Aujourd'hui, l'Afrique héberge une très grande diversité linguistique, culturelle et économique. La reconstruction des différents mouvements démographiques et des interactions entre populations est un des buts des différentes études génétique, archéologiques ou linguistiques. Les précédentes études en génétique ont mis en évidence une ancienne structure de la population de chasseurs-cueilleurs en Afrique et un remplacement de populations lié au changement de mode de subsistance en Afrique de l'est. En effet les populations de chasseurs-cueilleurs forment un gradient génétique entre l'Afrique du sud et l'Afrique de l'est. Ensuite, l'arrivée du pastoralisme est lié à l'arrivée d'une nouvelle population en provenance du Proche-Orient qui s'est mélangée avec la population locale. Enfin la propagation des langues Bantoues en Afrique sub-Saharienne est liée à la diffusion de l'agriculture sur le continent.
Ke Wang et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Ancient genomes reveal complex patterns of population movement, interaction, and replacement in sub-Saharan Africa. Ils ont séquencé le génome de vingt squelettes du Kenya (10 en rouge ci-dessous), du Congo (5 en bleu), d'Ouganda (1 en orange) et du Botswana (4 en vert) datés entre 3900 et 150 ans:
Deux individus du Kenya sont reliés au second degré. Les auteurs ont effectué une Analyse en Composantes Principales pour comparer les génomes de cette étude à ceux d'anciens individus préalablement publiés et de populations actuelles:
Les anciens Kenyans datés entre 3900 et 1500 ans se regroupent en deux clusters. Le premier groupe appelé "chasseurs-cueilleurs d'Afrique de l'est" regroupe des individus du Kenya, de Tanzanie et d’Éthiopie. Le second groupe appelé "pasteurs d'Afrique de l'est" se situe tout en haut de la figure dans la direction des anciens individus d'Afrique du nord et du Levant. Dans le premier groupe des chasseurs-cueilleurs certains individus se rapprochent davantage des chasseurs-cueilleurs d'Afrique du sud (losange jaune) et d'autres sont plus proches des Eurasiens (losange rose). Ces résultats sont confirmés par la statistique f4 et le logiciel qpAdm. Ainsi l'ancien Kényan daté de 3900 ans possède 18% d'ascendance liée aux pygmées Mbuti du Congo, alors que le Kényan daté de 400 ans possède 11% d'ascendance Levantine. Enfin une petite quantité d'ascendance San d'Afrique du sud se retrouve parmi plusieurs individus d'Afrique de l'est.
Le second cluster des anciens Kényans lié aux pasteurs d'Afrique de l'est inclue des individus liés archéologiquement aux traditions pastorales au Kenya. Ils sont datés entre 3500 et 1500 ans. Ils se regroupent avec un individu de Tanzanie daté de 3100 ans et d'autres anciens individus d'Afrique de l'est. Tous ces échantillons montrent une remarquable continuité génétique sur une durée de 2000 ans. Les auteurs ont utilisé le logiciel qpAdm pour montré qu'un modèle incluant seulement deux sources génétiques (chasseur-cueilleur d'Afrique de l'est et ancien individu du Levant) est insuffisant pour expliquer l'ascendance de ces individus. Il est en effet indispensable d'ajouter une troisième composante liée à la population actuelle des Dinkas du Soudan du sud pour expliquer l'ascendance génétique des pasteurs d'Afrique de l'est. Ainsi deux anciens pasteurs du Kenya possèdent respectivement 33 et 24% d'ascendance liée aux Dinkas (en bleu foncé) comme on peut le voir dans la figure ci-dessous:
La figure ci-dessus montre notamment que si l'ascendance Levantine (en rouge) est assez constante entre 30 et 40% chez les pasteurs d'Afrique de l'est les deux autres composantes: chasseur-cueilleur (en bleu clair) et Dinka (en bleu foncé) varient fortement d'un individu à l'autre. De plus les estimations de datation des mélanges génétiques suggèrent que des mélanges génétiques entre pasteurs et chasseurs-cueilleurs sont intervenus régulièrement au Kenya. Il est donc probable que des communautés de chasseurs-cueilleurs et de pasteurs ont vécu en parallèle dans la région sur une longue durée. De plus s'il y a bien un flux de gènes des populations chasseurs-cueilleurs vers les pasteurs, l'inverse n'est pas vérifié.
Deux individus du site archéologique de Kakapel au Kenya de l'Âge du Fer datés de 900 et 300 ans montrent une forte ascendance Dinka dans la figure ci-dessus et une forte affinité Bantoue sur la PCA. De plus un des deux individus possède une petite proportion d'ascendance Levantine suggérant ainsi la complexité des interactions qui ont eu lieu à l'Âge du fer en Afrique. De plus un individu du Congo daté de 750 ans possède une très forte proportion d'ascendance chasseur-cueilleur et rajoute à la complexité des différentes interactions. Enfin l'individu d'Ouganda daté de 500 ans montre une forte affinité avec les fermiers Bantous. Ainsi plusieurs groupes de mode de subsistance différents sont entrés en Afrique de l'est durant cette période.
Les quatre génomes du Botswana permettent d'investiguer l'arrivée de l'agriculture en Afrique du sud. Leur position sur la PCA met en évidence la forte proportion d'ascendance Bantoue qu'ils possèdent. Ces résultats sont confirmés par la figure indiquant les proportions d'ascendance ci-dessus. Néanmoins les individus du Botswana possèdent entre 10 et 40% d'ascendance chasseur-cueilleur d'Afrique du sud. Cependant le meilleur modèle déterminé montre que la source sud Africaine n'est pas la même selon les individus du Botswana. Si la source correspond à un chasseur-cueilleur de 2000 ans pour certains individus, elle correspond à un chasseur-cueilleur de 1200 ans pour d'autres. Cette dernière ascendance est en fait issue d'un mélange génétique entre les chasseurs-cueilleurs d'Afrique du sud et les pasteurs d'Afrique de l'est. Cela suggère ainsi une première diffusion des pasteurs en Afrique du Sud suivie par la diffusion des fermiers Bantous. Ces résultats se reflètent également dans les preuves archéologiques en Afrique du sud qui montrent une grande diversité. Des interactions différentes et spécifiques entre les populations ont eu lieu selon la région.
Anciens génomes en Afrique sub-Saharienne
samedi 27 juin 2020. Lien permanent ADN ancien