Les migrations successives des Huns, Avars et Conquérants Hongrois de l'Asie vers l'est de l'Europe ont eu un impact durable sur les populations du bassin des Carpates. Ceci est notamment visible sur la langue et les traditions ethnoculturelles des Hongrois actuels. L'apparition des Huns en Europe est datée aux alentours de l'an 370 d'après les traces écrites et succède de peu à la disparition des Xiongnus en Asie d'après les traces écrites chinoises. De la même façon l'apparition des Avars en Europe au 6ème siècle succède à la disparition de l'empire Rouran en Asie. A la fin du 19ème siècle, les linguistes sont arrivés à un consensus sur l'origine de la langue Hongroise appartenant à la branche ougrienne dont les plus proches voisins sont le Mansi et le Khanty. Les Conquérants Hongrois ont ainsi été vu comme issu d'une population proto-ougrienne.

Zoltán Maróti et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Whole genome analysis sheds light on the genetic origin of Huns, Avars and conquering Hungarians. Ils ont séquencé le génome de 9 Huns, 143 Avars et 113 Conquérants Hongrois issus de cimetières situés dans la plaine Hongroise et datés entre l'an 370 et l'an 1000:

2022_Maroti_Figure1.jpg, janv. 2022

Les auteurs ont réalisé une Analyse en Composantes Principales pour comparer les génomes issus des échantillons de cette étude avec d'autres génomes anciens ou issus de populations contemporaines d'Eurasie. Dans la figure ci-dessous la première composante sépare les populations Européennes à gauche des populations est Asiatiques à droite, alors que la seconde composante sépare les population du nord en haut des populations du sud en bas:

2022_Maroti_Figure2a.jpg, janv. 2022

Ainsi les anciens échantillons de cette étude d'ascendance Européenne se regroupent en cinq groupes éparpillés le long du gradient sud nord Européen, et nommés de EU_core1 à EU_core5. EU_core1 se regroupe avec les Lombards d'Italie, mais aussi d'autres anciennes populations d'Italie ou de Grèce, les trois groupes de EU_core2 à EU_core4 se regroupent avec des Lombards mais aussi des populations de l'Âge du Bronze de Hongrie, d'Allemagne et de République Tchèque, enfin EU_core5 se regroupe avec des anciens Scythes Hongrois.

Les auteurs ont également fait une analyse avec le logiciel ADMIXTURE. Dans la figure ci-dessous, les populations de gauche correspondent aux populations dont chacune des composantes génétiques est maximale: jaune chez les chinois Han, orange chez les Nganassan de Sibérie, rouge chez les Anciens Nord Eurasiens (ANE), vert chez les chasseurs-cueilleurs de l'ouest (WHG), bleu clair et foncé chez les anciens fermiers d'Anatolie et d'Europe et enfin violet chez les anciens fermiers d'Iran:

2022_Maroti_Figure2b.jpg, janv. 2022

On remarque ainsi pour les populations Européennes, que plus on remonte vers le nord, plus les proportions d'ascendances ANE et WHG augmente, par contre les proportions d'ascendance fermiers d'Anatolie ou fermiers d'Iran diminuent. Ces individus Huns, Avars ou Conquérants de Hongrie appartenant aux clusters Européens sont en fait des individus d'origine locale, et non des migrants venus de l'est.

Les anciens Huns de Hongrie (étoiles rouges) sont localisés sur un gradient qui s'étire d'est en ouest. Sur la droite, deux individus se regroupent avec les populations actuelles mongoles et Kalmoukes, ainsi qu'avec deux autres Huns (étoiles bleues). Ces quatre anciens individus forment le groupe Hun_Asia_Core. Ils se regroupent également avec d'anciens Xiongnu, des Mongols de l'époque médiévale, des turcs de Mongolie et des anciens Avars de Hongrie. Ces résultats sont confirmés par l'analyse avec le logiciel ADMIXTURE. La statistique f3 indique que ces anciens Huns de Hongrie partagent le plus d'allèles avec les anciens fermiers du site archéologique de Wuzhuangguoliang situé dans le nord de la Chine. les anciens Xiongnu et des anciens individus de Mongolie. Ces individus sont probablement des migrants de première génération. Deux autres Huns de Hongrie se situent dans une position intermédiaire entre les Européens et le groupe Hun_Asia_Core. Ils sont issus d'un mélange génétique entre une ascendance Asiatique et une ascendance Européenne. Les autres anciens Huns de Hongrie se regroupent avec les populations d'Europe du nord.

Les anciens Avars de Hongrie (symboles jaune et marron) sont localisés également sur un gradient qui s'étire d'est en ouest. Sur la droite ils se regroupent en deux clusters voisins: Avar_Asia_Core1 et Avar_Asia_Core2. Ils se regroupent avec les anciens fermiers de la région du lac Baïkal et de Mongolie. L'analyse avec le logiciel ADMIXTURE montre que la composante majoritaire est celle correspondant à la population Nganassane de Sibérie. Ainsi les Avars sont originaire d'Asie de l'est, probablement de Mongolie. La statistique f3 montre que les groupes Avar_Asia_Core partagent le plus d'allèles avec les populations Anciennes du nord-est Asiatique (ANA). Parmi 76 anciens Avars de Hongrie, 26 peuvent être modélisés comme issus d'un mélange génétique entre une population Européenne et les groupes Avar_Asia_Core. Ils se situe dans une position intermédiaire sur le gradient des anciens Avars et sont les descendants des migrants venus de l'est et de la population locale. Pour les autres individus intermédiaires, il faut remplacer la source Asiatique par des Xiongnu ou des Huns d'Asie.

Les individus de la Conquête Hongroise se retrouvent également sur un gradient est ouest sur la PCA. Le point le plus oriental est localisé vers le milieu de la première composante. Ce gradient est de plus situé plus au nord que le gradient des anciens Huns ou Avars. Les anciens Conquérants Hongrois les plus orientaux se regroupent dans deux clusters nommés: Conq_Asia_Core1 et Conq_Asia_Core2. Ils se regroupent avec les actuels Bashkirs et Tatars de la Volga. La statistique f3 indique que les composantes principales des Conquérants Hongrois sont les anciens individus des steppes du Bronze Moyen ou de la fin de l'Âge du Bronze (par exemple les Mezhovskaya) et les actuels Nganassanes. Ils peuvent être modélisés comme issus d'un mélange génétique entre les Mansis actuels (50%), les Sarmates (35%) et une source orientale proche des Scythes orientaux, des Xiongnus et des Huns (15%).

2022_Maroti_Figure3.jpg, janv. 2022