L'archipel du Japon est occupé depuis au moins 38.000 ans, bien que les transformations culturelles les plus radicales datent seulement des 3000 dernières années. Les chasseurs-cueilleurs de l'archipel appartenaient à la culture Jomon caractérisée par l'utilisation de la poterie. Elle va durer jusqu'à l'arrivée des premiers agriculteurs il y a environ 3000 ans. Ces derniers sont caractérisés par la culture du riz et forment la culture Yayoi. Enfin il y a environ 1700 ans la période Kofun voit l'émergence d'une centralisation politique et la mise en place d'un empire.

Niall Cooke et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Ancient genomics reveals tripartite origins of Japanese populations. Ils ont séquencé le génome de douze anciens individus du Japon datés entre 8800 et 1300 ans. Les plus anciens appartiennent à la culture Jomon et les plus récents à la période Kofun. Ces génomes ont été ajoutés à cinq anciens génomes du Japon préalablement publiés et appartenant aux cultures Jomon et Yayoi:

2021_Cooke_Figure1.jpg, sept. 2021

Tous les anciens Jomons appartiennent aux haplogroupes mitochondriaux N9b et M7a qui sont très rares aujourd'hui en dehors du Japon. Les trois Jomons hommes appartiennent à l'haplogroupe du chromosome Y: D1b1 présent aujourd'hui au Japon mais très rare en dehors de l'archipel. Les trois individus de l'époque Kofun appartiennent à des haplogroupes mitochondriaux communs aujourd'hui en Asie de l'est. L'unique homme de l'époque Kofun appartient à l'haplogroupe du chromosome Y: O3a2c commun également en Asie de l'est.

La statistique f3 montre que les anciens individus du Japon se regroupent en trois clusters distincts selon qu'ils appartiennent aux cultures Jomon, Yayoi ou Kofun.

Les auteurs ont ensuite fait une Analyse en Composantes Principales. Là encore les anciens individus du Japon se regroupent en trois clusters distincts:

2021_Cooke_Figure2B.jpg, sept. 2021

Sur la droite de la figure ci-dessus, les anciens individus d'Asie de l'est forment un gradient sud/nord qui s'étend le long de la seconde composante. Les trois anciens individus de la période Kofun se regroupent avec les anciens individus du bassin du fleuve jaune.

Les auteurs ont réalisé ensuite une analyse avec le logiciel ADMIXTURE:

2021_Cooke_Figure2C.jpg, sept. 2021

Dans la figure ci-dessus, les anciens Jomons sont caractérisés par une ascendance unique rouge. Cette dernière est encore importante chez les anciens individus de la culture Yayoi, avant de diminuer fortement chez les trois individus de la période Kofun et chez les Japonais actuels.

Les nouvelles composantes qui apparaissent chez les deux individus de la culture Yayoi se retrouvent dans des proportions similaires chez les anciens individus du bassin de la rivière Amour au nord-est de l'Asie. Les anciens individus de la période Kofun sont caractérisés par une forte proportion de la composante jaune majoritaire chez les individus d'Asie de l'est.

Les auteurs ont utilisé le logiciel TreeMix pour situer la branche Jomon parmi les autres anciennes branches Asiatiques:

2021_Cooke_Figure3A.jpg, sept. 2021

Les résultats montrent que la branche Jomon s'est séparée après celles des anciens chasseurs-cueilleurs d'Asie de l'est comme Tianyuan, Salkhit ou les Hoabinhiens, mais avant les anciens Népalais (Chokhopanis) ou les anciens chasseurs-cueilleurs de la région du lac Baïkal (Shamanka, Lokomotiv) ou de la grotte de Devil’s Gate. De plus l'analyse des segments d'homozygotie chez le plus ancien Jomon de cette étude montre que la population Jomon a subi un fort goulot d'étranglement il y a 15 à 20.000 ans et que la taille de sa population était d'environ 1000 individus. Cette date coïncide avec la montée du niveau de la mer et le début de l'isolement de l'archipel Japonais.

Les auteurs ont utilisé les logiciels qpAdm et qpWave pour déterminer l'ancienne population Est Asiatique la plus proche de la composante continentale présente chez les anciens individus de la culture Yayoi du Japon. Les résultats montrent que les chasseurs-cueilleurs de la région du lac Baïkal, les fermiers du Néolithique Moyen de l'ouest de la rivière Liao et les individus de l'Âge du Bronze du bassin de la rivière Amour sont les anciennes populations du continent Asiatique qui sont les plus proches génétiquement de la source continentale présente chez les deux individus Yayoi. Ces trois groupes sont caractérisés par une forte composante du nord est de l'Asie. Bien que les fermiers Néolithique de la région de la rivière Liao ne pratiquaient pas la culture du riz, ils étaient situés juste au nord de la route supposée de diffusion de l'agriculture vers l'archipel du Japon en passant par la péninsule Coréenne.

Les anciens individus de la période Kofun sont distincts génétiquement des individus de la culture Yayoi. Les auteurs ont utilisé la statistique f4 et le logiciel qpAdm, pour rechercher la source génétique présente chez les individus Kofun et absente chez les Yayoi. Les résultats suggèrent que les Han d'Asie de l'est sont la population la plus proche de cette source continentale. Étant donné que la proportion d'ascendance Jomon a été divisée par quatre, il est probable que l'apparition de l'empire Kofun s'est accompagné d'une forte migration en provenance du continent Asiatique dans l'archipel du Japon.

L'utilisation du logiciel DATES permet de dater les flux de gènes dans les anciennes populations du Japon. Les résultats montrent un premier flux de gènes il y a 3450 ans et un second il y a environ 1750 ans. Ces résultats sont en accord avec l'archéologie et les écrits historiques.

Les anciens individus de la période kofun sont génétiquement similaires à la population actuelle du japon suggérant une continuité génétique au Japon depuis cette période:

2021_Cooke_Figure6.jpg, sept. 2021