrange et dans la tombe de Millin Bay située au nord-ouest de l'Irlande. Ces individus forment un cluster (en rouge) qui se situent à part des autres fermiers d'Irlande et de Grande Bretagne sur la PCA comme le montre la figure ci-dessous:

2020_Cassidy_Figure1d.jpg, juin 2020

Ces résultats suggèrent un réseau de reproduction à longue distance en Irlande parmi l'élite de la société. Ils sont également relayés par les résultats d'analyse isotopique de l'azote et du carbone qui montrent que la diète chez les individus enterrés dans des mégalithes est plus portée sur la consommation de viande et de produits animaux que les autres individus.

L'analyse des haplogroupes du chromosome Y montrent également l'importance de la lignée paternelle dans les populations d'Irlande au Néolithique. Ainsi l'haplogroupe I2a est largement dominant. Seuls deux individus situés dans une tombe de type Linkardstown dans le sud-est de l'île, appartiennent au rare haplogroupe H2a.

D'autre part, les résultats de cette étude suggèrent qu'au Mésolithique la mer formait une barrière génétique importante. En effet les génomes des deux chasseurs-cueilleurs d'Irlande montrent que ces deux individus forment une branche à part des autres chasseurs-cueilleurs du nord-ouest de l'Europe, alors que les chasseurs-cueilleurs de Grande-Bretagne se regroupent avec ceux du continent. Ces résultats sont cohérents avec les modèles paléo-géographiques qui indiquent que la Grande-Bretagne était réunie avec le continent durant une grande partie du Mésolithique formant une région appelée Doggerland, séparée cependant de l'Irlande par un bras de mer.

De plus les chasseurs-cueilleurs d'Irlande montrent une forte proportion de courts segment d'homozygotie suggérant une longue période d'isolation. Ces sociétés Mésolithiques ne maîtrisaient donc pas la technologie maritime leur permettant de franchir aisément les mers. Cependant le faible niveau de consanguinité montrent que cette population, estimée à environ 3000 à 10.000 individus, était capable d'entretenir des réseaux de reproduction sur une longue période. De manière générale, les chasseurs-cueilleurs d'Irlande se regroupent avec les chasseurs-cueilleurs de l'ouest, notamment avec des individus d'Italie, mais ne montrent pas beaucoup d'affinité avec les chasseurs-cueilleurs de la péninsule Ibérique.

D'autre part les auteurs ont montré qu'un fermier enterré sur le site de Parknabinnia montre une forte contribution d'ascendance issue des chasseurs-cueilleurs d'Irlande, relativement récente (quatre générations). Ces données suggèrent des interactions récurrentes entre les populations de fermiers et de chasseurs-cueilleurs en Irlande, durant le Néolithique. Cet individu enterré dans la même tombe que d'autres, indique qu'il était pleinement intégré dans la communauté Néolithique.