Les études de paléo-génétiques précédentes en Europe ont révélé deux changements importants dans les 10.000 dernières années. Le premier est associé à la diffusion du Néolithique à partir de l'Anatolie. Le second est associé à l'émergence de la culture Cordée durant le troisième millénaire av. JC. Il s'accompagne de changements dans l'économie, l'idéologie, les pratiques mortuaires et l'ascendance génétique. Cette dernière est similaire à celle des individus de la culture Yamnaya des steppes Ponto-Caspiennes. Cette ascendance des steppes s'est diffusée rapidement en Europe au 3ème millénaire jusqu'en Grande Bretagne, Irlande, dans la péninsule Ibérique et les îles occidentales de la Méditerranée. Les questions non résolues concernent l'origine génétique et géographique des cultures Cordée et Campaniforme et leurs relations avec la culture Yamnaya des steppes et la culture Únětice du Bronze Ancien. Bien qu'il a été proposé que la culture Cordée soit issue d'une migration Yamnaya, il n'y a pas de liens entre les haplogroupes du chromosome Y entre les cultures Yamnaya (massivement R1b-Z2103), Cordée (massivement R1a) et Campaniforme (massivement R1b-P312).

Luka Papac et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Dynamic changes in genomic and social structures in third millennium BCE central Europe. Ils ont séquencé 206 nouveaux génomes d'anciens individus du nord de la Bohême entre 4200 et 1600 av. JC. Ceux-ci ont été ajoutés à 65 anciens génomes préalablement publiés de la région et de cette époque:

2021_Papac_Figure1A.jpg, août 2021
2021_Papac_Figure1B.JPG, août 2021

Les auteurs ont réalisé une Analyse en Composantes Principales. L'ensemble des anciens individus du nord de la Bohême antérieurs à la culture Cordée (symboles rouge ci-dessous, carré pour les hommes et cercle pour les femmes) se regroupent entre les fermiers d'Anatolie et les chasseurs-cueilleurs de l'ouest:

2021_Papac_Figure2A.JPG, août 2021

Ils n'ont pas d'ascendance issue des steppes. La proportion d'ascendance chasseurs-cueilleurs augmente avec le temps.

Les plus anciens individus de la culture Cordée de Bohême remontent autour de 2900 av. JC. Ces anciens échantillons sont STD003, VLI076, OBR003 et PNL001. Sur la PCA ci-dessous ils sont situés dans des positions extrêmes le long de la seconde composante suggérant que ces premiers individus de la culture Cordée sont des migrants de la première génération venus de l'est qui se sont mélangés avec des individus locaux:

2021_Papac_Figure2B.JPG, août 2021

Les auteurs ont séparé ces individus de la culture Cordée en deux groupes distincts selon que leur datation est plus ancienne ou non que 2600 av. JC. Ces deux groupes sont nommés Cordés anciens (n = 27) et Cordés tardifs (n = 21). Les auteurs n'ont pas pu modéliser les Cordés anciens comme issus d'un mélange génétique entre une population Yamnaya et une population locale de Bohême, de Pologne, d'Ukraine, de Hongrie ou d'Allemagne. Les auteurs ont du rajouter une troisième population source pour expliquer la composition génétique de ces Cordés anciens, qui peut-être soit des fermiers de Lettonie du Néolithique Moyen, soit des fermiers d'Ukraine du Néolithique, soit des chasseurs-cueilleurs de la céramique perforée. Cette dernière ascendance varie entre 5 et 15%. De manière intéressante, les quatre Cordés anciens sans ascendance des steppes sont des femmes suggérant que le mélange des premiers migrants avec la population local est biaisé sexuellement. Deux de ces quatre femmes se regroupent avec les individus de la culture des amphores globulaires de Bohême et de Pologne.

Les Cordés tardifs possèdent plus d'ascendance fermiers que les Cordés anciens, cependant cette différence s'estompe si on tient compte des quatre Cordés anciens sans ascendance des steppes. Ce surplus d'ascendance fermier ne semble pas local à la Bohême. De plus si on considère le chromosome Y, il y a une forte réduction de la diversité génétique entre les Cordés anciens et les cordés tardifs. En effet les Cordés anciens possèdent cinq lignages paternels différents: R1a-M417, Q1b, R1b-U106, R1b-L151 et I2a, alors que les Cordés tardifs appartiennent tous au même lignage paternel: R1a-M417 sauf un individu R1b-Z2103:

2021_Papac_Figure4A.JPG, août 2021

Les Campaniformes anciens de Bohême ont une position similaire aux Cordés sur la PCA suggérant une certaine continuité génétique. Cependant les Campaniformes tardifs possèdent plus d'ascendance fermiers que les Campaniformes anciens:

2021_Papac_Figure2C.JPG, août 2021

Les modélisations montrent qu'en moyenne, les Campaniformes tardifs sont formés de 80% de Campaniformes anciens et 20% d'ascendance fermiers locaux. Tous les Campaniformes appartiennent à l'haplogroupe du chromosome Y: R1b-P312. Ces derniers sont donc plus proches de ce point de vue des Cordés anciens que des Cordés tardifs ou des Yamnayas. En effet six des Cordés anciens appartiennent à l'haplogroupe R1b-L151 ancestral à R1b-P312. De manière intéressante la majorité des Campaniformes de Bohême appartiennent à la sous-clade R1b-L2 à l'inverse des Campaniformes de Grande Bretagne qui sont à majorité de la sous-clade R1b-L21 indiquant ainsi que les Campaniformes de Grande-Bretagne et de Bohême ne sont pas descendants les uns des autres mais ont plutôt évolué en parallèle à partir d'une population ancestrale commune. On peut supposer que cette population ancestrale a vécu entre les deux points géographiques peut-être au bord du Rhin avant de migrer à la fois vers l'est et vers l'ouest.

Le passage au Bronze ancien en Bohême s'accompagne d'un glissement vers le haut des échantillons sur la PCA par rapport à la période Campaniforme:

2021_Papac_Figure4B.JPG, août 2021

La statistique f3 indique une contribution venue du nord-est dans la composition génétique des individus de la culture Únětice: chasseurs-cueilleurs de l'est ou chasseurs-cueilleurs de l'ouest de la Sibérie. Les modélisations impliquant un mélange génétique Campaniforme et Yamnaya ou Campaniforme et Cordé échouent. Par contre un mélange génétique Campaniformes anciens (63,5%) et Campaniformes tardifs (36,5%) de Bohême est en accord avec les données. Cependant il y a également une forte augmentation de la diversité génétique sur les lignages paternels: R1b-P312, R1b-U106, R1a-Z645 et I2a. Ainsi une meilleure modélisation consiste à rajouter une troisième source génétique. Un mélange Campaniformes tardifs de Bohêmes, Cordés anciens de Bohême et Âge du Bronze de Lettonie explique à la fois la composition autosomale et les lignages paternels des individus de la culture Únětice de Bohême. Notamment sur la PCA, un outlier Únětice de Bohême se regroupe avec les individus de l'Âge du Bronze de Lettonie:

2021_Papac_Figure2D.JPG, août 2021

Avec le temps il y a un léger décalage des individus de la culture Únětice de Bohême vers le bas sur la PCA suggérant une légère augmentation de la composante fermiers du Néolithique dans leur composition génétique.